Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée (SAS) Armement Nord a demandé au Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie de prononcer la décharge, en droits et majorations, des rappels de contribution des patentes qui lui ont été réclamés pour un montant de 11 047 899 francs CFP au titre de l'année 2020, subsidiairement, des seuls centimes additionnels communaux.
Par un jugement n° 2100174 du 11 février 2022, le Tribunal administratif de
Nouvelle-Calédonie a déchargé la SAS Armement Nord des centimes additionnels à la contribution des patentes perçus par la commune de Koné au titre de l'année 2020 pour un montant de 5 934 335 francs CFP et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire en réplique enregistrés les 11 mai, 23 juin et 19 octobre 2022, le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, représenté par le Cabinet Buk Lament-Robillot, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 2100174 du 11 février 2022 du Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie ;
2°) de rejeter les conclusions de la SAS Armement Nord devant le tribunal administratif ;
3°) de rejeter l'appel incident de la SAS Armement Nord ;
4°) de mettre à la charge de la SAS Armement Nord la somme de 4 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'article Lp 874 doit être interprété à la lumière des intentions de son auteur ;
- cette intention était qu'une délibération fixant le taux est applicable tant qu'elle n'a pas été remplacée par une nouvelle délibération ;
- la délibération prise en 2016 n'indique pas de date de fin pour son application ;
- les conclusions incidentes de la SAS Armement Nord sont tardives ;
- l'article 212 du code des impôts n'exonère pas les activités de pêche exploitées en société.
Par des mémoires en défense enregistrés les 8 septembre et 28 octobre 2022, la société Armement Nord représentée par Me Loïc Pieux, conclut au rejet de la requête et, par la voie de l'appel incident, à l'annulation de l'article 2 du jugement du 11 février 2022, à la décharge des rappels de contribution des patentes qui lui ont été réclamés au titre de l'année 2020 et à la mise à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie de la somme de 250 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne sont pas fondés ;
- son appel incident est recevable ;
- elle a pour unique activité la pêche ;
- elle doit être regardée comme un pêcheur exonéré de la contribution des patentes au sens de l'article 212 du code des impôts.
Par une ordonnance du 19 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au
16 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 99-209 et la loi n° 99-210 du 19 mars 1999, relatives à la Nouvelle-Calédonie ;
- le code des impôts de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative dans sa version applicable en Nouvelle-Calédonie.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie relève appel du jugement n° 2100174 du 11 février 2022 en tant que le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a déchargé la SAS Armement Nord des centimes additionnels à la contribution des patentes perçus par la commune de Koné au titre de l'année 2020 pour un montant de 5 934 335 francs CFP. Pour sa part, par la voie de l'appel incident, la société Armement Nord conteste le jugement attaqué en tant qu'il lui est défavorable et demande la décharge, en droits et pénalités, de la contribution des patentes à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2020.
Sur l'appel principal du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie :
2. Aux termes de l'article 871 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Les conseils municipaux des communes de la Nouvelle-Calédonie sont autorisés à percevoir des centimes additionnels applicables aux impôts, droits et taxes énumérés aux articles 872 et 873 suivants ". Aux termes de l'article 872 du même code : " A compter du 1er janvier 2006, les conseils municipaux sont autorisés à percevoir des centimes additionnels dans les limites suivantes : 60 centimes sur la contribution des patentes ; 60 centimes sur les droits de licence ; 60 centimes sur la contribution foncière ; En ce qui concerne la contribution des patentes, les conseils municipaux peuvent décider de soustraire de la base de calcul des centimes additionnels tout ou partie du montant des exportations visées à l'article 227 ". Et aux termes de l'article Lp. 874 du même code : " Toute modification, par délibération adoptée en cours d'année, du montant des centimes additionnels à la contribution des patentes, aux droits de licence et à la contribution foncière visés à l'article 872 entre en vigueur au 1er janvier de l'année qui suit celle du vote de ladite délibération. Toute modification, par délibération adoptée en cours d'année, du montant des centimes additionnels aux impôts et droits visés à l'article 873 entrent en vigueur au lendemain du vote de ladite délibération. A défaut, les impositions peuvent être recouvrées selon les délibérations de l'année précédente ".
