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13/07/2023 | FRANCE | N°22PA05529

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 3ème chambre, 13 juillet 2023, 22PA05529


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par quatre requêtes distinctes, la société Fare Rata a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, d'annuler les titres exécutoires n° 2021/6148, n° 2021/6201 et n° 2021/5219 émis à son encontre le 22 septembre 2021 et le 5 octobre 2021 par le port autonome de Papeete au titre de l'indemnité due en contrepartie de l'occupation irrégulière de locaux situés au sein de la zone portuaire et de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes et d'autre part,

d'annuler les titres exécutoires n° 2021/6228, n° 2021/6229 et n° 2021/6230 ém...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par quatre requêtes distinctes, la société Fare Rata a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française, d'une part, d'annuler les titres exécutoires n° 2021/6148, n° 2021/6201 et n° 2021/5219 émis à son encontre le 22 septembre 2021 et le 5 octobre 2021 par le port autonome de Papeete au titre de l'indemnité due en contrepartie de l'occupation irrégulière de locaux situés au sein de la zone portuaire et de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes et d'autre part, d'annuler les titres exécutoires n° 2021/6228, n° 2021/6229 et n° 2021/6230 émis à son encontre le 25 novembre 2021 par le port autonome de Papeete au titre des impôts fonciers et centimes additionnels dus entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020 et de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes.

Par un jugement nos 2200017, 2200090, 2200097, 2200098 du 4 octobre 2022, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 28 décembre 2022, la société Fare Rata, représentée par Me Tang, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement nos 2200017, 2200090, 2200097, 2200098 du 4 octobre 2022 du tribunal administratif de la Polynésie française ;

2°) d'annuler les titres exécutoires n° 2021/6148, n° 2021/6201 et n° 2021/5219 émis le 22 septembre 2021 et le 5 octobre 2021 ainsi que les titres exécutoires n° 2021/6228,

n° 2021/6229 et n° 2021/6230 émis le 25 novembre 2021 et de prononcer la décharge de l'obligation de payer les sommes correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de la Polynésie française la somme de 400 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il comporte deux dates d'audience différentes ;

- le jugement est irrégulier comme entaché d'insuffisances de motivation et d'omissions à statuer ;

- les titres exécutoires litigieux ont été émis en méconnaissance de l'article LP. 21 de la " loi du pays " du 8 octobre 2020 et du II de l'article 85 de la délibération n° 95-205 de l'assemblée territoriale de la Polynésie française du 23 novembre 1995 dès lors qu'ils ne comportent pas le nom, prénoms et qualité de leur signataire ;

- les titres exécutoires n° 2021/6148, n° 2021/6201 et n° 2021/5219 émis à son encontre le 22 septembre 2021 et le 5 octobre 2021 au titre de l'indemnité d'occupation irrégulière sont illégaux :

* l'occupation sans droit ni titre de la partie de l'entrepôt d'une superficie de 1 536 m2 n'est pas établie au titre de la période allant du 1er janvier 2019 au 31 juillet 2021 dès lors que l'office des postes et télécommunications (OPT) de Polynésie française a quitté les lieux le

4 octobre 2018 ;

* l'absence de remise en état de l'entrepôt ne saurait établir l'irrégularité de l'occupation dès lors qu'elle n'était pas tenue de procéder à une telle remise en état ; ayant trouvé un repreneur, la charge de la remise en état reposait sur ce dernier conformément à l'article D. 112-2-7 du code des ports maritimes de la Polynésie française ;

* en tout état de cause, les indemnités d'occupation irrégulière ne sauraient être mises à sa charge dès lors que l'OPT de Polynésie française dispose d'une personnalité morale distincte de la sienne ;

* les indemnités d'occupation ont été fixées par référence à un tarif annuel de location de 9 529 F CFP illégal dès lors qu'il est issu de décisions du directeur du port autonome de Papeete du 16 septembre 2019 elles-mêmes illégales en raison de leur caractère rétroactif ;

* le port autonome de Papeete, qui a entretenu une situation d'ambiguïté quant à la régularité de l'occupation des lieux, a commis une faute de nature à l'exonérer totalement de sa responsabilité à raison de l'occupation irrégulière du domaine public ;

- les titres exécutoires n° 2021/6228, n° 2021/6229 et n° 2021/6230 émis le 25 novembre au titre du paiement des impôts fonciers et des centimes additionnels sont illégaux :

