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25/01/2023 | FRANCE | N°21PA03008

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 2ème chambre, 25 janvier 2023, 21PA03008


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune du Blanc-Mesnil à lui verser la somme de 12 500 euros en réparation des préjudices subis résultant du refus fautif opposé par cette commune à sa candidature comme animateur pour le mois de juillet 2014.re des frais exposés.

Par un jugement n° 1809981/4 du 2 avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistré

s les 2 juin 2021, 12 janvier et 7 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Joao Viegas, dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune du Blanc-Mesnil à lui verser la somme de 12 500 euros en réparation des préjudices subis résultant du refus fautif opposé par cette commune à sa candidature comme animateur pour le mois de juillet 2014.re des frais exposés.

Par un jugement n° 1809981/4 du 2 avril 2021, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 2 juin 2021, 12 janvier et 7 décembre 2022, M. C..., représenté par Me Joao Viegas, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 avril 2021 du Tribunal administratif de Montreuil ;

2°) de condamner la commune du Blanc-Mesnil à lui verser la somme de 12 500 euros en réparation des préjudices subis résultant de la faute commise par la commune ;

3°) de mettre à la charge de la commune du Blanc-Mesnil la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier à défaut de justification de la signature de la minute ;

- il a fait l'objet d'une discrimination à l'embauche en méconnaissance de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 et de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 ;

- son préjudice financier s'élève à 7 700 euros ;

- son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de 4 800 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2021, la commune du Blanc-Mesnil, représentée par Me Bernard Cazin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de M. C... la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 12 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de Mme Prévot, rapporteur public,

- et les observations de Me Viegas, représentant M. C... et de Me Geissmann, représentant la commune du Blanc-Mesnil.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., étudiant, qui avait été employé en qualité d'animateur par la ville du

Blanc-Mesnil durant les mois de juillet et août 2012 ainsi qu'au mois de juillet 2013, a présenté sa candidature le 16 mars 2014 pour un emploi d'animateur dans le centre de loisirs de la ville dénommé " la ferme du Petit-Groslay " durant le mois de juillet 2014. Suite au rejet de cette candidature, M. C..., s'estimant victime d'une discrimination en raison de son lien de parenté avec l'ancien maire, dont les fonctions ont pris fin en mars 2014, a saisi le défenseur des droits, qui a conclu le 20 décembre 2016, après enquête, que l'intéressé lui semblait fondé à considérer que le refus d'embauche était discriminatoire. Il a formé un recours indemnitaire préalable le 15 juin 2018, réceptionné en mairie le 25 juin 2018, qui a été implicitement rejeté. Par un jugement du 2 avril 2021, dont M. C... relève appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de commune à lui verser 12 500 euros en réparation des préjudices résultant de la faute commise.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".

3. Il résulte de l'instruction que la minute du jugement attaqué, produite devant le juge d'appel, a été signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la faute :

4. Aux termes de l'article 6 de la loi du 13 juillet 1983 applicable au présent litige : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions politiques, (...). ". Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement (...) de ses opinions politiques, (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable ". Enfin, aux termes de l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ".

