Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser une somme de 36 240 euros au titre du préjudice financier et moral qu'il soutenait avoir subi du fait du refus opposé à sa demande d'agrément comme employé de jeux.
Par un jugement n° 2015836 du 25 janvier 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 mars et 9 novembre 2022, M. B..., représenté par Me Orier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris ;
2°) d'annuler la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté sa demande indemnitaire ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 36 240 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la réception de sa demande indemnitaire ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé :
- le refus d'agrément est entaché d'une erreur de fait ;
- il ne pouvait se fonder sur des faits de travail dissimulé dont il est la victime ;
- le ministre de l'intérieur a reconnu cette illégalité en lui délivrant un agrément ;
- le refus d'agrément est entaché d'une erreur d'appréciation ;
- cette faute lui a causé un préjudice économique de 32 240 euros et un préjudice moral de 4 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 3 juin 2022, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le jugement attaqué est régulier ;
- le refus d'agrément n'est pas illégal ;
- le préjudice de M. B... n'est pas établi.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- l'instruction sur la réglementation des jeux dans les cercles du 15 juillet 1947 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique,
- et les observations de Me Orier, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision du 18 avril 2018, le ministre de l'intérieur a refusé de délivrer à M. B... un agrément en qualité d'employé des salles de jeux que sollicitait pour lui le club de jeu Marbeuf Champs Elysées. Par une décision du 17 septembre 2018, il a rejeté le recours gracieux formé par M. A... contre cette décision. A la suite de la suspension de cette décision par le juge des référés, le ministre de l'intérieur a délivré, le 16 octobre 2018, un agrément à M. B... en qualité de membre de comité de direction d'un club de jeux. L'intéressé a demandé au ministre de l'intérieur à être indemnisé du préjudice qu'il estime avoir subi du fait des décisions des 18 avril et 17 septembre 2018. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 36 240 euros à ce titre.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. M. B... n'indique pas en quoi le jugement attaqué serait insuffisamment motivé. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation du jugement doit, par suite, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure : " I. - Les décisions administratives (...) d'agrément (...) prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses (...), peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées (...) ". Aux termes de l'article L. 321-4 du même code : " (...) Le directeur et les membres du comité de direction et les personnes employées à un titre quelconque dans les salles de jeux sont agréés par le ministre de l'intérieur ".
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que M. B..., qui a travaillé en qualité d'employé de jeux au sein de l'Aviation Club de France de 2005 à 2014, a vu sa rémunération augmenter très significativement entre le mois d'octobre 2010 et le mois de mai 2011, sa rémunération mensuelle passant d'environ 1 377 euros avant le mois d'octobre 2010 à un montant oscillant entre 1 677 et 1 990 euros jusqu'au mois de février 2011, avant d'atteindre 2 703 euros au mois de mars 2011, 3 473 euros au mois d'avril 2011 et 3 682 euros au mois de mai 2011. Cette forte hausse de sa rémunération est concomitante avec la disparition progressive, au sein du club, d'un système de paiement non déclaré des heures supplémentaires, dont la mise à jour a été à l'origine de la fermeture de l'établissement au mois de septembre 2014. Pour expliquer cette hausse autrement que par l'arrêt de ce système, dont il nie avoir bénéficié, M. B... se prévaut de ses nouvelles fonctions de membre du comité des jeux à compter de 2010. Cette circonstance n'est toutefois pas de nature à expliquer la hausse de son salaire en 2011. S'il fait également valoir que cette hausse s'explique par celle des pourboires, qui ont plus que doublé entre 2010 et 2011, l'enquête menée par le service central des courses et jeux a conclu que cette hausse a été rendue possible en mettant à contribution les banquiers de " paille " du cercle et que le conseil d'administration de l'établissement a d'ailleurs décidé d'augmenter la cotisation de 100 à 150 euros à compter du 1er janvier 2012 pour compenser les hausses de charges et en particulier de salaires. Au regard de l'importante hausse de salaire dont a bénéficié M. B..., de la concomitance de cette augmentation avec l'arrêt du système de rémunération occulte au sein de l'Aviation Club de France et de ses explications peu convaincantes pour la justifier, son implication dans le système de rémunération occulte, en ce qu'il a perçu, en connaissance de cause, de telles rémunérations, est établie. Dans ces conditions, en retenant, pour refuser de délivrer un agrément à M. B..., qu'il n'en ignorait pas la pratique et avait lui-même perçu des rémunérations occultes, le ministre de l'intérieur n'a pas commis d'erreur de fait.
5. En deuxième lieu, il est constant que les décisions en litige n'ont pas pour objet d'exercer des poursuites à l'encontre de M. B... pour des faits de travail dissimulé. L'intéressé ne peut, par suite, utilement invoquer la méconnaissance des dispositions du code du travail applicables en la matière.
6. En dernier lieu, il résulte de l'instruction que M. B... a perçu une part très significative de sa rémunération de manière occulte et qu'il a exercé, à tout le moins à compter de 2010, des fonctions de membre du comité des jeux, lequel avait vocation à représenter le cercle de jeux auprès de l'administration. Il résulte également de l'instruction qu'il a toujours nié avoir perçu une rémunération occulte. Ces faits sont de nature à révéler un manque de probité et un défaut de loyauté de sa part. Par ailleurs, les circonstances que M. B... n'a pas fait l'objet d'une condamnation pénale et que le ministre de l'intérieur n'a pas retiré, après qu'il s'est désisté de son recours au fond, l'agrément délivré à la suite de la suspension, par le juge des référés, de sa décision de refus, sont sans incidence sur le bien-fondé de l'appréciation portée par le ministre de l'intérieur sur sa demande d'agrément. Dans ces conditions, le ministre de l'intérieur n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées du code de la sécurité de l'intérieur et, par suite, n'a pas commis de faute, en refusant, les 18 avril et 17 septembre 2018, de délivrer à M. B... l'agrément sollicité. La responsabilité de l'Etat ne saurait, dès lors, être engagée.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Briançon, présidente,
Mme d'Argenlieu, première conseillère,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2023.
La rapporteure,
M. D...
La présidente,
C. BRIANÇON
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA01200