Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Swisscanto Asset Management International SA agissant pour le compte du fonds Swisscanto Portfolio Fund, agissant à titre personnel et comme venant aux droits de la société Swisscanto SICAV II a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer le remboursement des impositions sur les dividendes de sociétés françaises retenues à la source au titre des années 2009, 2010 et 2013, assorti des intérêts moratoires de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.
Par un jugement n° 1913646 du 15 juillet 2021, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la société Swisscanto Asset Management International SA.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires en répliques, enregistrés les 10 novembre 2021, 7 février et 7 mars 2022, la société Swisscanto Asset Management International SA, agissant pour le compte du fonds Swisscanto Portfolio Fund, agissant à titre personnel et comme venant aux droits de la société Swisscanto SICAV II, représentée par Mes Philibert et Main, avocats, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1913646 du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'ordonner le remboursement, assorti des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales, des retenues à la source afférentes aux dividendes de sociétés françaises perçus au titre des années 2009, 2010 et 2013 par la société Swisscanto SICAV II, pour les sommes de respectivement, 184 014,83 euros, 33 259, 64 euros et 852 913,18 euros ;
3°) de condamner l'Etat au versement des intérêts moratoires et des entiers dépens ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- le fonds Swisscanto Portfolio Fund, représenté par la société Swisscanto Asset Management International SA, est bien le réclamant de la demande de dividendes ;
- sa demande a été présentée tant pour son compte propre qu'en qualité de société venant aux droits de la société Swisscanto SICAV II ;
- elle a obtenu la restitution des retenues à la source afférentes aux dividendes qu'elle a perçus, notamment pour l'année 2010, sur la base de documents similaires ;
- la chaîne de paiement des retenues à la source ressort des documents produits et les remboursements n'ont pas été effectués ;
- le fonds Swisscanto SICAV II, en qualité de non résident, ne peut être soumis à une charge administrative excessive l'empêchant de bénéficier d'un avantage fiscal.
Par mémoires, enregistrés les 3 janvier et 15 février et 22 mars 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Simon ;
- et les conclusions de M. Sibilli, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société anonyme luxembourgeoise Swisscanto Asset Management International SA, agissant pour le compte de la société Swisscanto Portfolio Fund, venant elle-même aux droits de la société Swisscanto SICAV II, a fait l'objet d'une imposition en France par voie de retenue à la source sur les dividendes distribués pour les années 2009, 2010 et 2013. Par lettre du 16 décembre 2014, la société requérante a demandé, pour la société Swisscanto Portfolio Fund, venant aux droits de la société Swisscanto SICAV II, la restitution de ces retenues à la source prélevées sur les dividendes versées au cours des années 2009 à 2013. L'administration a par décision du 2 août 2019 admis partiellement cette demande au titre des années 2009, 2010 et 2013, s'agissant des dividendes dont le bénéficiaire effectif (" beneficial owner ") apparaissait comme étant la société Swisscanto SICAV II. En revanche, pour le surplus, le service a considéré que, les sociétés Swisscanto Portfolio Fund et Swisscanto SICAV II constituant des entités distinctes, les retenues à la source prélevées et identifiées dans les justificatifs du dépositaire local établis au nom de la société Swisscanto Portfolio Fund ne pouvaient ouvrir droit à remboursement au bénéfice de la société Swisscanto SICAV II. La société Swisscanto Portfolio Fund, agissant en son nom propre et comme venant aux droits de la société Swisscanto SICAV II, demande à la Cour l'annulation du jugement du 15 juillet 2021 du tribunal administratif de Montreuil qui a rejeté ses demandes de remboursement de l'imposition sur les dividendes de source française retenues à la source, au titre des années 2009, 2010 et 2013, ainsi que le remboursement de ces impositions, assorti des intérêts moratoires correspondants, pour les sommes de respectivement, 184 014,83 euros, 33 259,64 euros et 852 913,18 euros.
Sur l'étendue du litige :
2. Par décision du 3 janvier 2022, postérieure à l'introduction de la requête, l'administration a prononcé la restitution de la somme de 1 334,25 euros, accompagnée d'intérêts moratoire, au titre des retenues à la source afférentes aux dividendes perçus par la société Swisscanto SICAV II. Dans cette mesure, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête.
Sur la régularité du jugement :
3. Les premiers juges, après avoir retenu que les dispositions du livre des procédures fiscales, relatives à la présentation des réclamations sous peine de recevabilité, ne pouvaient être opposées dès lors que les pièces justifiant du prélèvement des retenues en litige avaient été produites, y compris devant le juge, ont, après avoir mentionné les textes applicables, retenu que les documents justificatifs versés à l'appui des écritures de la société requérante ne permettaient pas de déterminer si les retenues en litige correspondaient à des dividendes perçus par la société aux droits de laquelle la société Swisscanto Portfolio Fund prétendait venir. Ce faisant, les juges ont suffisamment motivé leur jugement en droit et en fait.
