Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler les décisions des 31 mai et 3 juin 2019 par lesquelles la directrice de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) " La Seigneurie " l'a radiée des cadres pour son admission à la retraite pour invalidité à compter du 10 juin 2019.
Par un jugement nos 1906405, 1908104 du 8 novembre 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une ordonnance du 4 janvier 2022 n° 21VE03488, le président de la 4ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a transmis à la cour administrative d'appel de Paris la requête de Mme B....
Par cette requête, enregistrée le 30 décembre 2021, Mme B..., représentée par la SELARL Guillon, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler les décisions de la directrice de l'EHPAD " La Seigneurie " des 31 mai et 3 juin 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'EHPAD " La Seigneurie " une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a violé le principe d'impartialité ;
- l'EHPAD " La Seigneurie " n'a pas pris en compte sa qualité de travailleur handicapé ;
- il a méconnu son obligation de reclassement ;
- la décision du 3 juin 2019 est entachée d'une erreur de fait.
Par un mémoire en défense enregistré le 22 mai 2022, l'EHPAD " La Seigneurie ", représenté par la SELARL Minier Maugendre et associées, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique,
- et les observations de Me Guillon, représentant Mme B... et de Me Lacroix, représentant l'EHPAD " La Seigneurie ".
Une note en délibéré présentée pour l'EHPAD " la Seigneurie " a été enregistrée le
2 février 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., employée en qualité d'agent des services hospitaliers qualifié au sein de l'EHPAD " La Seigneurie " depuis le 3 janvier 2001, a été titularisée le 1er janvier 2007. Elle a été victime de deux accidents reconnus imputables au service les 20 novembre 2008 et 4 décembre 2013. Elle a été placée en congé de maladie à la suite d'une rechute à compter du 14 janvier 2014. Par une décision du 31 mai 2019, la directrice de l'EHPAD l'a radiée des cadres en prononçant son admission à la retraite pour invalidité à compter du 10 juin 2019. Par une décision du 3 juin 2019, elle a retiré sa décision du 31 mai 2019 et pris une nouvelle décision ayant la même portée. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions.
Sur la régularité du jugement :
2. La circonstance que le tribunal a retenu que l'EHPAD " La Seigneurie " a tenté, notamment le 5 mars 2019, d'accompagner Mme B... dans le cadre d'une éventuelle reconversion en prenant l'attache d'organismes tels que CAP Emploi et le Sameth 93 et n'a pas retenu certains arguments de Mme B... relatifs à son reclassement n'est pas de nature à entacher son jugement de partialité. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la décision du 31 mai 2019 :
3. Par sa décision du 3 juin 2019, la directrice de l'EHPAD " La Seigneurie " a retiré la décision du 31 mai 2019 et a à nouveau radié des cadres et admise à la retraite pour invalidité Mme B.... Dans ses conditions, dès lors qu'à la date d'introduction de la demande de première instance, la décision du 31 mai 2019 avait été retirée, Mme B... n'était pas recevable à en demander l'annulation. Ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision doivent dès lors être rejetées.
En ce qui concerne la décision du 3 juin 2019 :
4. Aux termes de l'article 71 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Lorsque les fonctionnaires sont reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions, le poste de travail auquel ils sont affectés est adapté à leur état physique. Lorsque l'adaptation du poste de travail n'est pas possible, ces fonctionnaires peuvent être reclassés dans des emplois d'un autre corps, s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 8 juin 1989 pris pour l'application de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et relatif au reclassement des fonctionnaires pour raisons de santé, dans sa rédaction applicable au litige : " Dans le cas où l'état physique d'un fonctionnaire, sans lui interdire d'exercer toute activité, ne lui permet pas de remplir les fonctions correspondant aux emplois de son grade, l'intéressé peut présenter une demande de reclassement dans un emploi relevant d'un autre grade de son corps ou dans un emploi relevant d'un autre corps (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que tant le médecin expert qui a examiné Mme B... le 19 mars 2017 que la commission de réforme le 26 juin 2018 l'ont déclarée inapte à l'exercice de ses fonctions et apte à être reclassée sur un poste administratif. Pour justifier avoir satisfait à son obligation de reclassement, l'EHPAD " La Seigneurie " produit le compte-rendu d'un entretien du 4 mars 2016 au cours duquel le reclassement de Mme B... a été étudié avec elle, les démarches réalisées auprès d'autres établissement pour y reclasser Mme B... en 2017 et des comptes rendus de comité technique d'établissement et de conseil d'administration de 2017 faisant état des difficultés financières de l'établissement et expliquant que les emplois administratifs ont été gelés. Ces pièces ne sont toutefois pas de nature à établir qu'il n'existait pas, en 2019, de poste administratif au sein de l'établissement " La Seigneurie " sur lequel Mme B... pouvait être reclassée. Celle-ci produit d'ailleurs une offre d'emploi du 31 mai 2019 sur un poste de gestionnaire de paie pour un agent de catégorie C Bac+2, diplôme qu'elle possède. Il ressort en outre des courriers adressés par l'EHPAD " La Seigneurie " en 2017 à d'autres établissements que Mme B..., malgré son absence d'expérience significative sur un poste administratif, était en mesure d'occuper ce type de fonctions. Enfin, la circonstance que l'EHPAD " La Seigneurie " aurait contacté en vain le Sameth 93 et Cap Emploi afin d'envisager un bilan de compétences de Mme B... ainsi qu'un accompagnement vers une reconversion avec une éventuelle formation pour permettre à l'agent de retrouver un emploi en dehors de l'établissement est sans incidence sur la solution du litige. Dans ces conditions, Mme B... est fondée à soutenir que l'EHPAD " La Seigneurie " a méconnu son obligation de reclassement.
6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à demander l'annulation du jugement du tribunal administratif de Montreuil du 8 novembre 2021 en tant qu'il rejette ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 3 juin 2019.
Sur les frais du litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'EHPAD " La Seigneurie " une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme B... et non compris dans les dépens. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font en revanche obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme que l'EHPAD " La Seigneurie " demande sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement nos 1906405, 1908104 du 8 novembre 2021 du tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il rejette la demande d'annulation de la décision de la directrice de l'EHPAD " La Seigneurie " en date du 3 juin 2019.
Article 2 : La décision du 3 juin 2019 de la directrice de l'EHPAD " La Seigneurie " est annulée.
Article 3 : L'EHPAD " La Seigneurie " versera une somme de 1 500 euros à Mme B... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes " La Seigneurie ".
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Heers, présidente de chambre,
M. d'Haëm, président-assesseur,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 février 2023.
La rapporteure,
M. D...
La présidente,
M. A...
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00018