* seul le port autonome de Papeete est redevable du paiement de ces impôts ;

* ces impôts fonciers ne peuvent, en tout état de cause, être regardés comme un élément de l'indemnité d'occupation irrégulière du domaine public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 juin 2023, le port autonome de Papeete, représenté par Me Marchand, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Fare Rata ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la " loi du pays " n° 2020-34 du 8 octobre 2020 ;

- la délibération n° 95-205 AT du 23 novembre 1995 ;

- la délibération n° 2004-34 APF du 12 février 2004 ;

- la délibération du conseil d'administration du port autonome de Papeete n° 34-08 du

7 novembre 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Pena, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention conclue le 3 juillet 1984, le port autonome de Papeete a autorisé l'office des postes et télécommunications (OPT) de Polynésie française à occuper un entrepôt d'une superficie totale de 1 782 m2 au sein de la zone portuaire en vue de l'exploitation d'un bureau postal pour le tri, la distribution, le stockage et l'expédition des colis. Cette convention a été tacitement renouvelée jusqu'au 31 décembre 2017, date de sa résiliation par le port autonome. Des négociations ont alors été engagées en vue de la conclusion d'une nouvelle convention mais n'ont pas abouti. Constatant l'absence de libération des lieux dans leur état initial, le port autonome de Papeete a émis les 22 septembre 2021 et 5 octobre 2021 les titres exécutoires n° 2021/6148, n° 2021/6201 et n° 2021/5219 à l'encontre de la société Fare Rata, venant aux droits de l'OPT de Polynésie française, au titre de l'indemnité due en contrepartie de l'occupation irrégulière de l'entrepôt entre le 1er janvier 2019 et le 31 juillet 2021. Le port autonome de Papeete a également émis à son encontre les titres exécutoires n° 2021/6228, n° 2021/6229 et n° 2021/6230 le 25 novembre 2021 au titre des impôts fonciers et centimes additionnels dus entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020. Par quatre requêtes distinctes, la société Fare Rata a demandé au tribunal administratif de la Polynésie française d'annuler l'ensemble de ces titres exécutoires et de la décharger de l'obligation de payer les sommes correspondantes. Par un jugement du 4 octobre 2022, dont la société Fare Rata relève appel, le tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes du dernier alinéa de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée ".

3. Le jugement attaqué mentionnant, dans son en-tête et en dernière page, des dates de lecture contradictoires, la société Fare Rata est fondée à soutenir que ces mentions ne permettent pas d'établir la date à laquelle sa lecture est effectivement intervenue. Par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de régularité, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la société Fare Rata devant le tribunal administratif de la Polynésie-française.

Sur les conclusions dirigées contre les titres exécutoires :

5. L'annulation d'un titre exécutoire pour un motif de régularité en la forme n'implique pas nécessairement, compte tenu de la possibilité d'une régularisation par l'administration, l'extinction de la créance litigieuse, à la différence d'une annulation prononcée pour un motif mettant en cause le bien-fondé du titre. Il en résulte que, lorsque le requérant choisit de présenter, outre des conclusions tendant à l'annulation d'un titre exécutoire, des conclusions à fin de décharge de la somme correspondant à la créance de l'administration, il incombe au juge administratif d'examiner prioritairement les moyens mettant en cause le bien-fondé du titre qui seraient de nature, étant fondés, à justifier le prononcé de la décharge. Dans le cas où il ne juge fondé aucun des moyens qui seraient de nature à justifier le prononcé de la décharge mais retient un moyen mettant en cause la régularité formelle du titre exécutoire, le juge n'est tenu de se prononcer explicitement que sur le moyen qu'il retient pour annuler le titre, statuant ainsi, son jugement écarte nécessairement les moyens qui assortissaient la demande de décharge de la somme litigieuse.

En ce qui concerne le bien-fondé des titres exécutoires :

S'agissant des titres exécutoires n° 2021/6148, n° 2021/6201 et n° 2021/5219 émis le

22 septembre 2021 et le 5 octobre 2021 au titre de l'indemnité due en contrepartie de l'occupation irrégulière du domaine public :

6. L'occupation sans droit ni titre d'une dépendance du domaine public constitue une faute commise par l'occupant qui l'oblige à réparer le dommage causé au gestionnaire de ce domaine par cette occupation irrégulière. Le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à ce titre à l'occupant irrégulier une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la dépendance concernée du domaine public.

