Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2008915 du 16 mars 2022 le tribunal administratif de Melun a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 juin 2022, M. B... A..., représenté par Me Sulli, demande à la Cour :
1°) d'ordonner la production de son entier dossier ;
2°) d'annuler le jugement n° 2008915 du 16 mars 2022 du tribunal administratif de Melun;
3°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2020 par lequel le préfet du Val-de-Marne a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a abrogé l'autorisation provisoire de séjour dont il était muni ;
4°) d'enjoindre au préfet du Val-de-Marne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation, et de lui délivrer dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte, à compter du deuxième mois, de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros, à verser à son conseil, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du
10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant du refus de renouvellement de titre de séjour :
- il est entaché d'incompétence de son auteur ;
- il est entaché d'une erreur de fait, sur le motif retenu de ce qu'il n'avait pas complété son dossier ; en outre, le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'erreur de fait ;
- il est entaché d'erreur de droit, d'une part, car la délivrance d'un premier titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, démontre, dans le cadre d'un renouvellement, que les conditions pour son obtention sont remplies, et, d'autre part, le préfet ne pouvant retenir qu'il ne justifiait pas être isolé dans son pays d'origine, cette exigence ne découlant pas des textes ;
- il est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;
- il méconnait les dispositions de l'article L. 313-11-7, devenu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'incompétence de son auteur ;
- elle est insuffisamment motivée en droit, n'indiquant pas son fondement légal, et en fait ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la fixation du délai de départ volontaire :
- il est entaché d'erreur de droit ;
S'agissant de la fixation du pays de destination :
- la décision est insuffisamment motivée en l'absence de référence aux dispositions de l'article L 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée au préfet du Val-de-Marne, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Paris, en date du 23 mai 2022, admettant M. B... A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- Et les observations de Me Beline substituant Me Sulli avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant bangladais né le 25 mars 2000, entré en France le 21 janvier 2016 selon ses déclarations, a été confié à l'aide sociale à l'enfance par une ordonnance du 20 mai 2016, puis un jugement du 11 janvier 2017. À sa majorité, il a obtenu un titre de séjour valable du 5 avril 2018 au 4 avril 2019 sur le fondement des dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur. Le 19 juillet 2019, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour. Par arrêté du 21 juillet 2020 le préfet du Val-de-Marne a refusé de lui délivrer le titre demandé, l'a obligé à quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... ayant demandé au tribunal administratif de Melun l'annulation de cet arrêté, cette juridiction a rejeté sa demande par un jugement du 16 mars 2022, dont il relève appel devant la Cour.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit: (...) / 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) ". Aux termes de l'article L. 311-1 du même code, alors en vigueur : " (...) tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : (...) / 3° Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont prévues au chapitre III du présent titre ; (...) / L'étranger qui séjourne au titre de l'un des documents mentionnés aux 2° et 3° du présent article peut solliciter la délivrance d'une carte de séjour pluriannuelle ou d'une carte de résident dans les conditions prévues, respectivement, à l'article L. 313-17 et aux articles L. 314-8 à L. 314-12, sous réserve des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code. ", et aux termes de l'article L. 313-17 du même code, alors en vigueur : " I. - Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli au titre de l'un des documents mentionnés aux 2° et 3° de l'article L. 311-1, l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : / 1° Il justifie de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l'Etat dans le cadre du contrat d'intégration républicaine conclu en application de l'article L. 311-9 et n'a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ; / 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. / La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 311-9 du même code, alors en vigueur : " (...) / L'étranger qui s'engage dans le parcours mentionné au deuxième alinéa conclut avec l'Etat un contrat d'intégration républicaine par lequel il s'engage à suivre ces formations et dispositifs d'accompagnement et à respecter les principes et valeurs de la République. (...) / Est également dispensé de la signature de ce contrat l'étranger ayant effectué sa scolarité dans un établissement d'enseignement secondaire français pendant au moins trois années scolaires ou qui a suivi des études supérieures en France d'une durée au moins égale à une année universitaire. ".
3. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la décision contestée, que la demande de M. A... visait le renouvellement de son titre de séjour, et qu'elle a été précisée par un courrier du 28 octobre 2019, versé au dossier, en réponse aux documents qui lui ont été demandés par la préfecture le 16 septembre 2019 pour compléter son dossier. Cette demande mentionnait, comme fondement textuel, l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en ressort que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, et alors que le préfet du Val-de-Marne a effectivement examiné au fond la situation de M. A... au regard de son droit au séjour, ce dernier n'a pas uniquement fondé sa demande de titre sur les dispositions du 2° bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le champ duquel il n'entrait plus. Dès lors, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les moyens dirigés par M. A... contre la décision contestée n'étaient pas inopérants. Comme le fait valoir le requérant, le tribunal administratif n'a pas répondu au moyen, tiré d'une erreur de fait, qu'il avait soulevé. Le jugement attaqué est ainsi entaché d'une omission à statuer sur un moyen qui n'était pas inopérant et doit être annulé pour ce motif.
4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par
M. A... devant le tribunal administratif de Melun.
Sur la légalité des décisions attaquées :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
5. Aux termes des dispositions de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ; (...) ". Aux termes des dispositions de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".
6. Il ressort de la décision attaquée qu'elle ne vise pas le fondement textuel de la demande de M. A... et ne mentionne pas les conditions à remplir pour le renouvellement de son titre de séjour, sur lesquelles le préfet a estimé ne pas pouvoir se prononcer à défaut pour le demandeur d'avoir complété son dossier. La décision attaquée se borne en effet à mentionner que M. A..., malgré les courriers en ce sens, n'a pas fourni les pièces qui lui ont été demandées en rapport avec sa situation professionnelle ou sa formation. La motivation en droit de la décision attaquée est donc entachée d'insuffisance.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit nécessaire de demander la communication de son entier dossier, que M. A... est fondé à demander l'annulation de la décision du 21 juillet 2020 par laquelle le préfet du Val-de-Marne a refusé le renouvellement de son titre de séjour et, par voie de conséquence, des décisions du même jour portant obligation de quitter le territoire, dans le délai de trente jours, et fixant le pays de destination.
Sur les conclusions à fins d'injonction et d'astreinte :
8. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. ".
9. Compte tenu du motif de l'annulation prononcée ci-dessus, le présent arrêt n'implique pas la délivrance d'un titre de séjour, mais seulement que le préfet du Val-de-Marne réexamine la demande de M. A... dans un délai de trois mois, et lui délivre dans cette attente une autorisation provisoire de séjour. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur le fondement des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'État (ministre de l'intérieur et des Outre-mer) une somme de 1 000 euros à verser au conseil de M. A..., Me Sulli, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2008915 du tribunal administratif de Melun du 16 mars 2022 et l'arrêté du 21 juillet 2020 du préfet du Val-de-Marne refusant à M. B... A... le renouvellement de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours, et fixant le pays de destination, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-de-Marne de réexaminer la demande de M. B... A... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'État (ministre de l'intérieur et des Outre-mer) versera au conseil de M. B... A..., Me Sulli, une somme de 1 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer, et au préfet du Val-de-Marne.
Délibéré après l'audience du 10 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Diémert, président de la formation de jugement en application des articles L. 234-3 (1er alinéa) et R. 222-6 (1er alinéa) du code de justice administrative,
- Mme Renaudin, première conseillère,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 février 2023.
La rapporteure,
M. RENAUDINLe président,
S. DIÉMERT
La greffière,
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des Outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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22PA02858