Sur le surplus des conclusions :
4. En premier lieu, aux termes de l'article R. 197-3 du livre des procédures fiscales : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : / a) Mentionner l'imposition contestée ; / d) Etre accompagnée soit de l'avis d'imposition, d'une copie de cet avis ou d'un extrait du rôle, soit de l'avis de mise en recouvrement ou d'une copie de cet avis, soit, dans le cas où l'impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou d'un avis de mise en recouvrement, d'une pièce justifiant le montant de la retenue ou du versement. ". Aux termes de l'article 57 de l'annexe II au code général des impôts : " Contrôle des revenus mobiliers. Obligations des collectivités émettrices et des intermédiaires. 1. Toute personne ou société qui fait profession de payer des intérêts, dividendes, revenus et autres produits de valeurs mobilières (...) ne peut effectuer de ce chef aucun paiement ni ouvrir aucun compte sans exiger du requérant la justification de son identité et l'indication de son domicile réel. Elle est, en outre, tenue de remettre (...), dans des conditions qui sont arrêtées par le ministre chargé du budget, le relevé des sommes payées par elle, sous quelque forme que ce soit, sur présentation ou remise de coupons ou d'instruments représentatifs de ces coupons. (...). 2. Les coupons présentés sont, sauf preuve contraire, réputés propriété du requérant. Dans le cas où celui-ci présente des coupons pour le compte de tiers, il a la faculté de remettre à l'établissement payeur une liste indiquant, outre ses nom, prénoms et domicile réel, les noms, prénoms et domiciles réels des propriétaires véritables, ainsi que le montant des coupons appartenant à chacun d'eux. ". Et aux termes de l'article 60 de la même annexe : " Le relevé prévu à l'article 57 indique distinctement, pour chaque requérant ou titulaire de compte, ses nom et prénoms, son domicile réel, ainsi que le montant de la retenue à la source à laquelle lesdits revenus ont effectivement donné lieu et le montant du crédit d'impôt y attaché. (...). ".
5. Il est constant que la société Swisscanto Portfolio Fond, représentée par la société Swisscanto Asset Management International SA, a présenté sa réclamation du 16 décembre 2014 comme venant aux droits de la société Swisscanto SICAV II qu'elle a absorbée au cours de l'année 2014. Il en va de même de sa requête d'appel, en tant que ses conclusions visent, notamment, les dividendes perçus par la société Swisscanto Portfolio Fund venant aux droits de la société Swisscanto SICAV II. Si elle soutient que, dès lors que les relevés établis par le dépositaire des valeurs en litige mentionnent son nom comme bénéficiaire effectif, elle est en droit de bénéficier de la restitution des retenues à la source correspondantes, soit la somme de 184 014,83 euros pour 2013, la somme de 33 259,64 euros pour 2014 et la somme de 852 913,18 euros pour 2015, il résulte de l'instruction qu'elle a simultanément déposé des justificatifs faisant apparaître, comme bénéficiaire effectif, la société Swisscanto SICAV II, que l'administration a pris en compte, y compris en cours d'instance, pour prononcer la restitution des retenues correspondantes. Par ailleurs, si une même personne peut présenter une réclamation aux fins de restitution d'impôt tant pour son compte propre que pour la personne aux droits de laquelle elle vient, elle est tenue, au regard des dispositions citées du livre des procédures fiscales et du code général des impôts, de justifier, distinctement, de la perception des revenus en cause par le bénéficiaire réel, lequel, s'agissant d'une société absorbée aux droits de laquelle le demandeur vient, demeure la société initialement détentrice du droit. A cet égard, la société Swisscanto Portfolio Fund, qui a d'ailleurs présenté, antérieurement, une réclamation correspond aux dividendes qu'elle a perçus en propre, ne saurait soutenir qu'elle a pu obtenir satisfaction sur la base de documents similaires. Ainsi, faute pour la société requérante de fournir, tant en cours d'instruction de la réclamation que devant le juge de l'impôt, des documents attestant d'un prélèvement à la source sur des dividendes de source française dont le bénéficiaire est la société aux droits de laquelle elle vient, elle ne peut en obtenir la restitution.
6. En second lieu, la société requérante, qui a été mise à même de justifier du bien-fondé de sa réclamation, et notamment de l'impôt effectivement supporté par le bénéficiaire des revenus aux droits duquel elle vient, et a en outre pu, pour partie, apporter les justificatifs requis, n'est pas fondée à soutenir qu'elle s'est vu priver d'exercer effectivement son droit en raison d'une charge administrative excessive en violation du principe de liberté de circulation des capitaux issu du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Swisscanto Asset Management International SA agissant pour le compte du fonds Swisscanto Portfolio Fund, agissant à titre personnel et comme venant aux droits de la société Swisscanto SICAV II, n'est pas fondée à demander la restitution des retenues à la source en litige. Par suite, ses conclusions aux fins d'annulation et de restitution, ainsi que, en tout état de cause, celles tendant à ce que les restitutions demandées soient assorties des intérêts moratoires prévus à l'article L. 208 du livre des procédures fiscales doivent être rejetées. Doivent également être rejetées, par suite, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, sa demande de condamnation aux dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête, dans la limite de 1 334,25 euros.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Swisscanto Asset Management International SA et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à l'administrateur des finances publiques chargé de la direction des impôts des non-résidents (pôle restitution des retenues à la source).
Délibéré après l'audience du 8 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Carrère, président
- M. Simon, premier conseiller,
- Mme Boizot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe de la Cour, le 22 septembre 2023.
Le rapporteur,
C. SIMONLe président,
S. CARRERE
La greffière,
C. DABERT
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21PA05778