Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 23 avril 2022 par lequel le préfet de l'Orne lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2206725 du 20 juin 2022, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
I- Par une requête et des mémoires enregistrés les 3 août 2022, 17 août 2022 et 24 octobre 2022 sous le n° 22PA03644, M. B..., représenté par Me Gagey, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2206725 du 20 juin 2022 du tribunal administratif de Montreuil en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 23 avril 2023 du préfet de l'Orne portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai départ volontaire et fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler les décisions du 23 avril 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- elles sont entachées d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
- elle est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 septembre 2022, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
II - Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés le 28 septembre 2022 et le 14 octobre 2022 sous le n° 22PA04330, M. B..., représenté par Me Gagey, demande à la Cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Montreuil n° 2206725 du 20 juin 2022 et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'exécution du jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- il fait état de moyens sérieux.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 octobre 2022, le préfet de l'Orne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les conditions fixées par l'article R. 811-17 du code de justice administrative ne sont pas réunies.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant serbe né en juillet 1996 en France, a fait l'objet le 23 avril 2022, d'un arrêté du préfet de l'Orne lui faisant obligation de quitter sans délai le territoire français, fixant le pays de destination et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre, M. B..., d'une part, relève appel du jugement du 20 juin 2022 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire et fixant le pays de destination, et, d'autre part, demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) ".
3. Pour obliger M. B... à quitter le territoire français, le préfet de l'Orne s'est fondé sur la circonstance que le requérant, interpellé pour des infractions routières, s'est maintenu sur le territoire français après l'expiration le 22 septembre 2021 de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée en exécution du jugement du tribunal administratif de Montreuil annulant une précédente mesure d'éloignement prise à son encontre, et qu'il n'a pas effectué de démarches administratives pour régulariser sa situation.
4. Il ressort toutefois des pièces produites en appel par l'intéressé qu'il a obtenu, le 17 septembre 2021, une convocation à un rendez-vous à la sous-préfecture du Raincy le 5 octobre 2021 en vue de la remise d'un titre de séjour, puis, le 15 décembre 2021, une autre convocation le 3 janvier 2022 en vue du renouvellement de son récépissé de titre de séjour, alors qu'il est par ailleurs titulaire depuis le 11 janvier 2022 d'un récépissé de demande de délivrance d'un certificat de nationalité française, en cours d'instruction. Par suite, en obligeant M. B... à quitter le territoire français pour le motif rappelé au point 3, le préfet de l'Orne a entaché sa décision d'un défaut d'examen de la situation de l'intéressé.
5. L'obligation de quitter le territoire français prise à l'encontre de M. B... étant ainsi entachée d'illégalité, les décisions portant refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination doivent, par voie de conséquence, également être annulées.
6. Il résulte de ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
7. Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. / La juridiction peut également prescrire d'office l'intervention de cette nouvelle décision ".
8. Aucun des autres moyens soulevés n'étant de nature à fonder l'annulation de la décision, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Orne de réexaminer la situation administrative de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais du litige :
9. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à M. B... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur la demande de sursis à exécution :
10. La Cour se prononçant, par le présent arrêt, sur la requête de M. B... tendant à l'annulation du jugement du 20 juin 2022, il n'y a plus lieu de statuer sur la requête n° 22PA04330 aux fins de sursis à exécution de ce jugement.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 22PA04330.
Article 2 : L'article 3 du jugement n° 2206725 du 20 juin 2022 du tribunal administratif de Montreuil ainsi que les décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus de délai de départ volontaire et fixant le pays de destination du 23 avril 2022 du préfet de l'Orne sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Orne de réexaminer la situation administrative de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.
Article 4 : L'État (ministère de l'intérieur et des outre-mer) versera à M. B... une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n° 22PA03644 est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de l'Orne.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 juin 2023.
Le rapporteur,
J-F. GOBEILL
Le président,
J. LAPOUZADELa greffière,
Y. HERBER
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Nos 22PA03644, 22PA04330 2