3. Il ressort des dispositions de l'article Lp. 874 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie cité au point précédent, dans sa rédaction issue de la loi du pays n° 2015-9 du
31 décembre 2015 portant diverses dispositions d'ordre fiscal, qu'en l'absence de délibération adoptée par le conseil municipal d'une commune pour fixer le montant des centimes additionnels à la contribution des patentes au titre d'une année donnée, seule une délibération adoptée l'année précédant immédiatement cette année donnée peut servir de base au recouvrement de ces impositions, à l'exclusion de délibérations adoptées au cours d'années plus antérieures. En présence de ce texte clair, l'éventuel éclairage apporté par les travaux préparatoires de la loi du pays du 31 décembre 2015 ne saurait conduire à donner des dispositions de l'article Lp. 874 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie une interprétation contraire à leur lettre. Il ne résulte d'ailleurs pas de ces travaux préparatoires que les dispositions en cause, qui sont intervenues pour pallier les conséquences d'une erreur consistant, pour un conseil municipal des communes qui déterminent annuellement le montant à percevoir, à omettre de fixer ce montant avant le 1er janvier de l'année d'imposition et permettre, dans cette hypothèse, la perception du montant fixé pour l'année précédente, même en l'absence d'une nouvelle délibération, aient pour objet de permettre la perception du montant fixé pour les années antérieures. La délibération n° 53/2016 adoptée le 20 décembre 2016 par le conseil municipal de la commune de Koné concernant le montant des centimes additionnels l'a été explicitement pour l'année 2017, alors même qu'aucun article ne fixe de limite à son application dans le temps. Par suite, en application des dispositions de l'article Lp. 874 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, et sans que le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie puisse utilement se prévaloir des règles applicables à la taxe de séjour, cette délibération ne pouvait servir de base légale à la perception des centimes additionnels communaux pour la commune de Koné au titre de l'année 2020. Il y a lieu, en conséquence de rejeter l'appel principal présenté par le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Sur l'appel incident de la société Armement Nord :
4. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1. (...) ". L'article R. 811-5 du même code précise que : " Les délais supplémentaires de distance prévus à l'article R. 421-7 s'ajoutent aux délais normalement impartis. (...) ". Cet article R. 421-7 dispose que : " Lorsque la demande est portée devant un tribunal administratif qui a son siège en France métropolitaine ou devant le Conseil d'Etat statuant en premier et dernier ressort, le délai de recours prévu à l'article R. 421-1 est augmenté d'un mois pour les personnes qui demeurent en Guadeloupe, en Guyane, à la Martinique, à La Réunion, à Saint-Barthélemy, à Saint-Martin, à Mayotte, à Saint-Pierre-et-Miquelon, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises.(...) ". Il résulte de ces dispositions que le délai dont disposait la société Armement Nord, demeurant en Nouvelle-Calédonie, pour faire appel du jugement attaqué était de trois mois à compter de la notification régulière de ce jugement. Le jugement en cause ayant été notifié à la société Armement Nord le 14 février 2022, les conclusions de la société Armement Nord relatives à la contribution des patentes sont tardives au regard des dispositions précitées.
5. Un appel incident est toutefois recevable, sans condition de délai, s'il ne soumet pas au juge un litige distinct de celui soulevé par l'appel principal, portant notamment sur des impositions ou des années d'imposition différentes. En l'espèce, l'appel principal du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie ne concerne que les centimes additionnels à la contribution des patentes perçus par la commune de Koné au titre de l'année 2020. La contribution des patentes et les centimes additionnels à cette contribution, qui sont institués par des textes distincts, selon des modalités distinctes, au profit de collectivités distinctes, doivent être regardées comme des impositions différentes, alors même qu'il existe des liens entre les modalités de calcul de ces impositions. Par suite, l'appel incident que la société Armement Nord a formé, et qui est relatif à la contribution des patentes perçue par la Nouvelle-Calédonie, imposition différente des centimes additionnels à cette contribution, est irrecevable.
6. En outre et au surplus, aux termes de l'article 212 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie : " Ne sont pas assujettis à la contribution des patentes : (...) 3° les pêcheurs, propriétaires ou non de leur bateau (...) ".
7. La société requérante soutient que dès lors qu'elle exerce une activité de pêche, elle est en droit de bénéficier, en application de l'article 212 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie, de l'exonération de la patente prévue pour les pêcheurs. Toutefois, ces dispositions doivent être entendues comme permettant l'exonération des seuls pêcheurs et non de l'activité de pêche exercée par une société d'armement à l'aide d'un équipage recruté à cette fin. La société requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'elle entrait dans le champ d'application de l'exonération de la contribution des patentes prévue au profit des pêcheurs par l'article 212 du code des impôts de la Nouvelle-Calédonie.
8. Il résulte de tout ce qui précède que le gouvernement de Nouvelle-Calédonie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a déchargé la SAS Armement Nord des centimes additionnels à la contribution des patentes perçus par la commune de Koné au titre de l'année 2020 pour un montant de 5 934 335 francs CFP et que les conclusions incidentes de la SAS Armement Nord ne peuvent qu'être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire doit aux conclusions des parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie est rejetée.
Article 2 : L'appel incident de la société Armement Nord est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au gouvernement de la Nouvelle-Calédonie et à la SAS Armement Nord.
Délibéré après l'audience du 13 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2023.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA02182