Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 11 août 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office.
Par un jugement n° 2006617 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 11 août 2020, en tant qu'il fixait le pays a destination duquel M. A... pouvait être éloigné d'office et a rejeté le surplus de sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 30 décembre 2021 et le 4 février 2022, la préfète du Val-de-Marne demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 2006617 du 26 novembre 2021 du tribunal administratif de Melun ;
2°) rejeter les conclusions de M. A... relatives au pays de destination en cas d'éloignement d'office.
Elle soutient que :
- le choix du pays de destination est suffisamment motivé, compte tenu des informations transmises par le demandeur ;
- M. A... ne démontre nullement être exposé à des risques personnels en cas de retour au Mali.
Par un mémoire, enregistré le 8 avril 2022, M. A..., représenté par Me Shebabo, conclut au rejet de la requête de la préfète et à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 11 août 2020, dans son entièreté, à ce qu'il soit enjoint à la préfète de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la décision fixant le pays de destination ne comporte aucune motivation ;
- elle est illégale au fond, compte tenu des risques auxquels il serait exposé en cas de retour au Mali ;
- l'arrêté du 11 août 2020 du préfet du Val-de-Marne émane d'une autorité incompétente ;
- il est entaché de défaut de motivation et d'une absence d'examen sérieux de son dossier ;
- il est entaché d'inexactitude de fait ;
- il méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'accord franco-malien ;
- le métier d'agent d'entretien de locaux est bien une profession en tension ;
- l'arrêté attaqué est contraire à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention franco-malienne du 26 septembre 1994 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- et les observations de Me Konter, substituant Me Shebabo, pour M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né en 1976, a demandé au préfet du Val-de-Marne son admission exceptionnelle au séjour. Par arrêté du 11 août 2020, le préfet a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire en fixant le pays de destination. Par jugement du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté en tant qu'il fixe le pays à destination duquel M. A... pourra être éloigné d'office et rejeté les conclusions de M. A... dirigées contre les autres dispositions de l'arrêté. La préfète du Val-de-Marne demande régulièrement à la Cour d'annuler le jugement du 26 novembre 2021, en tant que par ledit jugement, le tribunal a annulé les dispositions de l'arrêté relatives au pays de destination. Par appel incident, M. A... demande régulièrement l'annulation des autres dispositions de l'arrêté du 11 août 2020.
Sur l'appel de la préfète :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...). ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ". La décision par laquelle le préfet fixe le pays à destination duquel sera reconduit l'étranger qui n'a pas satisfait à l'obligation de quitter le territoire français, laquelle constitue une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même en vertu des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, constitue une mesure de police qui doit, en principe, être motivée en fait comme en droit.
3. Si l'arrêté du 11 août 2020 vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il ne porte aucune mention relative aux risques que pourrait courir M. A... en cas de retour au Mali ou dans un autre pays. Dans ces conditions, même si l'intéressé, qui a été demandeur d'asile, n'a pas fait état, au cours de l'instruction de sa demande, d'éléments particuliers relatifs aux risques qu'il encourrait en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet du Val-de-Marne n'a pas suffisamment motivé la décision relative au pays de destination en cas d'exécution d'office. Par suite, la préfète du Val-de-Marne n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Melun a annulé cette décision.
Sur l'appel incident formé par M. A... :
4. En premier lieu, pour les raisons énoncées au point 2 du jugement attaqué, dont il convient sur ce point de s'approprier les motifs, l'arrêté du 11 août 2020 est bien signé par une autorité compétente.
5. En deuxième lieu, pour les motifs mentionnés aux points 3 et 4 du jugement attaqué, dont il convient sur ces points de s'approprier la motivation, la décision de refus de séjour est suffisamment motivée, a fait l'objet d'un examen attentif et les erreurs de plume qu'elle contiendrait sont sans influence sur sa légalité.
