Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a rejeté sa demande de renouvellement de son titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français.
Par un jugement n° 2117790 du 8 juillet 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 8 août 2022, D..., représentée par Me Masilu, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2021 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir ou à défaut de réexaminer sa situation administrative dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le tribunal a écarté un moyen de légalité externe qu'elle n'avait pas soulevé et en ce qu'il est entaché d'une omission à statuer ;
Sur la décision portant refus de séjour :
- elle est entachée d'une erreur de fait ;
- elle méconnait les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elle méconnait les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale à raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Saint-Macary a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. D..., ressortissante marocaine née le 9 mai 1980, est entrée en France le 4 septembre 2011 selon ses déclarations. Elle s'est vu délivrer une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français valable du 27 novembre 2019 au 26 novembre 2020. Le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé le renouvellement de son titre de séjour par un arrêté du 17 novembre 2021, et l'a obligée à quitter le territoire français. D... relève appel du jugement du 8 juillet 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. D'une part, la circonstance que les premiers juges ont répondu à un moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision de refus de titre de séjour qui n'était pas soulevé est sans incidence sur la régularité du jugement dès lors que ce moyen a été écarté.
3. D'autre part, en indiquant en son point 9 que le préfet aurait pris la même décision sans retenir le motif dont D... conteste la matérialité, le tribunal a suffisamment répondu au moyen tiré de l'erreur de fait. Par suite, le moyen tiré de l'omission à statuer doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le refus de renouvellement du titre de séjour :
4. En premier lieu, il ressort des termes de la décision contestée que la circonstance que l'enfant français de D... ne résidait pas sur le territoire français depuis le mois de juin 2021 ne constitue qu'un motif surabondant de la décision. Au demeurant, la décision se borne à retranscrire les déclarations de D... lors de son audition, le 15 septembre 2021, date à laquelle il est constant que son fils, qui a séjourné au Maroc du 18 juin au 30 octobre 2021, n'était pas en France. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-1 sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". La décision contestée statuant sur sa demande, D... ne peut utilement invoquer la méconnaissance de ces dispositions.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ". Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Lorsque le lien de filiation est établi mais que la preuve de la contribution n'est pas rapportée ou qu'aucune décision de justice n'est intervenue, le droit au séjour du demandeur s'apprécie au regard du respect de sa vie privée et familiale et au regard de l'intérêt supérieur de l'enfant ".
7. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement des articles L. 423-7 et L. 423-8 du même code, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
8. Pour établir le caractère frauduleux de la reconnaissance de paternité, le 7 janvier 2019, par un ressortissant français, M. A..., du fils de D..., né le 10 avril 2019, le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est fondé sur le caractère anticipé de la reconnaissance de paternité, intervenue quatre mois avant la naissance de l'enfant, sur la circonstance que M. A... avait déjà procédé à la reconnaissance de paternité d'un enfant d'une ressortissante étrangère, sur l'absence de communauté de vie présente ou passée, sur l'absence de contribution effective de M. A... à l'entretien et à l'éducation de l'enfant et sur les déclarations discordantes de D... et de M. A... lors de leur audition, notamment quant à la teneur de leur relation. Le préfet a également saisi, le 28 septembre 2021, le substitut du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Bobigny en application de l'article 40 du code de procédure pénale. Par la production de justificatifs de cinq virements, de faibles montants, effectués par M. A..., de photographies non datées, de factures d'achat de jouets, de captures d'écran de messagerie et d'attestations de témoins très peu circonstanciées, la requérante n'apporte pas d'éléments sérieux de nature à remettre en cause le faisceau d'indices invoqué par le préfet. Par ailleurs, la circonstance qu'elle a été condamnée par la justice marocaine pour avoir commis le délit d'infidélité du fait de la naissance de son enfant hors du cadre de son précédent mariage est sans incidence sur l'identité du père de l'enfant. Dans ces conditions, le préfet de la Seine-Saint-Denis, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude, a pu légalement refuser, pour ce motif, de renouveler le titre de séjour de D.... Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.
9. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. ". Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
10. Si D... se prévaut de sa présence en France depuis 2011 et soutient disposer d'attaches familiales sur le territoire national, dès lors qu'elle est mère de trois enfants, dont l'aîné est majeur et le dernier de nationalité française, elle conserve des attaches dans son pays d'origine où résident ses parents et sa fratrie, où elle a vécu au moins jusqu'à l'âge de 31 ans et où son dernier enfant a passé trois mois de juin à octobre 2021 alors qu'il était âgé de deux ans. Elle est en outre sans emploi et ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Par suite, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale en prenant la décision contestée.
11. En sixième lieu, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
12. D... ne peut utilement soutenir à l'encontre de la décision contestée, qui a pour seul effet de lui refuser le renouvellement de son titre de séjour, qu'elle aura pour effet d'interrompre la scolarité de l'un de ses fils et de la séparer de son dernier enfant. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit, dès lors, être écarté.
13. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 10, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, les moyens dirigés contre la décision portant refus de titre de séjour ayant été écartés, le moyen tiré de l'illégalité de cette décision par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour doit être écarté.
15. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".
16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 5° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
17. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le fils aîné de ne pourrait poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine. En outre, la décision contestée n'a pas pour effet de séparer le dernier enfant de D... de sa mère ni, compte tenu de ce qui est dit au point 8, de son père. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
18. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8, 10 et 17, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
19. Il résulte de tout ce qui précède que D... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 17 novembre 2021 du préfet de la Seine-Saint-Denis. Ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Seine-Saint-Denis.
Délibéré après l'audience du 15 septembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Briançon, présidente,
M. Mantz, premier conseiller,
Mme Saint-Macary, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 septembre 2023.
La rapporteure,
M. SAINT-MACARY
La présidente,
C. BRIANÇON
La greffière,
O. BADOUX-GRARE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA03705 2