Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du 30 novembre 2020 par lequel le préfet de police a prononcé son expulsion du territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout pays où il est légalement admissible.
Par un jugement n° 2101726 du 7 février 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 avril 2022, M. B... A..., représenté par Me Garcia, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre au préfet de prendre toute mesure propre à mettre fin à son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans le délai de deux mois à compter de cette notification ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision d'expulsion est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que sa présence en France ne constitue pas une menace grave pour l'ordre public ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 mai 2022, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 24 juillet 2023, la clôture de l'instruction de l'affaire a été au 21 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. d'Haëm, président-rapporteur,
- et les conclusions de Mme Jayer, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant cubain, né le 10 novembre 1987 et entré régulièrement en France le 5 novembre 2002, a fait l'objet d'un arrêté du 30 novembre 2020 du préfet de police prononçant, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable, son expulsion du territoire français. M. B... A... fait appel du jugement du 7 février 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la demande tendant à la communication du dossier par le préfet de police :
2. Si M. B... A... se prévaut des dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, devenu l'article L. 614-5 du même code, qui prévoient que l'étranger, faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise, ces dispositions ne sont pas applicables aux décisions d'expulsion. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que le conseil de M. B... A..., Me Cottineau, a eu communication, le 16 novembre 2020, de l'entier dossier de la procédure, que M. B... A... a été entendu, le 17 novembre 2020, par la commission d'expulsion et que le tribunal administratif a statué sur sa demande dans le respect du principe du contradictoire. Par suite, sa demande ne peut, en tout état de cause, qu'être rejetée.
Sur la légalité de la décision d'expulsion :
3. En premier lieu, la décision attaquée, qui vise, notamment, l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, mentionne les faits de violences volontaires commis sur deux personnes par M. B... A... le 13 avril 2013 ainsi que la confirmation de sa condamnation par un arrêt du 9 mai 2018 de la cour d'appel de Paris à une peine de 6 ans d'emprisonnement. Elle se réfère également à l'avis du 17 novembre 2020 de la commission d'expulsion, lequel fait état, en particulier, de sa situation personnelle et familiale. Ainsi, cette décision comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, et est, par suite, suffisamment motivée.
4. En deuxième lieu, il ne ressort ni de cette motivation, ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de police n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de M. B... A..., avant de prononcer à son encontre une mesure d'expulsion. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entachée de ce chef la décision en litige doit être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable et devenu l'article L. 631-1 du même code : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public ". Aux termes de l'article L. 521-2 du même code, alors applicable et devenu l'article L. 631-2 de ce code : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'État ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : / (...) / 4° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...). / Par dérogation aux dispositions du présent article, l'étranger visé aux 1° à 5° peut faire l'objet d'un arrêté d'expulsion en application de l'article L. 521-1 s'il a été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme au moins égale à cinq ans ".
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. B... A..., entré en France au titre du regroupement familial le 5 novembre 2002 et dont le dernier titre de séjour a expiré le 16 octobre 2017, ne résidait pas régulièrement en France depuis plus de dix ans dès lors qu'il était en situation irrégulière depuis le 18 décembre 2019, date de fin de validité de son dernier récépissé de demande de carte de séjour. En tout état de cause, M. B... A... ayant été condamné définitivement à une peine d'emprisonnement ferme de six ans par un arrêt du 9 mai 2018 de la cour d'appel de Paris, le préfet de police n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en expulsant l'intéressé en application des dispositions de l'article L. 521-1 du même code.
7. D'autre part, M. B... A... s'est rendu coupable de faits, commis le 13 avril 2013 à Paris, de violences volontaires ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours, en l'espèce 60 jours, sur une première victime, avec ces circonstances que les faits ont été commis dans un lieu d'accès à un moyen de transport collectif de voyageur, en réunion et avec usage ou menace d'une arme, ainsi que de violences volontaires ayant entraîné une ITT inférieure à 8 jours, en l'espèce 6 jours, sur une seconde victime, avec ces circonstances que les faits ont été commis avec usage ou menace d'une arme et dans un lieu d'accès à un moyen de transport collectif de voyageur. Ces faits lui ont valu d'être condamné à une peine de 6 ans d'emprisonnement ferme avec interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pour une durée de 5 ans. En l'occurrence, le 13 avril 2013, vers 6h30 du matin, l'intéressé, alcoolisé, a participé à une agression dans une station du métro parisien en rejoignant deux comparses, avec lesquelles il voyageait, pour agresser deux hommes de manière gratuite et s'est servi d'un couteau pour attaquer dans le dos l'une des deux victimes qui tentait de s'enfuir, la blessant sérieusement, puis pour porter plusieurs coups de couteau à la seconde victime qui, frappée par ses deux complices, était déjà à terre. Dans son arrêt du 9 mai 2018, le juge pénal a constaté la gravité des faits ainsi commis et relevé, en particulier, qu'il s'agissait de violences commises sur cette seconde victime, " avec un couteau, occasionnant des blessures profondes et durables, violences purement gratuites commises sous l'emprise de l'alcool, violences répétées alors que la victime était à terre, inerte, sans défense, persuadée qu'elle allait mourir " et que " le prévenu, alors même que la victime ne lui avait rien fait ainsi qu'il le reconnaît lui-même, alors même qu'elle le suppliait d'arrêter, s'est acharné sur celle-ci, armant à plusieurs reprises son bras pour lui donner un nouveau coup de couteau, marquant des temps d'arrêt et revenant le frapper ".