6. En troisième lieu, d'une part, aux termes de l'article 15 de la convention du 26 septembre 1994 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali sur la circulation et le séjour des personnes : " Les points non traités par la convention en matière d'entrée et de séjour des étrangers sont régis par la législation de l'Etat d'accueil " et, aux termes de l'article 4 de cette même convention : " Pour un séjour de plus de trois mois, les nationaux maliens à l'entrée du territoire français (...) doivent être munis d'un visa de long séjour et des justificatifs prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation ". En vertu de l'article 5 de cette même convention : " Les nationaux de chacun des Etats contractants désireux d'exercer sur le territoire de l'autre Etat une activité professionnelle salariée doivent, en outre, pour être admis sur le territoire de cet Etat, justifier de la possession : / 1. D'un certificat de contrôle médical établi dans les deux mois précédant le départ (...) / 2. D'un contrat de travail visé par le ministère chargé du travail dans les conditions prévues par la législation de l'Etat d'accueil ". Enfin, aux termes de l'article 10 de la convention : " (...) Pour tout séjour sur le territoire français devant excéder trois mois, les nationaux maliens doivent posséder un titre de séjour. / Ces titres de séjour sont délivrés et renouvelés conformément à la législation de l'Etat d'accueil ".
7. D'autre part, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...). ". Il résulte de ces dispositions que l'article L. 313-14 permet la délivrance de deux titres de séjour de nature différente que sont, d'une part, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et, d'autre part, la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sans que doive être prise en compte, à ce titre, l'existence d'une liste de métiers en tension.
8. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France en 2016, justifie d'une activité professionnelle de quatre ans chez le même employeur, à la date de la décision attaquée. Si la profession d'agent d'entretien souffre d'un déficit de main-d'œuvre et que celle-ci est difficile à fidéliser, il ne ressort pas des pièces du dossier que sa situation professionnelle justifierait un motif exceptionnel d'admission au séjour. En effet, si sa durée de séjour en France n'est pas négligeable, le métier qu'il exerce présente une faible spécificité, quel que soit le degré de tension existant sur le segment correspondant du marché du travail, auquel le préfet, par une motivation surabondante, s'est référé, et il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant aurait développé en France une compétence professionnelle particulière ou une vie familiale ou des attaches personnelles telles qu'elles justifient une admission exceptionnelle au séjour. Par suite, les moyens tirés des erreurs de fait entachant la décision attaquée, de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées de la convention franco-malienne du 26 septembre 1994 et de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de l'erreur de droit tenant à la compétence liée au regard d'une liste de métiers en tension, doivent être écartés.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France quatre ans seulement avant la décision attaquée, est célibataire et sans enfant en France et ne justifie pas d'une insertion particulière, en dehors du travail. Il ne justifie par ailleurs pas être totalement dépourvu d'une vie privée et familiale au Mali où il a vécu jusque l'âge de quarante ans. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas portée au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise.
11. En cinquième lieu, pour les motifs mentionnés aux points 8 et 10 du présent arrêt, la décision de refus de séjour attaquée n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
12. En sixième lieu, en vertu des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...). ".
13. M. A... a demandé le 22 juillet 2019 la régularisation de sa situation administrative et, par l'arrêté en litige, le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer le titre sollicité. Ainsi, la situation du requérant entre dans le champ d'application des dispositions du 3° du paragraphe I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, la décision en litige n'est pas entachée d'un défaut de base légale.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la préfète du Val-de-Marne et M. A... ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du 26 novembre 2021, ainsi que de l'arrêté du 11 août 2020. Par suite, les conclusions de M. A... tendant au prononcé d'une mesure d'injonction doivent également être rejetées.
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A... à l'occasion de l'instance et non compris dans les dépens, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la préfète du Val-de-Marne est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident présentées par M. A... sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées pour le surplus.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. C... A....
Copie en sera adressé à la préfète du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 25 novembre 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président de chambre,
- M. Soyez, président assesseur,
- M. Simon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 12 décembre 2022.
Le rapporteur,
C. B...Le président,
S. CARRERE La greffière,
C. DABERTLa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 21PA06685