Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Evancia a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser une somme de 420 000 euros au titre du versement des subventions qui lui ont été accordées par la délibération du conseil départemental du 17 décembre 2015.
Par un jugement n° 1903038 du 16 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 13 septembre 2021 et 17 avril et
23 septembre 2022, la société Evancia, représentée par Me Clabaut-Baghdasarian, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) de condamner le département de la Seine-Saint-Denis à lui verser une somme de 420 000 euros ;
3°) de mettre à la charge du département de la Seine-Saint-Denis une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- M. B... a qualité pour agir ;
- le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis a commis une faute en ne lui versant pas les subventions qui lui ont été accordées par la délibération du 17 décembre 2015, laquelle est créatrice de droits, et en ne signant pas la convention prévue par l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 ;
- la délibération du 17 décembre 2015 est intervenue avant l'entrée en vigueur des dispositions de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 définissant la compétence des régions en matière d'aide aux entreprises ;
- le département a méconnu le principe d'égalité dès lors que les autres sociétés bénéficiaires des subventions accordées par la délibération du 17 décembre 2015 ont perçu ces subventions ;
- elle a subi un préjudice financier à hauteur du montant des subventions escomptées, à savoir 420 000 euros.
Par des mémoires enregistrés les 18 mars et 22 juin 2022, le département de
la Seine-Saint-Denis, représenté par la SELARL Bardon et de Faÿ, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Evancia une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- la requête est irrecevable en ce que M. B... est dépourvu de qualité à représenter la société requérante en appel ;
- la société Evancia ne peut se prévaloir d'aucun droit acquis en l'absence de convention signée ;
- le département n'a pas commis de faute en ne signant pas la convention dès lors qu'il n'était plus compétent pour exécuter la convention lorsqu'elle est devenue exécutoire ;
- la société ne respectait pas les conditions d'octroi des subventions ;
- la rupture d'égalité n'est pas établie et est en tout état de cause sans incidence sur la faute alléguée ;
- à titre subsidiaire, le préjudice allégué n'est pas établi et est dépourvu de lien direct et certain avec la faute invoquée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique,
- et les observations de Me Clabaut-Baghdasarian, représentant la société Evancia et de Me Lesure, représentant le département de la Seine-Saint-Denis.
Considérant ce qui suit :
1. Par une délibération du 17 décembre 2015, le conseil départemental de
Seine-Saint-Denis a décidé l'attribution de subventions au titre de la création de places dans les établissements d'accueil du jeune enfant et de la création de maisons d'assistantes maternelles. Plusieurs de ces subventions étaient destinées à la société Evancia, pour un montant total de 420 000 euros. Cette société n'ayant jamais perçu les subventions accordées, elle a saisi, le 17 janvier 2019, le département d'une demande indemnitaire tendant au versement d'une somme de 420 000 euros. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de condamnation du département de la Seine-Saint-Denis à lui verser cette somme.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, d'une part, en vertu de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui a notamment modifié les articles L. 1511-2, L. 4221-1, L. 4251-13, L. 4251-17 et L. 321161 du code général des collectivités territoriales, le département n'est plus compétent en matière d'interventions économiques de droit commun. Aux termes de l'article 133 XX de cette loi : " Sauf disposition contraire, l'exécution des engagements juridiques, financiers et budgétaires pris par les départements et par les régions avant la date de publication de la présente loi en dehors des domaines de compétences que la loi leur attribue se poursuit jusqu'au 31 décembre 2015 ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction applicable au litige : " Les actes pris par les autorités départementales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature (...) ". En vertu de l'article L. 3131-2 du même code, les délibérations du conseil départemental sont soumises aux dispositions de l'article L. 3131-1 précité à l'exception de certaines d'entre elles parmi lesquelles ne figurent pas les délibérations accordant une subvention.
4. La délibération du 17 décembre 2015, transmise au représentant de l'Etat dans le département le 18 décembre 2015, est devenue exécutoire à la date de sa notification, le
7 janvier 2016. A cette date, cette délibération ne pouvait plus être exécutée dès lors que les engagements financiers qu'elle comporte ne relevaient plus de la compétence du département. Dans ces conditions, la société Evancia n'est pas fondée à soutenir que le refus de lui accorder les subventions en litige méconnaît cette délibération, ni, en tout état de cause, que le président du conseil départemental aurait commis une faute en ne signant pas la convention prévue par l'article 10 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.
5. En second lieu, dès lors que le président du conseil départemental ne pouvait, sans commettre une illégalité, verser à la société Evancia les subventions qu'elle réclame, celle-ci ne peut utilement soutenir que la décision contestée serait constitutive d'une rupture d'égalité.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que la société Evancia n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les frais du litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département de la Seine-Saint-Denis, qui n'est pas partie perdante en la présente instance, la somme que la société Evancia demande sur ce fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Evancia la somme que le département de la Seine-Saint-Denis demande au titre des frais qu'il a exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Evancia est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de la Seine-Saint-Denis présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Evancia et au département de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente de chambre,
M. d'Haëm, président-assesseur,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2023.
La rapporteure,
M. C...
La présidente,
M. A...
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA05073