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29/09/2023 | FRANCE | N°22PA02722

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 29 septembre 2023, 22PA02722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du directeur de l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort du 6 juin 2019, d'enjoindre à cette école d'examiner à nouveau sa demande et de communiquer la lettre de réponse de mai ou juin 2013 adressée par M.G. au sénateur M. C...

Par un jugement n° 1907340 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les

13 juin et 14 novembre 2022, M. E..., représenté par Me Brouchot, demande à la Cour :

1°) d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler la décision du directeur de l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort du 6 juin 2019, d'enjoindre à cette école d'examiner à nouveau sa demande et de communiquer la lettre de réponse de mai ou juin 2013 adressée par M.G. au sénateur M. C...

Par un jugement n° 1907340 du 1er avril 2022, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 13 juin et 14 novembre 2022, M. E..., représenté par Me Brouchot, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Melun ;

2°) d'annuler la décision du 6 juin 2019 du directeur de l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort en tant qu'elle a partiellement validé ses études antérieures et qu'elle a conditionné la poursuite de sa formation et la prise en compte de la validation partielle de ses études à ce qu'il soit lauréat du concours d'accès à la formation vétérinaire et à son affectation à l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort ;

3°) d'enjoindre au directeur de l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort une somme de 4 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce que la minute n'est pas signée et qu'il ne vise pas le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 613-34 du code de l'éducation ;

- la décision contestée méconnaît l'article D. 613-39 du code de l'éducation ;

- elle méconnaît les articles R. 613-32 à 37 du code de l'éducation.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 octobre 2022, l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort, représentée par Me Gagey, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. E... une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'éducation ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Saint-Macary,

- les conclusions de Mme Lipsos, rapporteure publique,

- et les observations de Me Brouchot, représentant M. E... et Me Gagey, représentant l'ENVA.

Une note en délibéré produite par M. E... a été enregistrée le 25 septembre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... a suivi des études supérieures en médecine vétérinaire à l'université de Liège en Belgique de 2005 à 2010, où il a obtenu le grade académique de bachelier en médecine vétérinaire, puis a validé deux années d'études de médecine vétérinaire au sein de cette université sans obtenir le diplôme final. Le 23 septembre 2015, il a demandé à l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort (ENVA) la validation de ses études antérieures et son inscription en cinquième année. Sa demande a été rejetée par une décision du 28 octobre 2015, qui a été annulée par un jugement devenu définitif du tribunal administratif de Melun le 14 mars 2019 pour un vice de légalité externe en tant qu'elle n'avait pas validé les études de M. E..., le tribunal enjoignant à l'ENVA de se prononcer à nouveau sur sa demande après saisine de la commission pédagogique prévue par les dispositions de l'article D. 613-45 du code de l'éducation et rejetant le surplus de la demande. Par une décision du 6 juin 2019, prise en exécution de ce jugement, le directeur de l'ENVA a, sur proposition de la commission pédagogique, validé les études de M. E... au titre de quatre années, à l'exception de quatre matières, et l'a informé qu'il pourrait bénéficier de cette validation sous réserve de sa réussite à un concours et de son affectation à l'ENVA. M. E... relève appel du jugement du 1er avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté son recours contre cette nouvelle décision.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Eu égard à l'objet des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, la signature de la minute de la décision par le greffier d'audience, en sus du président de la formation de jugement et du rapporteur, présente un caractère substantiel. Le défaut de cette signature sur la minute entraîne donc l'irrégularité de la décision.

3. Il ressort du dossier de première instance que la minute du jugement attaqué n'a été signée que par la présidente de la formation de jugement et la greffière d'audience, mais qu'elle ne comporte pas la signature de la rapporteure, sans qu'aucun texte n'autorise à cette date une dérogation. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de signature du jugement attaqué doit être accueilli et, par suite, le jugement du tribunal administratif de Melun doit être annulé.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E..., sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de régularité du jugement.

