Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2021 par lequel le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, Me Marzak, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n° 2124271 du 24 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 20 octobre 2021 du préfet de police, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, Me Marzak, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2022, le préfet de police demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.
Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que Mme B... bénéficiait encore du droit de se maintenir sur le territoire français alors qu'il justifie que les décisions de rejet de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile ont été régulièrement notifiées à l'intéressée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 juin 2022, Mme B..., représentée par Me Marzak, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à la mise à la charge de l'Etat du versement à son conseil, Me Marzak, de la somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été signée par une autorité incompétente ;
- elle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que son droit à être entendue, garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, a été méconnu ;
- elle est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'elle est fondée sur les dispositions de l'article L. 824-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 542-1 du même code ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle a été signée par une autorité incompétente ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- en ne visant pas l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle est dépourvue de base légale ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 19 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 14 novembre 2022 à 12h00.
Par un courrier du 4 novembre 2022, le préfet de police a été invité à produire une pièce en vue de compléter l'instruction.
Par un mémoire, enregistré le 18 novembre 2022, le préfet de police a répondu à cette mesure d'instruction.
Par une ordonnance du 24 novembre 2022, l'instruction a été rouverte et sa clôture fixée au 7 décembre 2022 à 12h00.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 mai 2022 du bureau d'aide juridictionnelle établi près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. d'Haëm, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne, née le 2 janvier 1993 et entrée en France, selon ses déclarations, le 1er septembre 2019, y a sollicité l'asile. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 27 novembre 2020 du directeur général de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmée par une décision du 15 juillet 2021 de la cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 20 octobre 2021, le préfet de police l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée à l'expiration de ce délai. Le préfet de police relève appel du jugement du 24 décembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 octobre 2021, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour et mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, Me Marzak, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français ". Aux termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision. / Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article
L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci ". Aux termes de l'article
R. 532-54 de ce code : " Le secrétaire général de la Cour nationale du droit d'asile notifie la décision de la cour au requérant par lettre recommandée avec demande d'avis de réception et l'informe dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend du caractère positif ou négatif de la décision prise. Il la notifie également au directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides ". Aux termes de l'article
R. 532-57 du même code : " La date de notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, et qui est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques, fait foi jusqu'à preuve du contraire ". Enfin, aux termes de l'article L. 611-1 de ce code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ".
3. Pour annuler l'arrêté du 20 octobre 2021 du préfet de police, le premier juge a relevé, d'une part, que Mme B... soutenait que la notification régulière du rejet de sa demande d'asile par la CNDA n'était pas établie, d'autre part, qu'en défense, le préfet de police se bornait à faire valoir que " la décision de la CNDA a bien été notifiée à l'intéressée ", sans produire un extrait du système d'information " TelemOfpra " permettant d'attester de cette notification régulière, et a considéré, en conséquence, que le préfet avait méconnu les dispositions de l'article
L. 542-1 précité. Cependant, il ressort de la copie de la décision de la CNDA, versée au dossier par le préfet de police en réponse à la mesure d'instruction diligentée par la cour, que cette décision a été lue en audience publique le 15 juillet 2021. Ainsi, en application des dispositions de l'article L. 542-1 précité, le droit de Mme B... de se maintenir sur le territoire français a pris fin à cette date. Par ailleurs, les circonstances selon lesquelles cette décision n'aurait pas été notifiée à l'intéressée, alors que, selon l'indication figurant sur la fiche extraite du système d'information " TelemOfpra ", qui fait foi jusqu'à preuve du contraire, la décision du
15 juillet 2021 de la CNDA a été notifiée à Mme B... le 23 juillet 2021, ou que cette notification n'aurait pas été régulière au regard des dispositions de l'article R. 532-54 précité, qui prévoit, notamment, une information de la personne intéressée du caractère positif ou négatif de la décision de la CNDA dans une langue qu'elle comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'elle la comprend, sont, en tout état de cause, sans incidence sur la fin du droit de l'intéressée au maintien sur le territoire en application des dispositions de l'article L. 542-1 précité. Par suite, le préfet pouvait légalement, par son arrêté du 20 octobre 2021, obliger
Mme B... à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 4° de l'article
L. 611-1 précité. Il suit de là que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le juge de première instance a annulé son arrêté du 20 octobre 2021 au motif qu'il avait été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... devant le tribunal administratif et devant la cour.
