Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge, en droits et majorations, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti, respectivement au titre des années 2006 à 2012 et au titre des années 2006 à 2015.
Par un jugement n° 2006795/1-1 du 27 octobre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 29 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Jean-Pierre Le Sergent, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 octobre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration n'établit pas, par la seule production d'une fiche de synthèse BUP qu'elle a confectionnée elle-même, la détention d'avoirs à l'étranger ;
- aucune preuve n'est fournie de la détention d'avoirs à compter de 2007 ;
- des pénalités pour manœuvres frauduleuses ne peuvent être appliquées sur la base de simples hypothèses relatives à la détention des comptes et la disposition de revenus dont il n'est pas établi qu'ils ont été perçus et qu'ils ont échappé à l'impôt.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 mai 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 18 mai 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. C...,
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Après que le procureur de la République de Nice a fait procéder, le 20 janvier 2009, dans le cadre d'une commission rogatoire internationale, à une perquisition au domicile d'un ancien employé de banque HSBC, la saisie d'un ordinateur dont le disque dur contenait des données sur les clients de la filiale suisse de la banque HSBC a été effectuée. L'exploitation des fichiers ainsi obtenus laissait présumer que M. A... était titulaire d'avoirs sur des comptes bancaires ouverts auprès de la banque HSBC en Suisse, non déclarés auprès de l'administration fiscale française. Dès lors, l'administration fiscale a déposé plainte pour fraude fiscale à l'encontre du requérant, le 10 décembre 2012, sur la base de ces informations. Conformément aux dispositions des articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a autorisé, le 18 mars 2016, la consultation des pièces du dossier traitant de la situation de M. B... E... A.... Le service vérificateur a par suite exercé son droit de communication auprès de l'autorité judiciaire, conformément aux dispositions des articles L. 81 et L. 82 C du livre des procédures fiscales, afin de consulter, le 10 juin 2016, les différents éléments recueillis par les agents des services de police dans le cadre de l'enquête judiciaire concernant M. A.... Les éléments ainsi obtenus par l'exercice du droit de communication ont démontré que M. A... était titulaire d'avoirs sur deux comptes bancaires ouverts auprès de la banque HSBC en Suisse, sous le profil client " 42052 FY " et que contrevenant aux dispositions de l'article 1649 A du code général des impôts il n'avait pas déclaré à l'administration l'existence de ces comptes. Le requérant a fait l'objet d'un contrôle sur pièces de son dossier. Une demande d'éclaircissements et de justifications portant sur ces avoirs ou revenus d'avoirs au titre des années 2006 à 2015 a été adressée le 22 août 2016 au requérant, en application de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales. Dans sa réponse du 20 octobre 2016, M. A... a sollicité la communication des documents sur lesquels l'administration se fondait pour établir la détention des comptes en litige. Une mise en demeure d'avoir à compléter cette réponse lui a alors été adressée, le 3 novembre 2016, à laquelle était joint le document de synthèse individuel (dit code BUP ou Business Unit Partner) retraçant toutes les informations identifiées dans les fichiers de la banque HSBC Private Bank en Suisse le concernant ainsi que deux procès-verbaux de gendarmerie du 26 septembre 2013. En réponse, par lettre du 12 décembre 2016, M. A... n'a fourni aucun élément sur l'origine et le caractère non imposable de ces avoirs et revenus d'avoirs. L'administration fiscale a par suite considéré que M. A... s'était placé en situation de taxation d'office en vertu des dispositions de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Le service vérificateur a appliqué l'article 151 du code général des impôts pour évaluer les revenus de ses avoirs détenus à l'étranger, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers au titre des années 2006 à 2015, par une proposition de rectification du 23 décembre 2016. Les rectifications ont été maintenues par lettre du 2 août 2017 à la suite des observations présentées par le contribuable le 26 janvier 2017. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, au titre des années 2006 à 2012, et de contributions sociales, au titre des années 2006 à 2015, ont été assorties de l'intérêt de retard et de la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'intégralité de ces impositions en droits et pénalités.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. (...) " et aux termes de l'article L. 69 du même livre : " Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16 ". Aux termes de l'article 151 du code général des impôts : " Pour l'application de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, l'impôt sur les revenus des avoirs à l'étranger est établi sur le produit du montant de ces avoirs par la moyenne annuelle des taux de rendement brut à l'émission des obligations des sociétés privées ". En outre, aux termes de l'article L. 193 dudit livre : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office, la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ".
