Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2021 par lequel le préfet de police a décidé son transfert aux autorités bulgares, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 2200674 du 22 février 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I - Sous le n° 22PA01314, par une requête enregistrée le 18 mars 2022, M. B..., représenté par Me Cardoso, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du 22 février 2022 du tribunal administratif de Paris ;
3°) d'annuler l'arrêté du 31 décembre 2021 du préfet de police ;
4°) d'enjoindre au préfet de police d'enregistrer sa demande d'asile et de lui délivrer l'attestation prévue par l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et un formulaire de demande d'asile, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou à lui verser s'il n'était pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le jugement attaqué, insuffisamment motivé, est entaché d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- l'arrêté contesté est signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet de police a méconnu les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue par cet article.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 30 mars 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour était susceptible de relever d'office le moyen tiré de l'existence d'un non-lieu à statuer sur le recours de M. B... au motif que l'arrêté décidant son transfert n'est plus susceptible d'exécution à l'expiration d'un délai de six mois ayant couru à compter de la notification du jugement du tribunal administratif au préfet de police.
Par un mémoire en réponse à la communication du moyen d'ordre public, un nouveau mémoire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 août, 5 septembre et 20 octobre 2022, M. B... reprend les conclusions de sa requête et les mêmes moyens ; il soutient en outre que le litige conserve son objet.
Par un mémoire en réponse à la communication du moyen d'ordre public et un mémoire en défense, enregistrés les 1er et 16 septembre 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête de M. B.... Il soutient que le litige conserve son objet et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
II - Sous le n° 22PA01315, par une requête enregistrée le 18 mars 2022, M. B... demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de prononcer le sursis à exécution du jugement du 22 février 2022 du tribunal administratif de Paris ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, ou à lui verser s'il n'était pas admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Il soulève les mêmes moyens qu'au soutien de sa requête enregistrée sous le n° 22PA01314 et soutient, en outre, que le tribunal a méconnu l'article L. 742-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 30 mars 2022, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Fombeur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant afghan né le 1er novembre 2000, a sollicité son admission au séjour en France au titre de l'asile. La consultation du fichier Eurodac ayant montré qu'il avait auparavant sollicité l'asile auprès des autorités bulgares, le préfet de police a saisi ces dernières d'une demande de reprise en charge, qu'elles ont acceptée implicitement le 28 décembre 2021. Par un arrêté du 31 décembre 2021, le préfet de police a décidé son transfert aux autorités bulgares, responsables de l'examen de sa demande d'asile.
2. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour y statuer par un seul arrêt, M. B... fait appel du jugement du 22 février 2022 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et demande à la Cour d'en prononcer le sursis à exécution.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
3. Par deux décisions du 30 mars 2022, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale pour chacune des deux instances. Ses conclusions tendant à ce que la Cour lui accorde le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont ainsi dépourvues d'objet.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. Contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement attaqué répond, de façon suffisamment motivée, au moyen tiré de ce que la décision de transfert ne satisferait pas à l'exigence de motivation posée à l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... ne saurait, en tout état de cause, en déduire que le jugement serait entaché d'un " défaut d'examen particulier " de sa situation.
Sur les conclusions à fin d'annulation et d'injonction de la requête n° 22PA01314 :
5. En premier lieu, par un arrêté n° 2021-00539 du 9 juin 2021, qui satisfait aux exigences de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de Paris du même jour et mis en ligne sur le site internet de la préfecture, le préfet de police a donné à M. A... C..., attaché d'administration de l'Etat, délégation à l'effet de signer les décisions dans la limite de ses attributions, dont relève la police des étrangers, en cas d'absence ou d'empêchement du chef du 12ème bureau. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté aurait été signé par une autorité incompétente.
6. En deuxième lieu, en application de l'article L. 572-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement dont il est fait application.
7. L'arrêté du 31 décembre 2021 décidant le transfert de M. B..., ressortissant afghan, aux autorités bulgares vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il mentionne que M. B... est entré irrégulièrement sur le territoire français et s'y est maintenu sans être muni des documents et visas exigés par les textes en vigueur et que la consultation du fichier " Eurodac " a fait apparaître qu'il avait précédemment sollicité l'asile auprès des autorités bulgares. Il précise que les autorités bulgares ont été saisies le 13 décembre 2021 d'une demande de reprise en charge sur le fondement du (b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, à laquelle elles ont implicitement donné leur accord le 28 décembre 2021, et qu'au regard des éléments de fait et de droit caractérisant sa situation, l'intéressé ne relève pas des dérogations prévues au paragraphe 2 de l'article 3 ou à l'article 17 du règlement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'arrêté contesté doit être écarté.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, comme de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2 (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ". Par ailleurs, le paragraphe 1 de l'article 17 du même règlement prévoit que : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".
9. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraîneraient un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
10. M. B... se prévaut des circonstances que la Commission européenne a adressé aux autorités bulgares, le 8 novembre 2018, une lettre de mise en demeure sur le fondement de l'article 258 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et a été invitée à répondre à une pétition sur le traitement des demandeurs d'asile en Bulgarie présentée sur le fondement de l'article 227 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, ainsi que d'informations relayées par des médias et de rapports mentionnés par des décisions juridictionnelles, en invoquant le faible taux d'admission au statut de réfugié des demandeurs d'asile afghans en Bulgarie. Toutefois, alors que la Commission européenne, qui a au demeurant répondu le 15 avril 2019 à la pétition évoquée ci-dessus en soulignant l'aide apportée à la Bulgarie et les efforts entrepris, n'a pas recommandé de suspendre les transferts des demandeurs d'asile vers ce pays, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existait dans cet Etat, à la date de l'arrêté litigieux, comme d'ailleurs à la date du présent arrêt, des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs ou des défaillances touchant certains groupes de personnes, entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par ailleurs, il ne résulte pas des documents médicaux produits par le requérant, faisant état d'un suivi médical au demeurant postérieur à l'arrêté litigieux, sans indication de traitement à ce stade, qu'il se trouverait dans une situation de vulnérabilité particulière justifiant que sa demande d'asile soit examinée en France plutôt qu'en Bulgarie.
11. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué méconnaîtrait l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ni que le préfet de police aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation au regard de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction.
Sur les conclusions à fin de sursis de la requête n° 22PA01315 :
13. La Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Il n'y a pas lieu, par suite, d'y statuer.
Sur les conclusions présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique :
14. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, dans l'instance n° 22PA01314. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à sa charge dans l'instance n° 22PA01315.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu d'admettre M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22PA01315 de M. B... tendant au sursis à l'exécution du jugement du tribunal administratif de Paris du 22 février 2022.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, présidente de la Cour,
- M. Jardin, président de chambre,
- Mme Hamon, présidente assesseure.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 mai 2023
Le président de chambre,
C. JARDINLa présidente-rapporteure,
P. FOMBEUR
La greffière,
C. BUOT La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Nos 22PA01314, 22PA01315