Sur le moyen commun aux deux décisions attaquées :
5. Par un arrêté du 24 août 2021, publié au recueil des actes administratifs le 25 août suivant, le préfet de police a donné délégation à Mme E... D..., adjointe au chef du 12ème bureau de la délégation à l'immigration, à l'effet de signer, notamment, les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré de ce que les décisions attaquées auraient été signées par une autorité incompétente manque en fait et doit, dès lors, être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, si les dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne sont pas en elles-mêmes invocables par un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement telle qu'une obligation de quitter le territoire français, celui-ci peut néanmoins utilement faire valoir que le principe général du droit de l'Union, relatif au respect des droits de la défense, imposait qu'il soit préalablement entendu et mis à même de présenter toute observation utile sur la mesure d'éloignement envisagée. Toutefois, dans le cas prévu au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise après que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du défaut de reconnaissance de cette qualité ou de ce bénéfice. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français dès lors qu'il a pu être entendu à l'occasion de l'examen de sa demande d'asile. Lorsqu'il sollicite la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, l'intéressé ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le rejet de la demande d'asile, n'impose pas à l'autorité administrative de le mettre à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise en conséquence du refus définitif de reconnaissance de la qualité de réfugié ou de l'octroi du bénéfice de la protection subsidiaire.
7. En l'espèce, Mme B..., qui a présenté une demande d'asile, n'établit, ni n'allègue d'ailleurs, qu'elle n'aurait pas été entendue devant l'OFPRA ou devant la CNDA. En outre, il lui appartenait, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, de fournir spontanément à l'administration, notamment à la suite de la décision de rejet de l'OFPRA du 27 novembre 2020 et de la décision de rejet de la CNDA du 15 juillet 2021, tout élément utile relatif à sa situation. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... aurait été empêchée de présenter les éléments relatifs à sa situation de manière utile et effective. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige aurait été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue.
8. En deuxième lieu, la décision attaquée vise, notamment, le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que la demande d'asile de Mme B... a été rejetée par l'OFPRA le 27 novembre 2020 et par la CNDA le 15 juillet 2021. La décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français comporte ainsi l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, et est, par suite, suffisamment motivée.
9. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'avant de prendre à l'encontre de Mme B... la mesure d'éloignement en litige, le préfet de police aurait omis de procéder à un examen particulier de l'ensemble des éléments de sa situation personnelle et familiale. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef la décision en litige doit être écarté.
10. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige que le préfet de police ne s'est pas fondé, pour prendre cette mesure d'éloignement, sur les dispositions de l'article L. 824-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mais a seulement entendu informer Mme B... qu'elle s'exposait éventuellement, en cas de maintien irrégulier sur le territoire français, aux peines d'emprisonnement et d'amende prévues par cet article. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef la décision en litige ne peut qu'être écarté.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
12. Mme B... fait valoir qu'elle a quitté la Côte d'Ivoire par crainte d'être exposée à des persécutions ou des atteintes graves par des membres de sa famille du fait de sa soustraction à un mariage imposé par sa tante. Elle fait état également de ce qu'élevée par sa tante paternelle, elle a subi une mutilation génitale à l'âge de 20 ans, qu'elle est la mère de deux enfants, nés respectivement en 2012 et 2015 et issus de sa relation avec un homme qui a été rejeté par sa famille, qu'en 2017, après avoir été informée par sa tante d'un projet de mariage, elle a réussi à fuir le domicile familial et a épousé le père de ses enfants le 15 février 2018 et qu'après que ce dernier a quitté la Côte d'Ivoire, ses enfants lui ont été retirés par la famille de son conjoint. Enfin, elle fait valoir qu'elle séjourne en France depuis le mois de septembre 2019, qu'elle est la mère de deux enfants, nés sur le territoire le 26 mars 2020 et issus de sa relation avec