Sur la légalité de la décision du 6 juin 2019 :

En ce qui concerne la demande d'annulation :

5. En premier lieu, aux termes de l'article D. 613-45 du code de l'éducation : " La décision de validation est prise par le président de l'université ou le directeur de l'établissement sur proposition d'une commission pédagogique (...). Le président de l'université ou le directeur de l'établissement (...) fixe la composition des commissions pédagogiques et en désigne les membres, sur proposition, le cas échéant, du directeur de l'école ou de l'institut qui dispense la formation. / Chaque commission pédagogique est présidée par un professeur des universités sauf dérogation décidée après avis conforme du conseil académique ou du conseil scientifique ou de l'organe en tenant lieu. Elle comprend au moins deux enseignants-chercheurs de la formation concernée et un enseignant-chercheur ayant des activités en matière de formation continue. Elle peut comprendre des professionnels extérieurs à l'établissement. La participation d'au moins un de ces derniers est obligatoire pour l'accès aux formations où ils assurent au moins 30 % des enseignements ".

6. Il ressort des pièces du dossier que le directeur de l'ENVA a, par une décision du 19 avril 2019, fixé la composition de la commission pédagogique chargée d'examiner la demande de validation formée par M. E..., et que la commission qui a examiné sa demande était composée des quatre membres prévus par cet arrêté, la présence, en plus de ces quatre membres, de la directrice des études de l'ENVA étant justifiée par la circonstance qu'elle assurait le secrétariat de la commission, conformément à l'article 5 de l'arrêté. M. E... n'indique pas en quoi cette commission n'aurait pas été régulièrement convoquée, alors au demeurant que l'ensemble de ses membres était présent. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'irrégularité de la convocation et de la composition de la commission pédagogique doit être écarté.

7. En deuxième lieu, la décision du 6 juin 2019 dont M. E... demande l'annulation a été prise en exécution du jugement du tribunal administratif de Melun du 14 mars 2019. Il ressort tant du motif venant au soutien de l'annulation prononcée par ce jugement que de l'injonction résultant de cette annulation que le tribunal n'a annulé la décision du 28 octobre 2015 qu'en tant qu'elle n'a pas admis la validation demandée par M. E... en vue de son inscription en cinquième année de l'ENVA sur le fondement des articles

D. 613-38 à D. 613-50 du code de l'éducation. Le surplus de la demande de M. E... devant le tribunal a en revanche été rejeté. Dès lors, M. E... ne peut utilement invoquer à l'encontre de la décision du 6 juin 2019 la méconnaissance des articles R. 613-32 à R. 613-37 du code de l'éducation. Ces moyens doivent, dès lors, être écartés.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article D. 613-38 du code de l'éducation : " Les études, les expériences professionnelles et les acquis personnels peuvent être validés en vue de l'accès aux différents niveaux des formations post-baccalauréat dispensées par un établissement relevant du ministre chargé de l'enseignement supérieur, dans les conditions fixées par les articles D. 613-39 à D. 613-50, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires particulières ". Aux termes de l'article D. 613-39 du même code : " La validation permet soit d'accéder directement à une formation dispensée par l'établissement et conduisant à la délivrance d'un diplôme national ou d'un titre dont l'obtention est réglementée par l'Etat, soit de faire acte de candidature au concours d'entrée dans un établissement. Un candidat ne peut être admis que dans l'établissement qui a contrôlé, dans les conditions prévues à l'article D. 613-44, son aptitude à suivre une des formations qu'il dispense. / Dans les formations, dont le nombre d'étudiants est limité par voie législative ou réglementaire, la validation ne peut dispenser les candidats de satisfaire aux épreuves organisées en vue de limiter les effectifs ". Aux termes de l'article D. 613-50 de ce même code : " Les dispositions de la présente sous-section sont applicables aux formations supérieures dispensées par les établissements relevant du ministre chargé de l'agriculture ".

9. Il résulte de ces dispositions que la demande de validation formée au titre des articles D. 613-38 à 50 du code de l'éducation l'est soit pour accéder directement à certaines formations, soit pour faire acte de candidature au concours d'entrée dans un établissement. Il résulte en outre de l'article R. 812-51 du code rural et de la pêche maritime que l'accès aux écoles nationales vétérinaires se fait uniquement par la voie d'un concours dont le nombre de places est fixé par un arrêté du ministre de l'agriculture. Dans ces conditions, le directeur de l'ENVA n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions en subordonnant la prise en compte de la validation du cursus de M. E... à son inscription à l'ENVA et, donc, à la réussite d'un concours. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article D. 613-39 doit, dès lors, être écarté.

