Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 octobre 2020 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui renouveler son titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2110620 du 24 juin 2022, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 octobre 2022, Mme B..., représentée par Me Delorme, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montreuil du 24 juin 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 octobre 2020 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous la même astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour :
- cette décision est entachée d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- elle est entachée d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'elle réside en France depuis septembre 2014, qu'elle exerce une activité professionnelle stable et qu'elle est dépourvue de toute attache privée et familiale en Côte d'Ivoire ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est entachée d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision de tribunal judiciaire de Paris du 9 septembre 2022.
La requête a été communiquée au préfet de la Seine-Saint-Denis qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
M. A... a présenté son rapport au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante ivoirienne née le 18 novembre 1991, déclare être entrée en France en septembre 2014. Le 27 juillet 2019, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 13 octobre 2020, le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme B... demande à la cour d'annuler le jugement du 24 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée et désormais reprise à l'article L. 435-1 du même code : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 ".
3. Mme B... soutient qu'elle justifie de motifs exceptionnels de nature à permettre son admission exceptionnelle au séjour au titre des dispositions précitées, en raison de l'ancienneté de sa présence en France et de ses efforts d'intégration professionnelle. Il ressort en effet des pièces du dossier, d'une part, qu'elle établit sa présence en France à compter de 2014 en produisant deux cartes individuelles d'admission à l'aide médicale d'Etat valables du
18 novembre 2014 au 17 novembre 2015 et du 18 novembre 2015 au 17 novembre 2016, un contrat d'ouverture de livret A signé le 3 septembre 2015 et des relevés bancaires faisant apparaître des mouvements. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier que la requérante a été employée en qualité d'assistante-ménagère depuis octobre 2017 sous couvert d'un contrat à durée indéterminée à temps partiel de 104 heures par mois, Enfin, Mme B... établit que deux de ses frères sont de nationalité française, que sa mère dispose d'une carte de résident, et il n'est pas contesté que son père, décédé en 2000, était sa seule famille en Côte d'Ivoire. Par suite et nonobstant sa qualité de célibataire sans enfant, Mme B... est fondée à soutenir que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Les motifs qui s'attachent à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2020 impliquent nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... un titre de séjour temporaire, dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à Me Delorme au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2110620 du tribunal administratif de Montreuil du 24 juin 2022 et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 13 octobre 2020, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme B... un titre de séjour temporaire, dans un délai de trois mois à compter de la mise à disposition du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Delorme une somme de 1 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., au préfet de la Seine-Saint-Denis et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Délibéré après l'audience publique du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Gaëlle Mornet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
I. A...L'assesseure la plus ancienne,
M-I. LABETOULLELa greffière,
N. DAHMANILa République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA04484 2