8. Si le requérant soutient que sa présence en France ne constitue pas une menace grave et actuelle pour l'ordre public et qu'il justifie d'une parfaite intégration en France, il ne présente pas de gages sérieux et avérés de distanciation ou de remise en question par rapport aux faits délictueux commis ainsi que de non réitération et de réinsertion sociale et professionnelle. A cet égard, dans son jugement du 10 mai 2019 accordant le bénéfice d'une libération conditionnelle sous condition d'avoir satisfait à une mesure probatoire de placement sous surveillance électronique, si le juge d'application des peines a relevé que M. B... A... a bénéficié d'une prise en charge psychologique en détention et qu'" il semble que la détention lui ait offert un cadre structurant l'ayant amené à un fonctionnement plus mâture ", il a également relevé " la nécessité pour M. B... A... d'approfondir sa réflexion sur son passage à l'acte " et que " sa réflexion sur les faits n'était pas parfaitement aboutie ". De plus, arrivé en France au mois de novembre 2002, soit à l'âge de 15 ans, l'intéressé, qui a été scolarisé jusqu'à la classe de troisième, ne justifie pas d'une insertion professionnelle stable et ancienne sur le territoire. Sur ce point, les divers contrats de travail et bulletins de salaire produits par le requérant n'attestent tout au plus que de très courtes périodes d'activité professionnelle, sur différents emplois, au titre des années 2006, 2007 et 2010, comme " apprenti ", " magasinier " ou " serveur ", durant sa détention en 2018 et 2019 et après sa libération le 4 juin 2019, entre les mois de juin à décembre 2019, en qualité de " technicien ", " chargé de production ", " vendeur " ou " employé polyvalent ". A la date de la décision attaquée, soit le 30 novembre 2020, M. B... A... ne justifie d'aucune activité salariée. Enfin, s'il fait état de la présence en France de sa mère, de nationalité française, ainsi que d'oncles et de tantes, l'intéressé, âgé de trente-trois ans à cette date, ne vit pas avec eux et est célibataire et sans enfant.
9. Il suit de là qu'eu égard à la nature et à l'extrême gravité des faits commis par M. B... A... ainsi qu'à l'absence de gages sérieux et avérés de distanciation, de non réitération et de réinsertion de l'intéressé, le préfet de police a pu, sans entacher son arrêté du 30 novembre 2020 d'une erreur d'appréciation, estimer que sa présence en France constituait une menace grave pour l'ordre public et, en conséquence, prononcer son expulsion.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. M. B... A... se prévaut de la durée de son séjour en France depuis le mois de novembre 2002 et fait valoir qu'il dispose d'attaches privées et familiales dans ce pays, où résident sa mère, de nationalité française, ainsi que des oncles et tantes, et qu'il justifie d'une parfaite intégration. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 8, ni son parcours scolaire, ni sa situation professionnelle ne permettent de caractériser une intégration avérée en France, l'intéressé n'ayant été scolarisé que jusqu'à la classe de troisième et ne justifiant que de courtes périodes d'activité professionnelle, sur différents emplois, au titre des années 2006, 2007, 2010, 2018 et 2019. En outre, si le requérant soutient que sa mère souffre d'une longue maladie, il ne démontre, ni n'allègue sérieusement que sa présence auprès d'elle revêtirait un caractère indispensable, alors qu'il ne vit pas avec elle. Par ailleurs, M. B... A..., qui est célibataire et sans enfant, n'établit pas, ni n'allègue sérieusement qu'il serait dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où réside son grand-père. Sur ce point, s'il fait valoir qu'il n'a pas vu celui-ci depuis son arrivée en France, il ressort de ses déclarations, le 17 novembre 2020, devant la commission d'expulsion qu'il a effectué plusieurs allers-retours dans son pays d'origine pour y voir son grand-père. Enfin, il n'allègue pas qu'il serait dans l'impossibilité de s'y réinsérer. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la gravité des faits délictueux commis par M. B... A... et de l'absence de gages avérés et sérieux de non réitération et de réinsertion et, la décision d'expulsion en litige ne saurait être regardée comme ayant porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts de préservation de l'ordre public qu'elle poursuit. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- M. d'Haëm, président,
- Mme Marion, première conseillère,
- Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2023.
Le président-rapporteur,
R. d'HAËML'assesseure la plus ancienne,
I. MARIONLa greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA01571 2