Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du
5 août 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui octroyer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination, a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et l'a signalé aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.
Par une ordonnance n° 2201815 du 19 avril 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 19 août 2022 et un mémoire complémentaire enregistré le
15 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Laymond, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance du 19 avril 2022 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 5 août 2020 du préfet de la Seine-Saint-Denis ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, d'instruire à nouveau sa demande de titre de séjour dans le délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de séjour :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce que le préfet s'est estimé en situation de compétence liée par l'avis défavorable de la commission du titre de séjour, avis qu'il a au demeurant dénaturé ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
- il est susceptible de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire sur lesquelles elle se fonde ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- contrairement à ce que relève la décision, elle ne peut excéder une durée de deux ans ;
- elle a été prise sans que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'examine l'ensemble des critères prévus ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreurs de droit et de fait ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit d'observations en défense.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du
11 juillet 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gobeill,
- et les observations de Me Benatsou, substituant Me Laymond, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 5 août 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé d'octroyer un titre de séjour à M. B..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. M. B... relève appel de l'ordonnance du 19 avril 2022 par laquelle le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
S'agissant de la décision de refus de séjour :
2. En premier lieu, la décision contestée mentionne que M. B... déclare être entré en France en 1998 mais qu'il ne justifie pas de la réalité de cette date, que la commission du titre de séjour a émis un avis défavorable à sa demande, qu'il n'a aucune attache familiale en France ni de perspective d'embauche et qu'il n'apporte aucun élément sur ses capacités d'insertion professionnelle. Elle est ainsi suffisamment motivée et pour les mêmes motifs, elle n'est entachée d'aucun défaut d'examen de sa situation personnelle.
3. En deuxième lieu, il ne ressort pas des termes de la décision contestée et rappelés au point précédent que le préfet de la Seine-Saint-Denis se serait estimé lié par l'avis de la commission du titre de séjour.
4. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable, que M. B... a voulu invoquer en se prévalant des dispositions de l'article L. 435-1 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
5. Si M. B... soutient qu'il réside en France depuis l'année 1998, il ne l'établit pas en ne produisant aucune pièce pour les années 1999 à 2003. Son expérience professionnelle alléguée en qualité de tireur de câbles en 2014-2015, d'aide maçon en 2016, de terrassier en 2017-2018 et d'aide foreur en 2019-2020, n'est quant à elle attestée que par un curriculum vitae dépourvu de toute valeur probante et en tout état de cause, à la supposer établie, est insuffisante pour justifier de son intégration. Il ne fait enfin état que de la présence de ses deux frères et d'autres membres de sa famille en France. Ces éléments ne sauraient constituer des circonstances exceptionnelles ou des motifs humanitaires.
6. En quatrième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ne peut qu'être écarté compte tenu des éléments rappelés au point précédent s'agissant de la discontinuité de son séjour en France, de l'absence d'une intégration professionnelle suffisante et de la nature de ses relations familiales sur le territoire.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire :
7. En premier lieu, M. B... ne peut utilement soulever la connaissance des dispositions de l'article L. 435-1 du même code, alors inapplicables au jour de la décision, ni même celles de l'article L. 313-14 du même code à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire.
8. En second lieu, et pour les mêmes motifs que ceux rappelés au point 6 du présent arrêt, la décision n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen, invoqué à l'encontre de la décision distincte fixant le pays de destination, et tiré de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire, doit être écarté.
10. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est dépourvu de toute précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. En premier lieu, aux termes des dispositions alors applicables du III de l'article
L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger (...) / Lorsqu'elle ne se trouve pas en présence du cas prévu au premier alinéa du présent III, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. (...) / La durée de l'interdiction de retour (...) sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
12. La circonstance que la décision mentionne par erreur que M. B... peut faire l'objet d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans est sans effet sur la légalité de cette dernière dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis a fixé à deux ans la durée de l'interdiction de séjour. Cette décision vise les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'examen d'ensemble de la situation de l'intéressé a été effectué, s'agissant de la durée de l'interdiction de retour, au regard du huitième alinéa du III de l'article L. 511-1 du même code. Le deuxième considérant relève qu'il n'établit pas la durée de sa présence en France et qu'il n'y dispose pas d'attaches familiales et le quatrième considérant mentionne qu'il s'est soustrait à une précédente mesure d'éloignement prononcée en 2016. Enfin la décision mentionne que, compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, la durée de l'interdiction de deux ans ne porte pas une atteinte au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation de la décision en litige ne peut qu'être écarté, de même que celui tiré de l'erreur de droit et que celui tiré du défaut d'examen.
13. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté pour les mêmes motifs que ceux rappelés au point 6 du présent arrêt.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er: La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 22 juin 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 juillet 2023.
Le rapporteur, Le président,
J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE
La greffière
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA03868