7. En premier lieu, l'article 7 de la convention conclue le 3 juillet 1984 intitulé " Restitution des lieux - remise en état " stipule : " Sauf s'il a préalablement présenté un successeur agréé par le Port Autonome de Papeete, acceptant de lui reprendre les locaux l'amodiataire doit, en fin d'occupation à la date de cessation pour quelque cause que ce soit de l'autorisation donnée par la convention, remettre les lieux libres de toutes installations qu'il aurait construites ou dont il aurait fait l'acquisition d'un précédent occupant. / A défaut pour l'amodiataire de s'être acquitté de cette obligation dans le délai fixé par la mise en demeure adressée par lettre recommandée, le Port Autonome pourra y pourvoir d'office aux frais et aux risques de l'amodiataire. Dans ce cas la redevance domaniale continuera d'être due jusqu'à la remise en état des lieux. (...) Dans tous les cas, la restitution au Port Autonome du terrain et éventuellement des constructions faisant l'objet de la présente convention est constatée par un procès-verbal contradictoirement par un représentant du Port Autonome de Papeete et signé par l'amodiataire. ".

8. En vertu de la convention conclue le 3 juillet 1984, le port autonome de Papeete a autorisé l'OPT de Polynésie française à occuper un entrepôt d'une superficie totale de 1 782 m2 au sein de la zone portuaire divisé en deux surfaces distinctes, l'une de 1 536 m2 affecté au tri postal, l'autre de 246 m2 affectée à l'agence du bureau de poste. Le

31 décembre 2017, le port autonome de Papeete a résilié cette convention. Dès lors, à compter de cette date, l'OPT de Polynésie française ne disposait plus d'un titre l'autorisant à occuper cet entrepôt.

9. La société Fare Rata soutient que l'indemnité due au titre de l'occupation irrégulière de la surface de 1 536 m2 pour la période courant du 1er janvier 2019 au 31 juillet 2021 n'est pas justifiée dès lors que cette partie de l'entrepôt a été libérée le 4 octobre 2018, date à laquelle l'OPT de Polynésie française a cessé son activité de tri postal. Elle indique que l'indemnité due au titre de l'occupation irrégulière de la surface de 246 m2 pour la période courant du 1er janvier 2021 au 31 juillet 2021 n'est pas davantage justifiée dès lors qu'elle a cessé son activité de bureau de poste le 31 décembre 2020. Toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des photographies prises les 26 août 2020, que d'importants aménagements ont été effectués pour les besoins de l'activité postale et que ni l'OPT de Polynésie française, ni la société Fare Rata n'ont procédé au retrait des installations édifiées et des matériels entreposés au sein de l'entrepôt. A ce titre, la requérante ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article D. 112-2-7 du code des ports maritimes de la Polynésie française pour s'exonérer de l'obligation de remise en état des lieux dès lors qu'aucune autorisation n'a été accordée, sur la période litigieuse, à un nouvel occupant. En outre, il résulte de l'instruction que la société Fare Rata a fait procéder, à la fin de l'année 2020, à des travaux de désamiantage et que le résultat des tests de l'air n'a été transmis au port autonome de Papeete que le 29 septembre 2021, rendant ainsi le local indisponible jusqu'à cette date. Dans ces conditions, la société Fare Rata, qui a succédé à l'OPT de Polynésie française en tant que gestionnaire de la Poste à compter du 1er janvier 2019, doit être regardée comme ayant occupé sans droit ni titre le domaine public. Par suite, le port autonome de Papeete pouvait valablement mettre à sa charge le paiement d'une indemnité d'occupation irrégulière pour la période courant du 1er janvier 2019 au 31 juillet 2021, et ce nonobstant la circonstance que l'OPT de Polynésie française disposerait d'une personnalité morale distincte.

10. En deuxième lieu, il résulte des termes des titres exécutoires en litige que le montant des indemnités d'occupation irrégulière a été fixé par référence au tarif de location des entrepôts couverts établi par une délibération du conseil d'administration du port autonome de Papeete du 23 septembre 2008. Le montant de l'indemnité d'occupation irrégulière a ainsi été fixé, pour les années 2019 et 2020, par référence au tarif annuel de location révisé d'un montant de

9 529 F CFP et pour l'année 2021, par référence au tarif annuel de location révisé d'un montant de 9 693 F CFP.

