Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 2100298 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2022, M. C..., représenté par Me Dujoncquoy, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de saisir la commission du titre de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation préalable de la commission du titre de séjour en application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de cet article L. 313-14 ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11 (7°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789, du 10ème alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 66 de la Constitution du 4 octobre 1958 et de l'article 9 du code civil ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 6 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mars 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- et les observations de Me Dujoncquoy, avocate de M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant tunisien, né le 12 avril 1987 et entré en France, selon ses déclarations, le 17 mars 2008, a sollicité, le 6 décembre 2018, son admission exceptionnelle au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 9 décembre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai. M. C... fait appel du jugement du 19 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ".
3. Il ressort des mentions de l'arrêté attaqué que, pour rejeter la demande de titre de séjour de M. C..., le préfet de la Seine-Saint-Denis a notamment considéré que l'intéressé, qui a déclaré être entré en France le 17 mars 2008, n'apporte pas d'éléments suffisamment probants propres à justifier de sa présence réelle et continue sur le territoire français depuis son arrivée, notamment pour les années 2010 à 2016, et ne peut donc se prévaloir de dix ans de résidence habituelle sur le territoire. Toutefois, il ressort des pièces versées au dossier, notamment en appel, que le requérant, en produisant des documents suffisamment nombreux, variés et probants, y compris s'agissant des années 2010 à 2016, notamment une photocopie de son passeport tunisien délivré à Paris en 2010, des formulaires de transfert d'argent, des factures, des documents d'ordre médical, des bulletin de situation, fiche de circulation ou confirmation de rendez-vous d'hôpitaux, une carte individuelle d'admission à l'aide médicale d'Etat ainsi que des courriers d'administration, des documents et relevés bancaires et des documents fiscaux, justifie qu'à la date de l'arrêté contesté, il résidait en France habituellement depuis plus de dix ans. En particulier, si les pièces produites pour l'année 2014 sont moins nombreuses, elles constituent avec celles correspondant aux années 2010 à 2013 et aux années suivantes un ensemble d'éléments de justification attestant, de manière suffisamment probante, de l'ancienneté et de la continuité de la présence de l'intéressé sur le territoire français. Ainsi, le préfet de la Seine-Saint-Denis a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux ressortissants tunisiens en tant qu'elles prévoient la possibilité de bénéficier d'une admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, en ne faisant pas précéder la décision de refus de titre de séjour en litige de la saisine de la commission du titre de séjour, constitutive d'une garantie pour l'intéressé. Par suite, M. C... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ainsi que, par voie de conséquence, la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination.
4. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ".
6. Eu égard au motif d'annulation retenu au point 3, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance à M. C... d'un titre de séjour, mais seulement le réexamen de sa situation. Il y a donc lieu d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, après avoir saisi la commission du titre de séjour du cas de l'intéressé au titre de sa résidence habituelle en France. Il n'y a pas lieu, en revanche, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. C... d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2100298 du 19 septembre 2022 du tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté du 9 décembre 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de délivrer à M. C... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'expiration de ce délai, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de réexaminer la situation de M. C... et, au préalable, de saisir pour avis la commission du titre de séjour, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et de l'outre-mer et au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 mars 2023.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,
L. d'ARGENLIEU
La greffière,
A. GASPARYAN
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04503