Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et lui a interdit d'y revenir pour une durée de vingt-quatre mois.
Par un jugement n°2124751 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des pièces enregistrées les 20 avril 2022 et 10 juin 2022, M. A..., représenté par Me Dujoncquoy, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de police du 21 octobre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention
" vie privée et familiale " ou à défaut, un titre de séjour portant la mention " salarié " à compter de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- la commission du titre de séjour a émis un avis favorable à sa régularisation au regard de l'ancienneté de son séjour en France ;
- l'arrêté porte atteinte à sa vie privée et familiale et sa situation entre dans le champ d'application de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non de l'article 3 de l'accord franco-tunisien, et peut également solliciter son admission exceptionnelle au séjour au titre du travail ;
- la substitution de base légale n'est pas justifiée et le prive d'une garantie ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant interdiction de retour n'est pas motivée, porte atteinte à sa vie privée et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juin 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Un mémoire, enregistré le 2 mars 2023, a été présenté par M. C... A..., et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme D...,
- et les observations de Me Dujoncquoy, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., ressortissant tunisien né le 8 mars 1987, est entré en France le 7 septembre 2009 sous couvert d'un visa " D " étudiant délivré le 27 août 2009. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté en date du 21 octobre 2021, le préfet de police a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et lui a interdit d'y revenir pour une durée de vingt-quatre mois. M. A... relève appel du jugement du 24 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour pour l'exercice d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour en cette qualité ne peut utilement invoquer les dispositions précitées de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national s'agissant d'un point traité par l'accord franco-tunisien.
3. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
4. Pour solliciter son admission au séjour, M. A... s'est prévalu de ce qu'il réside en France depuis 2009 et de son activité professionnelle dans le domaine du bâtiment. En effet, alors même qu'il n'a pu se voir délivrer de titre de séjour en qualité de salarié en 2017 et 2019, il ressort des pièces du dossier que M. A... exerce depuis 2010 diverses fonctions dans les métiers du bâtiment comme en attestent la production de deux contrats de travail à durée indéterminée, conclus le 2 juillet 2010 et le 19 mars 2018 ainsi que de nombreux bulletins de salaire émanant d'entreprises d'intérim notamment au titre des années 2020 et 2021. Ces éléments sont confirmés par la production de relevés bancaires mentionnant des versements réguliers correspondant à ces activités salariées. Il produit également une attestation d'assiduité à la formation, en cours du soir, BIM/ Revit Architecture niveau 1, délivrée par la Ville de Paris qui s'est déroulée d'octobre 2020 à février 2021. Par ailleurs, la commission du titre de séjour a émis le 27 septembre 2021 un avis favorable à la délivrance du titre de séjour sollicité relevant que " ses employeurs peu scrupuleux n'ont pas fait le nécessaire pour finaliser son dossier de salarié " et " qu'il est parfaitement intégré à la vie française ". Par suite, dans les circonstances particulières de l'espèce, M. A... est fondé à soutenir que le préfet a entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage du pouvoir discrétionnaire dont il dispose pour lui accorder, eu égard à l'ensemble des éléments de sa situation personnelle, le titre de séjour sollicité au regard des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et lui a interdit d'y revenir pour une durée de vingt-quatre mois.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il y a lieu, sous réserve d'un changement substantiel dans la situation de droit ou de fait de l'intéressé, que le préfet de police délivre à M. A... une carte de séjour temporaire mention salarié dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. En revanche, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A..., le versement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°2124751 du 24 mars 2022 du tribunal administratif de Paris et l'arrêté du 21 octobre 2021 du préfet de police sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " salarié " dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à M. A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Délibéré après l'audience du 17 mars 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Briançon, présidente,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère,
- Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2023.
La présidente-rapporteure,
C. D...L'assesseure la plus ancienne,
L. d'ARGENLIEULa présidente,
M. B...
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La greffière,
O.BADOUX-GRARELa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01789 2