Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Sofrane 1 a demandé au tribunal administratif de Paris de prononcer la décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie pour la période du 1er mars 2012 au 31 mars 2015 ainsi d'impositions supplémentaires à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2013 à 2015.
Par un jugement n° 1904748 du 17 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande de la SARL Sofrane 1.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 10 mai 2021, la SARL Sofrane 1, représentée par Me Obadia, avocat, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1904748 du 17 mars 2021, du tribunal administratif de Paris ;
2°) de sursoir à statuer en l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne à venir et, à titre subsidiaire de prononcer la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée à laquelle elle a été assujettie pour la période du 1er mars 2012 au 31 mars 2015.
3°) condamner l'Etat aux frais irrépétibles.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont entaché leur jugement d'une erreur de droit ;
- l'interprétation des dispositions de l'article 268 du code général des impôts par l'administration rajoute à la loi en imposant une obligation qui n'est pas prévue ;
- cette interprétation est contraire à l'article 392 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006.
Par mémoire, enregistré le 2 juin 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112 CE du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... ;
-et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) Sofrane 1, qui exerce une activité de marchand de biens, s'est vu notifier des rectifications d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos de 2013 à 2015 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er mars 2012 au 31 mars 2015. La SARL Sofrane 1 demande régulièrement à la Cour d'annuler le jugement du 17 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a notamment rejeté sa demande de décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée collectée mis à sa charge pour la période du 1er mars 2012 au 31 mars 2015, ainsi que de prononcer la décharge desdits rappels, assortis des intérêts de retard correspondants.
2. En premier lieu, dans le cadre de l'effet dévolutif, le juge d'appel, qui est saisi du litige, se prononce non sur les motifs du jugement de première instance mais directement sur les moyens mettant en cause la régularité et le bien-fondé des impositions en litige. Par suite, la SARL Sofrane 1 ne peut utilement soutenir que les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreur de droit pour demander son annulation.
3. En deuxième lieu, sur le terrain de la loi fiscale, le I de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du 2 du b. de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L'article 392 de la directive du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les Etats membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit, dans sa rédaction alors applicable, que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / - soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain(...); / - soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués ".
4. Il résulte de ces dernières dispositions, lues à la lumière de celles de la directive dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, et ainsi que l'a jugé pour droit la Cour de Justice de l'Union européenne notamment dans ses arrêts rendus à titre préjudiciel, le 30 septembre 2021 dans l'affaire C-299/20, Société Icade Promotion, et le 10 février 2022 dans l'affaire C-191/21, ministre de l'économie, des finances et de la relance c/ SARL Les Anges d'Eux, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère de terrains bâtis, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment.
5. L'administration a remis en cause le bénéfice des dispositions de l'article 268 précité du code général des impôts aux ventes par la société requérante de terrains à bâtir réalisées les 18 avril et 14 septembre 2012, et 27 juin et 22 août 2013, et lui a refusé l'application du régime de taxe sur la valeur ajoutée sur la marge sous lequel elle s'était placée. S'il n'est pas contesté que la société requérante n'a pas déduit de taxe ayant grevé l'acquisition par elle desdits terrains, il résulte de l'instruction que les terrains vendus à bâtir sont issus de la division parcellaire de quatre biens immobiliers qu'elle a acquis bâtis. Ainsi, les biens revendus n'ayant pas la même qualification juridique que les biens acquis, leurs cessions ne pouvaient ouvrir droit au bénéfice du régime de l'imposition sur la marge.
6. En dernier lieu, si la SARL Sofrane 1 se prévaut de la réponse ministérielle du 17 mai 2018, n° 4171, cette réponse, au demeurant postérieure au fait générateur des impositions en litige, ne contient aucune interprétation contraire de la loi qui serait opposable. Pour les raisons énoncées au point 6 du jugement attaqué, dont il convient sur ce point d'adopter les motifs, la société requérante ne peut obtenir le bénéfice de ce régime sur le fondement de ladite interprétation.
7. Il résulte de tout ce qui précède que la SARL Sofrane 1 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par jugement du 17 mars 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande de décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée. Ses conclusions aux fins d'annulation et de décharge, et celles présentées au titre des frais d'instance, doivent, par suite, être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Sofrane 1 est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Sofrane 1 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 10 mai 2023.
Le rapporteur,
C. A...Le président,
S. CARRERE
La greffière,
E. LUCE
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA02527