Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du
31 mars 2022 par lequel le préfet de police a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2214984/6-2 du 2 novembre 2022, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 3 février 2023, Mme A..., représentée par Me Brevan, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2214984/6-2 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris ;
2°) à titre principal, d'annuler les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire français du 31 mars 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour temporaire " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) à titre subsidiaire, d'annuler l'obligation de quitter le territoire français ;
5°) d'enjoindre au préfet de police de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail sous astreinte de 150 euros par jour de retard durant cet examen ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement n'a pas statué sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation soulevé à l'encontre l'obligation de quitter le territoire français ;
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet de police aurait dû saisir la commission du titre de séjour dès lors qu'elle résidait en France depuis plus de 10 ans, fondement sur lequel elle avait déposé sa demande de titre de séjour ;
- elle méconnait les dispositions des articles L. 313-11 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise sur le fondement d'une décision de refus de séjour illégale ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnait les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la même convention ;
- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 7 avril 2023, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 décembre 2022 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Paris.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gobeill a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 31 mars 2022, le préfet de police a refusé de délivrer un titre de séjour à Mme A..., ressortissante malienne, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du
2 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement contesté :
2. Alors que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation affectant l'obligation de quitter le territoire avait été soulevé par Mme A..., il ne ressort pas des mentions du jugement attaqué que ce dernier aurait statué sur ce moyen qui n'est au demeurant pas visé. Il s'ensuit qu'il est entaché d'une omission à statuer.
3. Mme A... est donc fondée à soutenir que ce jugement est irrégulier et doit être annulé. Il y a donc lieu pour la Cour, statuant par la voie de l'évocation, d'examiner les moyens articulés à l'encontre de l'arrêté en litige.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de séjour :
4. En premier lieu, l'arrêté contesté vise les textes applicables et mentionne notamment que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Mali et qu'elle peut voyager sans risque vers ce pays. Elle est ainsi suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...). ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313 22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant: / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...) ".
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le préfet de police justifie avoir recueilli l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, lequel a rendu un avis le 23 décembre 2021, aucune disposition législative ou réglementaire ne prévoyant la transmission de l'avis au demandeur.
7. D'autre part, et ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, l'arrêté attaqué mentionne que l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié au Mali et qu'elle peut voyager sans risque vers ce pays. Mme A..., qui souffre d'une hépatite B chronique, conteste l'appréciation portée par le préfet de police et soutient que les soins dont elle a besoin ne sont pas disponibles au Mali. Toutefois, les ordonnances et les certificats médicaux qu'elle produit, attestant que l'hépatite B chronique dont elle souffre nécessite une surveillance régulière de la PCR et selon lesquels ne sont disponibles au Mali ni les dosages de PCR ni les traitements antiviraux, ne sont pas de nature à remettre en cause les motifs de la décision du préfet de police, ce dernier faisant valoir en défense et sans être utilement contesté qu'il existe au Mali des structures hospitalières prenant en charge les pathologies hépatiques. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code précité ne peut qu'être écarté, ainsi que celui de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-11 du même code, en tout état de cause abrogées à la date de la décision attaquée.
8. En troisième lieu, Mme A... n'établissant pas avoir déposé sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'admission exceptionnelle au séjour, ainsi que l'établit la fiche de salle du 5 août 2021, laquelle comporte la mention " titre de séjour demandé : santé ", elle ne peut utilement invoquer la circonstance qu'elle résiderait en France depuis plus de dix ans à la date de la décision attaquée pour soutenir que le préfet aurait dû soumettre son cas à la commission du titre de séjour, une telle obligation étant seulement prévue par les dispositions de l'article L. 435-1 du code précité qui ne constituent pas le fondement du titre de séjour demandé.
9. En dernier lieu, si Mme A... fait valoir qu'elle réside sur le territoire français depuis l'année 2012, qu'une partie de sa famille réside régulièrement en France dont le père de son enfant né en 2018 dont elle est séparée, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est entrée en France qu'à l'âge de 23 ans. De plus, et nonobstant les dispositions du jugement du tribunal judiciaire de Bobigny du 19 janvier 2021, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'à la date de la décision, le père de son enfant, qui ne dispose pas de l'autorité parentale, contribuerait effectivement à son entretien et aurait noué avec son fils une relation affective, les quelques photographies et les virements bancaires réalisés par le père postérieurement à la décision attaquée n'étant pas de nature à démontrer la réalité de ces liens. Il en résulte que la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision d'obligation de quitter le territoire :
10. En premier lieu, la décision de refus de séjour n'étant entachée d'aucune des illégalités alléguées, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie d'exception ne peut qu'être écarté.
11. En deuxième lieu, et pour les mêmes faits que ceux mentionnés au point 9, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
12. En troisième lieu, et pour les motifs rappelés au point 7 du présent arrêt, la décision contestée n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui dispose que " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ".
13. En quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Compte tenu de ce qui a été rappelé au point 9 du présent arrêt, la décision n'a pas méconnu les stipulations précitées et n'est pas plus entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
14. En dernier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". L'article 2 de la même convention stipule que : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. (...) ". Mme A... n'établissant pas que les soins nécessités par son état de santé ne sont pas disponibles au Mali, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées ne peut qu'être écarté.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, sous astreinte, ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du
10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2214984/6-2 du 2 novembre 2022 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Paris et ses conclusions d'appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de police et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023 à laquelle siégeaient :
- M. Lapouzade, président de chambre,
- M. Diémert, président-assesseur,
- M. Gobeill, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 16 novembre 2023.
Le rapporteur, Le président,
J.-F. GOBEILL J. LAPOUZADE
La greffière
C. POVSE
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23PA00488