10. En quatrième lieu, le courriel du directeur de l'ENVA du 6 août 2019, postérieur à la décision en litige, est sans incidence sur sa légalité. M. E... ne peut, dès lors, utilement soutenir qu'il généraliserait la décision attaquée aux trois autres écoles nationales vétérinaires.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article D. 613-46 du code de l'éducation : " Les candidats admis dans une formation peuvent être tenus de suivre des enseignements complémentaires ou être dispensés de certains enseignements. / Dans tous les cas, ils procèdent aux formalités normales d'inscription et bénéficient pendant leur scolarité d'un suivi pédagogique assuré par les enseignants chargés de la formation ".

12. M. E... ne suivant pas de formation au sein de l'ENVA, il ne peut utilement se plaindre de ce qu'il ne bénéficierait d'aucun suivi pédagogique.

13. En dernier lieu, aux termes de l'article D. 613-44 du code de l'éducation : " La procédure de validation permet d'apprécier les connaissances, les méthodes et le savoir-faire du candidat en fonction de la formation qu'il souhaite suivre (...) ".

14. Il ressort des pièces du dossier que la commission pédagogique a estimé que M. E..., qui demandait son inscription en cinquième année à l'ENVA, avait acquis un niveau de compétence correspondant à la fin d'une quatrième année en école nationale vétérinaire, à l'exception de quatre matières en immersion clinique : " Chirurgie des animaux de compagnie ", " Reproduction des animaux de compagnie ", " Médecine des oiseaux, des lagomorphes et des rongeurs ", et " Anesthésie, soins intensifs des animaux et gardes ". Si

M. E... fait valoir que ces matières immersives étaient déjà comptabilisées dans des matières cliniques qu'il aurait validées, il ne l'établit pas. Par ailleurs, la circonstance que la commission n'aurait pas pris en compte son titre d'ingénieur en génie biologique, qu'il disposerait d'un nombre de crédits ECTS suffisant et qu'il serait empêché d'exercer en tant qu'assistant vétérinaire n'est pas de nature à révéler que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste quant à ses compétences dans les matières non validées. Ce moyen doit, dès lors, être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du directeur de l'ENVA du 6 juin 2019.

En ce qui concerne la demande d'injonction et d'astreinte :

16. Il y a lieu, par voie de conséquence du rejet des conclusions aux fins d'annulation présentées par M. E..., de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.

Sur la demande de production d'une lettre :

17. Ainsi que le soutient l'ENVA en défense, les conclusions tendant à ce qu'il lui soit enjoint de produire la lettre adressée en mai ou juin 2013 par M. B... au sénateur M. A..., présentées pour la première fois par M. E... le 8 juin 2020, plus de deux mois après l'enregistrement de sa demande au tribunal le 12 août 2019, sont nouvelles et, par suite, irrecevables.

Sur les frais du litige :

18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'ENVA, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. E... demande sur ce fondement. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. E... la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l'ENVA et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1907340 du 1er avril 2022 du tribunal administratif de Melun est annulé.

Article 2 : La demande de M. E... est rejetée.

Article 3 : M. E... versera une somme de 1 000 euros à l'ENVA sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... E... et à l'Ecole nationale vétérinaire d'Alfort.

Délibéré après l'audience du 15 septembre 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Briançon, présidente,

M. Mantz, premier conseiller,

Mme Saint-Macary, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.

La rapporteure,

M. SAINT-MACARY

La présidente,

C. BRIANÇON

La greffière,

O. BADOUX-GRARE

La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22PA02722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22PA02722
Date de la décision : 29/09/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIANÇON
Rapporteur ?: Mme Marguerite SAINT-MACARY
Rapporteur public ?: Mme LIPSOS
Avocat(s) : GAGEY

Origine de la décision
Date de l'import : 08/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2023-09-29;22pa02722 ?
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