3. Il résulte de l'instruction, et notamment du procès-verbal du 29 janvier 2015, que l'enquête judiciaire, au vu de plusieurs éléments d'identification concordants, tels que l'état-civil, la profession et l'adresse de M. A..., qui figuraient sur la fiche de synthèse " BUP " établie sur la base des fichiers HSBC, lesquels font le lien entre d'une part M. B... E... A... né le D... à Casablanca (Maroc) et, d'autre part le profil client 42052 FY, ouvert le 21 novembre 2003 et les comptes ouverts en 2003 pour les montants au 31 décembre 2005 de 1 730 626 dollars et en décembre 2006 de 1 960 384 dollars, a révélé que M. A... est le titulaire des droits inscrits sur quatre comptes bancaires ouverts en Suisse auprès de la banque " HSBC Private Bank ". En outre un procès-verbal du 30 septembre 2016 des services de police, transmis au requérant, a confirmé que la pièce d'identité visée par la synthèse individuelle est conforme au passeport du requérant. Par suite, au regard de l'ensemble de ces éléments, M. A... doit être regardé comme ayant eu la disposition des comptes ouverts sous le profil client " 42052 FY ". Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause le caractère probant des informations recueillies lors de la perquisition mentionnée au point 1., dont sont issus les éléments qui précèdent, et dont la validité a été confirmée par la Cour de cassation dans un arrêt du 27 novembre 2013. De même, aucun élément du dossier ne permet de considérer que l'administration fiscale serait intervenue dans la confection des instruments de preuve en extrayant dans le cadre de fiches de synthèse individuelles les informations figurant dans le fichier d'origine qui concernait de nombreuses autres personnes. En outre, et malgré l'importance des sommes en jeu, le requérant ne s'est pas rapproché de la banque HSBC pour établir le caractère erroné desdits éléments. L'administration fiscale disposait ainsi d'éléments suffisants permettant de présumer que M. A... disposait d'avoirs et de revenus d'avoirs à l'étranger. L'administration était par suite fondée à lui adresser une demande d'éclaircissements et de justifications en application des dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et de tirer les conséquences d'une réponse insuffisante en mettant en œuvre la procédure de taxation d'office prévue par l'article L. 69 du livre des procédures fiscales. Contrairement à ce qui est soutenu, la circonstance que les éléments opposés à M. A... n'établissent formellement la disposition d'avoirs à l'étranger par l'intéressé qu'au titre des années 2005 et 2006 ne fait pas obstacle, en l'absence de tout élément permettant de considérer que ces avoirs auraient disparu ou que M. A... n'en aurait plus disposé, à ce que l'administration fiscale interroge le contribuable au titre des années ultérieures, à ce qu'en l'absence de réponse satisfaisante, elle lui applique la procédure de taxation d'office au titre desdites années et à ce qu'elle calcule sa base d'imposition en faisant usage des dispositions de l'article 151 du code général des impôts et en évaluant les revenus imposables générés par ces avoirs au cours des années d'imposition en litige.
Sur les pénalités :
4. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : (...) c) 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ".
5. Contrairement à ce qui est soutenu, et compte tenu de l'ensemble des éléments précédemment évoqués, l'administration établit que M. A... avait la disposition, par l'intermédiaire d'un profil client, de plusieurs comptes ouverts auprès de la banque HSBC à Genève en Suisse et les avait dissimulés aux services fiscaux. L'administration doit par suite être regardée comme apportant la preuve de l'existence de manœuvres frauduleuses. M. A... n'est dès lors pas fondé à demander la décharge des pénalités dont ont été assortis les rehaussements d'impôt sur le revenu mis à la charge de son foyer fiscal en soutenant que le service vérificateur serait tenu d'apporter la preuve que les sommes mentionnées sur ces comptes seraient imposables et auraient indûment échappé à l'impôt.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que le requérant demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.
Copie en sera adressée au chef des services fiscaux chargé de la direction nationale de vérification des situations fiscales.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, président assesseur,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022.
Le rapporteur,
F. C...Le président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA06673