11. D'une part, la société Fare Rata soutient que le port autonome de Papeete s'est référé à des tarifs illégaux dès lors la révision des tarifs pour les années 2019 à 2021 n'a pas été approuvée par un arrêté en conseil des ministres. Toutefois, le port autonome n'était pas tenu de soumettre, chaque année, au conseil des ministres le tarif révisé dès lors que la délibération du 23 septembre 2008 citée au point précédent, elle-même approuvée par un arrêté du conseil des ministres du 7 novembre 2008, pose le principe d'une révision des tarifs de location le 1er janvier de chaque année au taux fixé par le conseil d'administration du port autonome de Papeete en fonction de l'évolution de l'indice des prix de détail à la consommation.

12. D'autre part, la société Fare Rata se prévaut de l'illégalité de la délibération du conseil d'administration du port autonome de Papeete du 23 septembre 2008 au motif qu'elle méconnaîtrait la délibération de l'assemblée de la Polynésie française du 12 février 2004 portant composition et administration du domaine public en Polynésie française. Toutefois, il résulte de l'instruction que les indemnités d'occupation irrégulière mises à sa charge ont été fixées par référence au tarif de location établi par la délibération du 23 septembre 2008 et n'ont pas, par elles-mêmes, le caractère de redevances d'occupation du domaine public. Dès lors, la délibération du 23 septembre 2008 ne constitue pas la base légale des titres exécutoires en litige, lesquels ne sauraient être regardés comme pris pour l'application de ladite délibération. De la même façon, la société Fare Rata ne peut utilement se prévaloir de l'illégalité des décisions prises par le port autonome de Papeete le 16 septembre 2019 dès lors qu'en tout état de cause, le montant des indemnités d'occupation irrégulière n'a pas été fixé par référence au tarif figurant dans ces décisions mais par référence à celui établi par la délibération du 23 septembre 2008 ainsi qu'il a été dit au point 10.

13. Enfin, si la société Fare Rata soutient que le montant des indemnités d'occupation mises à sa charge est disproportionné dès lors que la redevance facturée à l'OPT de Polynésie française s'élevait à 4 815 F CFP en application de la convention conclue le 3 juillet 1984, il est toutefois constant que cette convention a été résiliée le 31 décembre 2017 et que ce montant n'avait pas été révisé depuis plusieurs années. En outre, la requérante ne peut davantage se prévaloir du fait qu'elle exercerait une mission de service public dès lors qu'elle avait cessé toute activité postale au sein de l'entrepôt à la date à laquelle des indemnités d'occupation irrégulière ont été mises à sa charge pour la période courant du 1er janvier 2019 au 31 juillet 2021.

14. En dernier lieu, lorsque l'autorité gestionnaire du domaine public n'a pas mis l'occupant irrégulier en demeure de quitter les lieux, ne l'a pas invité à régulariser sa situation ou a entretenu à son égard une ambiguïté sur la régularité de sa situation, ces circonstances, si elles ne sauraient faire obstacle, dans son principe, au droit du gestionnaire du domaine public à la réparation du dommage résultant de cette occupation irrégulière, sont de nature, le cas échéant, à constituer une cause exonératoire de la responsabilité de l'occupant, dans la mesure où ce comportement du gestionnaire serait constitutif d'une faute.

15. Il résulte de l'instruction que si la convention d'occupation du domaine public conclue le 3 juillet 1984 a été résiliée le 31 décembre 2017, des négociations ont été engagées avec le port autonome de Papeete qui a adressé en juillet 2018 un nouveau projet de convention, renvoyé signé par l'OPT de Polynésie française en octobre 2018. Le port autonome soutient que la nouvelle direction a finalement refusé de donner suite à ce projet de convention et a sollicité, lors de plusieurs entretiens téléphoniques, la restitution de la partie de l'entrepôt, d'une surface de 1 536 m², affectée au tri postal. Toutefois, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations. A cet égard, si le port autonome a sollicité, par une décision du 16 septembre 2019, le paiement d'une redevance au titre de l'occupation de la surface de 1 536 m² pour la période courant du 1er janvier 2018 au 31 août 2018, il s'est en revanche abstenu de réclamer une redevance pour la période postérieure alors que l'OPT de Polynésie française l'avait informé de la cessation de son activité de tri postal à compter d'octobre 2018. Le port autonome n'a pas davantage procédé à un état des lieux de sortie alors que les stipulations de l'article 7 de la convention du 3 juillet 1984 citées au point 7 prévoyaient que la restitution du terrain devait être constatée par un procès-verbal [établi] contradictoirement, contribuant ainsi au maintien d'une situation ambiguë quant au sort des aménagements et équipements réalisés par l'OPT au sein de l'entrepôt. Il résulte de l'instruction que ce n'est que par un courrier du 25 mai 2020 que le port autonome a mis en demeure la société Fare Rata de quitter cette partie de l'entrepôt et de procéder à sa remise en état. Dans ces circonstances, le comportement du port autonome de Papeete constitue une faute de nature à exonérer la société Fare Rata de la moitié de sa responsabilité pour la période courant du 1er janvier 2018 au 25 mai 2020.

16. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire n° 2021/6148 émis le 22 septembre 2021 a mis à la charge de la société Fare Rata une indemnité d'un montant de 14 636 544 F CFP au titre de l'occupation irrégulière de la surface de 1 536 m2 de l'entrepôt pour la période courant du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019. Il résulte de ce qui a été dit au point 15 que la créance poursuivie par ce titre exécutoire doit être ramenée à 50% de l'indemnité d'occupation. Par suite, il y a lieu de décharger la société Fare Rata de l'obligation de payer la somme de

7 318 272 F CFP.

17. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire n° 2021/6201 émis le 22 septembre 2021 a mis à la charge de la société Fare Rata une indemnité d'un montant de 14 636 544 F CFP au titre de l'occupation irrégulière de la surface de 1 536 m2 de l'entrepôt pour la période courant du 1er janvier 2020 au 31 décembre 2020. Il résulte de ce qui a été dit au point 15 que la créance poursuivie par ce titre exécutoire doit être ramenée à 50% de l'indemnité d'occupation pour la période allant jusqu'au 25 mai 2020. Par suite, il y a lieu de décharger la société Fare Rata de l'obligation de payer la somme de 690 852,50 F CFP.

En ce qui concerne les titres exécutoires n° 2021/6228, n° 2021/6229 et n° 2021/6230 émis le 25 novembre 2021 au titre du paiement des impôts fonciers :

18. Il résulte de l'instruction que les titres exécutoires en litige mettent à la charge de la société Fare Rata le paiement des impôts fonciers et des centimes additionnels dues au titre de l'occupation irrégulière de l'entrepôt pour la période courant du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2020. Contrairement à ce que fait valoir le port autonome de Papeete, les impôts fonciers et les centimes additionnels constituent des frais distincts de l'indemnité d'occupation irrégulière, laquelle doit être établie, ainsi qu'il a été dit au point 6, au regard du montant de la redevance d'occupation qui aurait été appliquée si la société Fare Rata avait été placée dans une situation régulière. Or, une telle redevance, qui constitue une redevance administrative, ne saurait inclure des éléments de nature fiscale. Au surplus, le port autonome de Papeete n'établit pas, par la seule production d'un mandat de paiement non circonstancié établi le 18 septembre 2018, la réalité des impôts fonciers auxquels aurait été assujetti l'entrepôt au cours des années 2018 à 2020.

19. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de décharger la société Fare Rata de l'obligation de payer la somme de 723 964 F CFP mise à sa charge par le titre exécutoire n° 2021/6228 émis le 25 novembre 2021, la somme de 723 964 F CFP mise à sa charge par le titre exécutoire 2021/6229 émis le 25 novembre 2021 et la somme de 723 964 F CFP mise à sa charge par le titre exécutoire n° 2021/6230 émis le 25 novembre 2021.

En ce qui concerne la régularité des titres exécutoires :

20. Aux termes de l'article LP. 21 de la " loi du pays " du 8 octobre 2020 applicable à la date d'émission des titres de recette litigieux : " Toute décision prise par l'administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ". Aux termes de l'article LP. 1 de cette même " loi du pays " : " La présente loi du pays régit les échanges entre l'administration et ses usagers. (...) / Des règlementations particulières peuvent prévoir des dispositions dérogatoires aux articles LP 4, LP 5, LP 7, LP 8, LP 10, LP 11, LP 12, LP 13, LP 14, LP 16 et LP 21, ainsi qu'au dernier alinéa de l'article LP 9. " La délibération n° 95-205 AT du 23 novembre 1995 portant adoption de la réglementation budgétaire, comptable et financière de la Polynésie française et de ses établissements publics, ni dans sa version applicable à la date d'émission des titres litigieux, ni d'ailleurs dans sa version modifiée par la délibération n° 2021-120 du 25 novembre 2021, ne comporte de dispositions dérogatoires à l'article LP. 21 de la " loi du pays " précité.

