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28/09/2023 | FRANCE | N°22PA01206

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 1ère chambre, 28 septembre 2023, 22PA01206


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2115591/6-1 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés l

es 14 mars et 7 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Lonchampt, demande à la Cour :

1°) d'...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 12 mars 2021 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2115591/6-1 du 26 novembre 2021, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 14 mars et 7 décembre 2022, M. B..., représenté par Me Lonchampt, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2115591/6-1 du 26 novembre 2021 du tribunal administratif de Paris ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 mars 2021 du préfet de police ;

3°) d'enjoindre au préfet de police de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle est insuffisamment motivée ;

- l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) est irrégulier dès lors qu'il ne mentionne pas la possibilité d'accéder effectivement à un traitement approprié dans le pays d'origine ni la durée des soins nécessaires ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant de la décision fixant le pays de destination :

- elle est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 février 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris du 14 février 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant ivoirien né en septembre 1993, est entré en France en septembre 2013 selon ses déclarations. Le 11 septembre 2020, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour pour raisons médicales. Par un arrêté du 12 mars 2021, le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... relève appel du jugement du 26 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, la décision contestée vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle précise notamment que le collège des médecins de l'OFII a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Elle expose également des éléments suffisants sur sa situation personnelle et familiale en relevant notamment qu'il est sans charge de famille en France. Dans ces conditions, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Elle est donc suffisamment motivée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version en vigueur à la date de la décision contestée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 11° À l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".

4. D'une part, il ressort des termes de l'avis émis le 15 janvier 2021 par le collège de médecins de l'OFII que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il peut voyager sans risque vers son pays d'origine. Dans ces conditions, le collège de médecins n'était pas tenu de se prononcer sur l'accès effectifs aux soins en Côte d'Ivoire ni sur la durée prévisible de son traitement. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis de l'OFII doit être écarté.

5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'un syndrome post traumatique consécutif à un accident de la circulation subi en 2012 dans son pays d'origine. Pour contester l'appréciation portée par le préfet au vu de l'avis du collège de médecins, le requérant produit différents documents médicaux parmi lesquels des convocations, des compte rendus de consultations, des ordonnances et des certificats médicaux qui se bornent pour l'essentiel à décrire la pathologie de l'intéressé et sa prise en charge en centre médico-psychologique, ainsi qu'un document du Ministère de la santé et de l'hygiène publique de la Côte d'Ivoire relatif à l'arrêt de commercialisation de certains médicaments. Si un des certificats médicaux indique qu'un retour dans son pays d'origine entraînerait un risque de rupture du suivi médical et d'aggravation de l'état de santé de M. B..., ce seul élément, peu circonstancié et émanant d'un seul médecin, ne suffit pas à remettre en cause l'appréciation à laquelle s'est livrée le préfet de police quant à l'absence d'exceptionnelle gravité d'un défaut de prise en charge. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. M. B... fait valoir qu'il réside en France depuis septembre 2013 où il est pris en charge pour sa pathologie et se prévaut de ses efforts d'intégration notamment par le travail. S'il se prévaut de la circonstance qu'il a eu une fille avec sa compagne le 19 novembre 2022 et qu'il pourvoit à son entretien et à son éducation, il est toutefois constant que l'intéressé était, à la date de la décision en litige, sans charge de famille en France et qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident son fils mineur issu d'une première union et ses trois frères. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que le requérant occupe un emploi familial depuis février 2019 et qu'il ne peut dès lors se prévaloir d'une insertion professionnelle significative. Enfin, il ressort des pièces produites par le préfet de police en première instance et non contestées par M. B... que ce dernier n'a pas exécuté deux précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre en 2015 et en 2016. Dans ces conditions, le préfet de police ne peut être regardé comme ayant porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé une atteinte disproportionnée au regard du but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

8. En dernier lieu, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 5 et 7.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, en application des dispositions alors applicables de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et d'asile, la décision portant obligation de quitter le territoire français, prise sur le fondement des dispositions du 3° du I de cet article, n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de titre de séjour laquelle est en l'espèce, ainsi qu'il a été dit précédemment, suffisamment motivée en droit comme en fait. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée doit être écarté.

10. En deuxième lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écartée.

11. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors applicables à la date de la décision contestée, de celle des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux point 5, 7 et 8.

Sur la décision fixant le pays de destination :

12. En premier lieu, la décision contestée vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, précise la nationalité de M. B... et indique que l'intéressé n'établit pas être exposé dans son pays d'origine à des peines ou traitements contraires à cette convention. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté.

13. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, l'exception d'illégalité de cette décision invoquée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination doit être écartée.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

15. M. B... soutient qu'il ne pourrait bénéficier de traitements médicaux et d'assistance pour faire face à sa maladie en cas de retour en Côte d'Ivoire, ce qui constituerait un traitement inhumain et dégradant. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, le requérant n'établit pas les conséquences d'une extrême gravité qu'entraînerait un défaut de prise en charge ni au demeurant qu'il ne pourrait bénéficier des soins appropriés dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.

16. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de police.

Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Lapouzade, président de chambre,

- M. Diémert, président assesseur,

- M. Gobeill, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 28 septembre 2023.

Le rapporteur,

J-F. GOBEILLLe président,

J. LAPOUZADE

La greffière,

Y. HERBER

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 22PA01206 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22PA01206
Date de la décision : 28/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Jean-François GOBEILL
Rapporteur public ?: M. DORE
Avocat(s) : LONCHAMPT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-28;22pa01206 ?
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