Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie d'annuler la décision du 30 mars 2022, par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement et de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 250 000 francs CFP, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2200219 du 27 octobre 2022, le tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, un mémoire ampliatif et un mémoire récapitulatif, enregistrés respectivement les 10 novembre 2022, 10 février 2023 et 21 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Boiteau, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200219 du tribunal administratif de Nouvelle-Calédonie du 27 octobre 2022 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision n° 2022-DTE-22751 du 30 mars 2022 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement ;
3°) de mettre à la charge du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie le versement de la somme de 350 000 F CFP sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé et ne répond pas à tous les moyens soulevés ;
- le tribunal a à tort jugé que l'inspecteur du travail avait justement apprécié l'existence de difficultés économiques au niveau du groupe auquel appartient la boulangerie Saint-Christophe et qu'il avait pu ne pas prendre en compte la situation bénéficiaire de la société minoterie Saint-Vincent du fait qu'elle n'oeuvrerait pas dans le même secteur d'activités ;
- la décision a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que l'employeur n'a saisi l'inspection du travail qu'après l'expiration du délai de 15 jours prévu par l'article R. 353-1 du code du travail de Nouvelle-Calédonie ;
- la requérante n'a pas bénéficié de la procédure contradictoire prévue par l'article R. 353-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie dès lors que l'inspecteur du travail ne lui a pas communiqué la totalité des pièces qui accompagnaient la demande d'autorisation de licenciement ni la retranscription des témoignages recueillis lors de l'enquête ;
- la lettre de l'employeur à la direction du travail est insuffisamment motivée quant aux difficultés économiques justifiant le projet de licenciement économique ;
- la décision d'autorisation litigieuse est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle s'est prononcée au regard des difficultés économiques de la seule société employeuse sans apprécier la situation économique de l'ensemble du groupe auquel appartient cette société alors pourtant qu'il comporte plusieurs sociétés exerçant dans le même secteur d'activité ;
- l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de rechercher un reclassement de la salariée au sein de l'ensemble du groupe, les démarches effectuées n'ayant été ni sérieuses ni individualisées, et l'inspecteur du travail n'a, à tort, pas sanctionné cette insuffisance de recherche ;
- la direction du travail n'a, à tort également, pas retenu le lien entre les mandats représentatifs de la requérante et son licenciement.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 17 mars 2023 et 9 mai 2023, la Nouvelle-Calédonie, représentée par Me Charlier, conclut au rejet de la requête et à ce que le versement la somme de 2 000 euros soit mis à la charge de Mme B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail de la Nouvelle-Calédonie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- et les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., titulaire d'un contrat à durée indéterminée en tant que salariée de la société Nouvelle Boulangerie Saint-Christophe, en Nouvelle-Calédonie, et y exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable de magasin, a fait l'objet d'une procédure de licenciement pour motif économique de la part de son employeur. En raison de sa qualité de déléguée du personnel titulaire et de déléguée syndicale auprès de la confédération des syndicats des travailleurs de Calédonie - Force ouvrière (CSTC-FO), ce licenciement était subordonné à l'autorisation de l'inspecteur du travail, qui a été accordée par décision du 30 mars 2022. Mme B... a dès lors saisi le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie d'une demande tendant à l'annulation de cette décision ; toutefois ce tribunal a rejeté cette demande par un jugement n° 2200219 du 27 octobre 2022 dont elle relève dès lors appel.
Sur la régularité du jugement :
2. Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué que, contrairement à ce que soutient Mme B..., le tribunal administratif, qui n'était tenu de se prononcer que sur les moyens soulevés devant lui et non sur l'ensemble des arguments présentés à l'appui desdits moyens, a répondu à l'ensemble des moyens soulevés, après les avoir analysés dans les visas. Par ailleurs il a suffisamment motivé son jugement. Dès lors le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement, de l'absence d'analyses de certains moyens dans les visas et du défaut de réponse à ces moyens, qui est soulevé dans la requête introductive d'instance, sans au demeurant être assorti de précisions de nature à permette d'en apprécier le bien-fondé, et qui n'est pas repris dans les écritures ultérieures de la requérante ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 353-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie : " l'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. / (...). ".
4. Si le caractère contradictoire de l'enquête administrative n'implique pas que l'administration communique de sa propre initiative au salarié concerné l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement et des éléments déterminants qui ont pu être recueillis par l'inspecteur du travail au cours de l'instruction de cette demande, il implique en revanche que ce dernier mette à même le salarié de prendre connaissance, en temps utile, desdites pièces et éléments sans que la circonstance que l'intéressé est susceptible de connaître le contenu de certaines de ces pièces puisse exonérer l'inspecteur du travail de cette obligation. C'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur.
5. En l'espèce la lettre de la Société Nouvelle Boulangerie Saint-Christophe du 4 mars 2022 sollicitant de l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier Mme B... annonçait la production en pièces jointes de l'historique des états financiers sur les quatre derniers exercices comptables, de l'extrait des procès-verbaux de réunion des délégués du personnel, et de la " procédure d'information consultation jusqu'à retour DTENC : PV de réunion des DP, avis DTENC) " sans qu'il soit jamais établi ni même allégué que la communication de ces éléments à la salariée aurait été de nature à porter gravement préjudice à quiconque. Or il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment de la lettre du 7 mars 2022 adressée à Mme B..., l'informant de la demande d'autorisation administrative de licenciement dont elle faisait l'objet, la convoquant pour une enquête contradictoire le 15 mars suivant et l'informant de la possibilité de se faire assister lors de ce entretien par une personne de son choix, mais sans jamais mentionner les pièces produites par l'employeur, que l'inspecteur du travail aurait, soit à l'occasion de ce courrier, soit ultérieurement, communiqué à l'intéressée lesdites pièces ou l'aurait, de quelque manière que ce soit, mise à même d'en prendre connaissance en temps utile. Par ailleurs il résulte de ce qui précède que la circonstance même que Mme B... ait pu avoir connaissance du contenu de ces pièces, n'exonérait pas l'administration de son obligation. Enfin la production par elle-même de certaines d'entre elles dans le cadre de la procédure contentieuse ne permet pas d'établir qu'elle en aurait eu connaissance avant la réalisation de l'enquête contradictoire, ni par suite qu'elle n'aurait pas été privée de la possibilité d'y présenter utilement ses observations. Par suite, et contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la requérante est fondée à invoquer la méconnaissance des dispositions de l'article R. 353-3 du code du travail de la Nouvelle-Calédonie.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie a rejeté sa demande. Elle est par suite également fondée à demander l'annulation du jugement et celle de la décision n° 2022-DTE-22751 du 30 mars 2022 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement.
Sur les frais liés à l'instance :
7. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative la cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais liés à l'instance. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la Nouvelle-Calédonie doivent être rejetées.
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Nouvelle-Calédonie une somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais liés à l'instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2200219 du tribunal administratif de la Nouvelle-Calédonie du
27 octobre 2022 est annulé.
Article 2 : La décision n° 2022-DTE-22751 du 30 mars 2022 autorisant le licenciement de Mme B... est annulée.
Article 3 : La Nouvelle-Calédonie versera à Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Nouvelle-Calédonie, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à la Nouvelle-Calédonie et à la société Boulangerie Saint-Christophe.
Délibéré après l'audience du 12 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Ivan Luben, président de chambre,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère,
- Mme Isabelle Marion, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.
La rapporteure,
M-I. A...Le président,
I. LUBEN
La greffière,
N. DAHMANILa République mande et ordonne au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA04785