5. Il appartient au juge administratif, dans la conduite de la procédure inquisitoire, de demander aux parties de lui fournir tous les éléments d'appréciation de nature à établir sa conviction. Cette responsabilité doit, dès lors qu'il est soutenu qu'une mesure ou une pratique a pu être empreinte de discrimination, s'exercer en tenant compte des difficultés propres à l'administration de la preuve en ce domaine et des exigences qui s'attachent aux principes à valeur constitutionnelle des droits de la défense et de l'égalité de traitement des personnes. S'il appartient au requérant qui s'estime lésé par une telle mesure de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer une atteinte à ce dernier principe, il incombe au défendeur de produire tous ceux permettant d'établir que la décision attaquée repose sur des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. La conviction du juge se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Il résulte de l'instruction que la candidature de M. C... a été écartée à la suite de l'élection d'un nouveau maire en avril 2014, qui selon cinq témoignages concordant établis les 3 et 5 mai 2017 a manifesté, au cours d'un réunion publique tenue en juillet 2014, son hostilité à l'égard de l'embauche de personnes ayant un lien de parenté avec l'équipe municipale précédente. M. C... avait été présélectionné par le directeur du centre loisir auprès duquel il avait postulé le 16 mars 2014, il avait déjà exercé les fonctions d'animateurs les étés précédents en donnant satisfaction et il disposait d'une formation spécifique dans l'accueil des enfants porteurs de handicap. Le choix des animateurs pour animer les centres de loisir durant la période estivale, proposé par les directeurs de centre de loisirs, était habituellement validé par la commune ainsi que cela ressort des déclarations faites au défenseur des droits par le directeur de " la ferme du Petit-Groslay " et par la responsable du service de loisirs de proximité. Les témoignages contradictoires des agents et élus de la commune recueillis par le défenseur des droits ne permettent pas d'identifier l'auteur de la décision d'écarter la candidature de M. C..., et il ressort du dossier que ni le directeur du centre de loisirs, ni la responsable du service, n'ont été informés des motifs de cette décision, pas plus que M. C..., qui a saisi la commune d'une demande en ce sens le 7 juillet 2014. Il résulte de ces éléments que la décision de refus d'embauche peut être présumée fondée sur un motif discriminatoire résultant du lien de parenté du requérant avec l'ancien maire de la commune. La commune du Blanc-Mesnil fait valoir que le refus de la candidature de M. C... résultait d'une nouvelle politique tendant à ne pas attribuer les emplois de saisonniers à des personnes qui en avaient déjà bénéficié les années précédentes, afin de faire bénéficier un plus grand nombre de jeunes d'une expérience professionnelle. Toutefois, aucun élément n'établit que cette politique aurait été mise en œuvre pour le recrutement des animateurs de la période estivale 2014. En particulier, le responsable du centre de loisirs fait état de ce que le seul changement intervenu en 2014 dans la politique d'embauche consistait à ne pas employer le même animateur pour deux périodes de vacances subséquentes, ce qui n'était pas le cas de M. C.... Aucun des témoins entendus par le défenseur des droits, pas plus que la commune en défense, n'a été en mesure de justifier de l'application de la nouvelle politique à d'autres candidats à un emploi pour l'été 2014. Les tableaux des effectifs des vacataires en 2013 et 2014, desquels il résulte que 58 des 122 animateurs recrutés à l'été 2014 n'avaient pas bénéficié de contrats en 2013, ne démontrent pas que la rotation des effectifs résulterait de l'application de cette nouvelle politique et aurait conduit à écarter en 2014 des candidatures pour ce motif. Dans ces conditions, M. C... est fondé à soutenir que la décision de refus d'embauche qui lui a été opposée en 2014 était discriminatoire. L'illégalité de cette décision est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune du Blanc-Mesnil.

En ce qui concerne les préjudices

7. En premier lieu, si M. C..., qui avait été présélectionné pour occuper un poste d'animateur au centre de loisir de la ferme du Petit-Groslay, a été privé d'une chance sérieuse d'être embauché à ce titre pour le mois de juillet 2014, le lien de causalité avec son préjudice économique allégué n'est pas établi. En effet, il ne pouvait pas ignorer, compte tenu de ses expériences professionnelles passées au sein de la commune, que son absence de convocation à la réunion de préparation de l'été 2014, tenue le 24 mai 2014, impliquait que sa candidature n'avait finalement pas été retenue, ce dont il a par ailleurs été directement informé au cours de la même période selon les déclarations du responsable du centre, recueillies par le défenseur des droits le 29 janvier 2016. Il ne justifie pourtant d'aucune démarche, même restée infructueuse, pour trouver un autre emploi durant la période estivale. Par ailleurs, M. C..., qui demande également l'indemnisation du préjudice subi les années suivantes, n'établit pas avoir postulé à un emploi temporaire dans la commune du Blanc Mesnil pour les périodes estivales 2015, 2016 et 2017. Il n'est dès lors pas fondé à demander l'indemnisation de son préjudice économique, lequel ne présente pas de caractère direct et certain avec la faute commise par la commune.

8. En second lieu, il sera fait une juste appréciation de son préjudice moral en lui allouant la somme de 500 euros.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est seulement fondé à obtenir l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 2 avril 2021 et la condamnation de la commune du Blanc-Mesnil à lui verser la somme de 500 euros en réparation de son préjudice. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune du Blanc-Mesnil une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le surplus des conclusions de la requête de M. C... doit être rejeté, de même que la demande présentée par la commune du Blanc-Mesnil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, M. C... n'étant pas la partie perdante dans la présente instance.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1809981/4 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 2 avril 2021 est annulé.

Article 2 : La commune du Blanc-Mesnil est condamnée à verser à M. C... la somme de 500 euros en réparation de son préjudice.

Article 3 : La commune du Blanc-Mesnil versera à M. C... la somme de 1 500 (mille cinq-cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et les conclusions présentées par la commune du Blanc-Mesnil sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la commune du Blanc-Mesnil.

Copie en sera adressée, pour information, au défenseur des droits.

Délibéré après l'audience du 11 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

- Mme Brotons, président de chambre,

- Mme Topin, président assesseur,

- M. Magnard, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 janvier 2023.

Le rapporteur,

Signé

E. B...Le président,

Signé

I. BROTONS

Le greffier,

Signé

A. MOHAMAN YERO

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21PA03008


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21PA03008
Date de la décision : 25/01/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BROTONS
Rapporteur ?: Mme Emmanuelle TOPIN
Rapporteur public ?: Mme PRÉVOT
Avocat(s) : SARL CAZIN MARCEAU AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 29/01/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-01-25;21pa03008 ?
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