M. G..., et qu'elle justifie d'une bonne intégration. Toutefois, Mme B..., dont la demande d'asile a été, au demeurant, rejetée par une décision du 27 novembre 2020 du directeur général de l'OFPRA, confirmée par une décision du 15 juillet 2021 de la CNDA, ne justifie pas des craintes qu'elle allègue en cas de retour dans son pays d'origine, notamment à l'égard de membres de sa famille et, en particulier, d'une tante. A cet égard, elle ne fournit aucun développement étayé, cohérent et vraisemblable sur son environnement familial, sur le projet de mariage envisagé par sa tante, après la naissance de ses deux premiers enfants, sur la manière dont elle se serait opposée à ce mariage, sur les circonstances de son départ du domicile familial, sur la façon dont elle aurait retrouvé le père de ses enfants, sur les circonstances de leur union, sur les raisons du départ de son époux de la Côte d'Ivoire ou encore sur l'organisation et les modalités de son propre départ de son pays. En tout état de cause, elle ne démontre pas qu'elle serait obligée, en cas de retour, d'aller vivre auprès de sa famille qu'elle a quittée en 2017. En outre, elle ne livre aucune précision sur la situation du père de ses enfants nés en France, M. G..., au regard du séjour. Par ailleurs, elle ne justifie d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'elle emmène, avec elle et, le cas échéant, leur père, ses deux enfants et à ce qu'elle poursuive normalement sa vie privée et familiale à l'étranger et, en particulier, en Côte d'Ivoire où résident ses deux premiers enfants et où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-six ans. Enfin, Mme B..., qui ne peut se prévaloir que d'une durée de séjour en France relativement brève, ne justifie d'aucune insertion sociale ou professionnelle stable et ancienne sur le territoire. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions du séjour en France de Mme B..., la décision l'obligeant à quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels cette mesure a été prise, ni méconnu l'intérêt supérieur de ses deux enfants nés en France. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation par le préfet des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de Mme B... doit être également écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
13. D'une part, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays à destination duquel Mme B... pourra être éloignée doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la mesure d'éloignement prise à son encontre ne peut qu'être écarté.
14. D'autre part, en indiquant que Mme B... n'établissait pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le préfet de police a suffisamment motivé sa décision, alors même qu'elle ne vise pas spécifiquement l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de ce que cette décision serait entachée d'un défaut de motivation ou de base légale doivent être écartés.
15. Enfin, aux termes du dernier aliéna de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". L'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".
16. Ainsi qu'il a été dit au point 12, Mme B..., dont la demande d'asile a été, au demeurant, rejetée, ne fournit aucune précision suffisante ou crédible, ni aucun élément probant sur son histoire personnelle, y compris celle de sa famille, les lieux où elle aurait résidé avant de quitter son pays ou encore les menaces dont elle aurait fait ou ferait l'objet dans ce pays et qu'elle relate de manière particulièrement succincte et non circonstanciée. Ainsi, elle n'apporte aucun élément sérieux ou convaincant permettant de considérer qu'elle encourrait dans le cas d'un retour en Côte d'Ivoire, de manière suffisamment personnelle, certaine et actuelle, des menaces quant à sa vie ou sa personne ou des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, en décidant que l'intéressée pourrait être reconduite à destination du pays dont elle a la nationalité, le préfet de police n'a pas méconnu les stipulations et dispositions précitées.
17. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 20 octobre 2021, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de lui délivrer, dans l'attente de ce réexamen, une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à son conseil, Me Marzak, au titre des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par Mme B... sur le fondement des dispositions de ces articles doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 2124271 du 24 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de police, au ministre de l'intérieur et des
outre-mer et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Heers, présidente de chambre,
- M. d'Haëm, président assesseur,
- M. Mantz, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.
Le rapporteur,
R. d'HAËMLa présidente,
M. C...
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA00313 2