Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
8 mars 2021 par lequel le préfet de police lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français, lui a refusé l'octroi d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trente-six mois.
Par un jugement n° 2110468/8-1 du 9 décembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté du 8 mars 2021 du préfet de police.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 21 janvier 2022, le préfet de police demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 9 décembre 2021 du Tribunal administratif de Paris ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal.
Il soutient que :
- c'est à tort que le Tribunal administratif de Paris a accueilli le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les autres moyens soulevés par M. A... en première instance ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 août 2022, M. A..., représenté par Me Marc Atger conclut à ce qu'il soit admis à l'aide juridictionnelle provisoire, au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du Tribunal judiciaire de Paris du 6 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant malien né le 13 août 1999, est entré en France en 2001 selon ses déclarations. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des
2° et 2 bis de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 8 mars 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour au motif que
M. A... avait fait l'objet de trois condamnations pénales le 21 décembre 2017 à six mois d'emprisonnement avec sursis pour trafic de stupéfiants, le 22 mars 2019 à huit mois d'emprisonnement, dont quatre mois avec sursis, pour la même infraction en récidive et usage illicite de stupéfiants et le 25 mars 2019 à un an d'emprisonnement pour les mêmes motifs, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné à l'issue de ce délai. Par un jugement du 9 décembre 2021, dont le préfet de police relève appel, le Tribunal administratif de Paris a annulé l'arrêté attaqué et a enjoint au préfet territorialement compétente de délivrer à M. A... un titre de séjour.
Sur le moyen d'annulation retenu par le Tribunal administratif :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est entré en France en 2001 alors qu'il était âgé de deux ans et qu'il y a été scolarisé de 2002 à 2016. Ses parents sont en situation régulière en France et ses frères et sœurs sont de nationalité française. Il a été placé à l'aide sociale à l'enfance à compter du 16 août 2012 jusqu'à sa majorité puis a bénéficié d'un contrat de jeune majeur à compter du 23 novembre 2017 valable jusqu'à ses 21 ans. La commission du titre de séjour a émis un avis favorable le 21 janvier 2021 à la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressé. Toutefois, M. A... a commis à trois reprises des infractions à la législation sur les stupéfiants entre décembre 2017 et mars 2019 constitutives d'atteinte à l'ordre public pour lesquelles il a été condamné respectivement à six mois d'emprisonnement avec sursis, huit mois d'emprisonnement dont quatre avec sursis assorti d'une mise à l'épreuve pendant deux ans et une interdiction de séjour pendant un an, et à un an d'emprisonnement. Au regard des infractions graves, répétées et récentes dont s'est rendu coupable M. A..., qui n'est pas dépourvu de famille dans son pays d'origine où résident ses grands-parents, la décision attaquée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts qu'elle poursuit et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le préfet de police est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif a annulé ses décisions du 8 mars 2021.
4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le Tribunal administratif de Paris.
Sur les autres moyens d'annulation invoqués par M. A... :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, la décision attaquée qui se réfère notamment aux articles L. 313-11 2° et 2 bis et L. 312-2 3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi qu'à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise les éléments de fait relatifs à la situation de M. A... est suffisamment motivée.
6. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la décision attaquée, ni des autres pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. A....
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : 1° A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, dont l'un des parents au moins est titulaire de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle ou de la carte de résident, ainsi qu'à l'étranger entré en France régulièrement dont le conjoint est titulaire de l'une ou de l'autre de ces cartes, s'ils ont été autorisés à séjourner en France au titre du regroupement familial dans les conditions prévues au livre IV ; (...) 2° bis A l'étranger dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou entrant dans les prévisions de l'article L. 311-3, qui a été confié, depuis qu'il a atteint au plus l'âge de seize ans, au service de l'aide sociale à l'enfance et sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation, de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée ; (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier ainsi qu'il a été dit au point 3. du présent arrêt qu'au regard des condamnations récentes de M. A... pour des infractions en lien avec un trafic de stupéfiants, le préfet était fondé à retenir, sans commettre d'erreur d'appréciation, que l'intéressé représentait une menace pour l'ordre public faisant obstacle à ce que lui soit délivré un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3. du présent arrêté, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dans les conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. A... doit être écarté.
En ce qui concerne les autres décisions attaquées :
9. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ;(...) ".
10. Il ressort des pièces du dossier, non contestées par le préfet de police, que M. A... a en France sa résidence habituelle depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans ainsi qu'en attestent les certificats de scolarité sur la période de 2002 et 2016 et les documents judiciaires relatifs à son placement à l'aide sociale à l'enfance à compter du 4 septembre 2012 jusqu'à sa majorité, le 13 août 2017. Dans ces conditions, les dispositions précitées du 2° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile font obstacle à son éloignement. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la demande, les décisions obligeant
M. A... à quitter le territoire français sans délai, lui interdisant le retour sur le territoire français pour une durée de trente- six mois et fixant le pays de destination sont illégales et doivent être annulées.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de police est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 8 mars 2021 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. A... et lui a enjoint de lui délivrer un titre de séjour dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
12. Le présent arrêt, eu égard à ses motifs, implique que le préfet de police procède au réexamen de la situation de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt. Il y a lieu, en conséquence de lui enjoindre d'y procéder et de délivrer à l'intéressé une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance
13. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Atger, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Les décisions du 9 décembre 2021 portant obligation de quitter le territoire sans délai, interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trente-six mois et fixant le pays de la reconduite sont annulées.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de réexaminer la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps du réexamen.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Paris du 9 décembre 2021 est réformé en ce qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à Me Marc Atger en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que le surplus de la demande présentée par M. A... devant le tribunal et de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer, au préfet de police à M. C... A....
Copie en sera adressée à Me Marc Atger
Délibéré après l'audience du 22 mars 2023 à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2023.
La rapporteure,
Signé
E. B...Le président,
Signé
I. BROTONS
Le greffier,
Signé
A. MOHAMAN YERO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00326