21. Il résulte de l'instruction que ni les titres de recette n° 2021/6148, n° 2021/6201 et n° 2021/5219 émis le 22 septembre 2021 et le 5 octobre 2021 au titre du paiement de l'indemnité d'occupation irrégulière, ni les titres de recette n° 2021/6228, n° 2021/6229 et n° 2021/6230 émis le 25 novembre 2021 au titre du paiement des impôts fonciers et des centimes additionnels ne mentionnent le prénom, le nom et la qualité de l'auteur de ces décisions, au sens de l'article l'article LP. 21 de la " loi du pays " du 8 octobre 2020. Si le port autonome de Papeete produit les bordereaux des titres de recette en litige comportant le nom, prénom et qualité de leur auteur, cette circonstance est sans incidence sur l'irrégularité constatée dès lors que ces mentions ne figurent pas sur les titres contestés adressés à la société Fare Rata. Par suite, il y a lieu d'accueillir le moyen tiré de ce que les titres litigieux méconnaissent les dispositions précitées de l'article LP. 21 de la " loi du pays " du 8 octobre 2020.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société Fare Rata est fondée, d'une part, à demander l'annulation de l'ensemble des titres exécutoires litigieux et d'autre part, la décharge de l'obligation de payer la somme de 7 318 272 F CFP sur le montant total de 14 636 544 F CFP mis à sa charge par le titre exécutoire n° 2021/6148 émis le 22 septembre 2021, la décharge de l'obligation de payer la somme de 690 852,50 F CFP sur le montant total de 14 636 544 F CFP mis à sa charge par le titre exécutoire n° 2021/6201 émis le 22 septembre 2021 ainsi que la décharge l'obligation de payer de la somme totale de 2 171 892 F CFP mise à sa charge par les titres exécutoires n° 2021/6228, n° 2021/6229 et n° 2021/6230 émis le 25 novembre 2021.

Sur les frais liés à l'instance :

23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du port autonome de Papeete le versement de la somme de 1 500 euros à la société Fare Rata sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société Fare Rata, qui n'est pas la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de la Polynésie française du 4 octobre 2022 est annulé.

Article 2 : La société Fare Rata est déchargée de l'obligation de payer la somme de

7 318 272 F CFP sur le montant total de 14 636 544 F CFP mis à sa charge par le titre exécutoire n° 2021/6148 émis le 22 septembre 2021.

Article 3 : La société Fare Rata est déchargée de l'obligation de payer la somme de

690 852,50 F CFP sur le montant total de 14 636 544 F CFP mis à sa charge par le titre exécutoire n° 2021/6201 émis le 22 septembre 2021.

Article 4 : La société Fare Rata est déchargée de l'obligation de payer la somme de

723 964 F CFP mise à sa charge par le titre exécutoire n° 2021/6228 émis le 25 novembre 2021, la somme de 723 964 F CFP mise à sa charge par le titre exécutoire 2021/6229 émis le 25 novembre 2021 et la somme de 723 964 F CFP mise à sa charge par le titre exécutoire n° 2021/6230 émis le 25 novembre 2021.

Article 5 : Les titres exécutoires n° 2021/6148, n° 2021/6201, n° 2021/5219 émis les

22 septembre 2021 et le 5 octobre 2021 et les titres exécutoires n° 2021/6228, n° 2021/6229 et

n° 2021/6230 émis le 25 novembre 2021 sont annulés.

Article 6 : Le port autonome de Papeete versera à la société Fare Rata une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la société Fare Rata et au port autonome de Papeete.

Délibéré après l'audience du 21 juin 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Ivan Luben, président de chambre,

- Mme Marianne Julliard, présidente-assesseure,

- Mme Gaëlle Dégardin, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 juillet 2023.

La rapporteure,

G. A...Le président,

I. LUBEN

La greffière,

N. DAHMANI

La République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Polynésie française en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA05529


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA05529
Date de la décision : 13/07/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: Mme Gaëlle DÉGARDIN
Rapporteur public ?: Mme PENA
Avocat(s) : MARCHAND

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-07-13;22pa05529 ?
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