Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Pacific Press a demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française :
1°) à titre principal, de prononcer la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 85 330 319 F CFP dont elle bénéficiait au 1er janvier 2020 ;
2°) à titre subsidiaire, de dire que le crédit de taxe sur la valeur ajoutée reportable après contrôle s'élève à la somme de 35 076 405 F CFP ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 250 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2100204 du 1er mars 2022, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 2 juin et 4 novembre 2022, la société Pacific Press, représentée par Me François Quinquis, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 1er mars 2022 ;
2°) de prononcer la restitution du crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 85 330 319 F CFP dont elle bénéficiait au 1er janvier 2020 ;
3°) de mettre à la charge de la Polynésie française les dépens et une somme de 300 000 F CFP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- les travaux d'impression doivent être regardés comme des opérations de façon de publications de presse au sens de l'article Lp 342-3 du code des impôts ;
- la loi métropolitaine telle qu'elle a été interprétée par la doctrine administrative admet l'application du taux réduit pour les opérations de façon ;
- les opérations d'impression et de vente forment une opération complexe unique relevant du taux réduit, même si elles sont effectuées par des opérateurs distincts ;
- l'opération d'impression constitue une opération accessoire de l'opération de vente qui n'a pas de caractère facultatif ;
- l'opération unique procède de l'absence de lien entre celui qui réalise l'opération accessoire et l'acquéreur final ;
- elle réalise des prestations accessoires à des publications de presse et non des supports de presse.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2022, la Polynésie française, représentée par Me Gilles Jourdainne et Me Vasanthi Daviles-Estines conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société requérante de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 5 octobre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 novembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;
- le code des impôts de la Polynésie française ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Magnard,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La Société Pacific Press, qui exerce une activité d'imprimerie et de reprographie consistant en l'impression des périodiques Tahiti Info, la Dépêche et Tiki Mag, qui a sollicité le remboursement d'un crédit de taxe sur la valeur ajoutée de 100 976 063 F CFP, a fait l'objet le 19 octobre 2020 d'une proposition de rectification visant à appliquer le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) de 16 % au lieu de celui de 5 % dont la société estimait bénéficier en qualité d'éditeur de presse. La société Pacific Press relève appel du jugement par lequel le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande de restitution du crédit de TVA de 85 330 319 F CFP dont elle s'estime titulaire au titre du premier trimestre 2020 en raison de l'application du taux de 5 %.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à tous les arguments présentés par la société requérante à l'appui de ses moyens, ont statué sur le moyen tiré de ce que l'opération d'impression d'une publication de presse est indissociable de, et accessoire à, l'opération de publication et relève en conséquence du taux de taxe sur la valeur ajoutée réduit de 5 % dans le cadre d'une opération complexe unique. La société requérante n'est par suite pas fondée à soutenir que le jugement serait insuffisamment motivé.
Sur le bien-fondé de la demande de restitution :
3. Aux termes de l'article LP. 341-1 du code des impôts de la Polynésie française : " Lorsque plusieurs produits ou services sont passibles de taux différents mais sont vendus sous un prix global, chacun doit être soumis à l'imposition à raison de son prix et au taux qui lui est propre ". Aux termes de l'article 342-1 du même code : " Le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 16 % (...) ". Aux termes de l'article LP. 342-3 du même code, dans sa version applicable à l'espèce : " Le taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 5 %. (...) / I - Le taux réduit s'applique aux opérations d'importation, de vente, de livraison, de commission, de courtage ou de façon portant sur les produits suivants : 6°) publications de presse satisfaisant aux obligations de la loi sur la presse et ayant un caractère d'intérêt général quant à la diffusion de la pensée : instruction, éducation, information, récréation du public ".
4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Pacific Press exerce une activité d'imprimerie, consistant en des travaux d'impression de journaux de presse et de livraison de ces produits notamment à sa cliente, la société " Fenua communication ", laquelle exerce une activité d'éditeur et de publication de presse au sens du 6°) de l'article LP. 342-3 du code des impôts précité. Les travaux d'impression, qui ne sont pas réalisés à partir des matériaux fournis par le client, ne sauraient être regardés comme des opérations de façon de publications de presse au sens de l'article LP. 342-3 du code des impôts. La circonstance que la doctrine administrative applicable en métropole admet, en ce qui concerne les livres, l'application du taux réduit aux opérations de façon et considère, à cet effet, l'impression comme une opération de façon, ne saurait être valablement invoquée, s'agissant de la mise en œuvre des dispositions de l'article LP. 342-3 du code des impôts de la Polynésie française.
5. En second lieu, les travaux d'impression, qui sont réalisés au bénéfice de l'éditeur du journal pour l'exercice de sa propre activité et non au bénéfice de l'acquéreur final, ne sauraient être regardés comme des opérations accessoires de l'opération de publication, alors même qu'ils conditionnent cette opération et que leur coût est pris en compte dans le prix payé par l'acheteur du journal. Ils ne sont par suite, et contrairement à ce qui est soutenu, pas taxables au taux réduit dans le cadre d'une opération complexe unique. La seule circonstance qu'il n'existe pas de lien contractuel entre l'imprimeur et l'acquéreur final ne saurait suffire à constater l'existence d'une opération unique regroupant la publication du journal et les opérations matérielles réalisées en amont.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté sa demande. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la Polynésie française, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de la somme que la société requérante demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la Polynésie française tendant à l'application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Pacific Press est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la Polynésie française tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pacific Press et à la Polynésie française.
Délibéré après l'audience du 8 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Topin, président,
- M. Magnard, premier conseiller,
- Mme Fullana, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 novembre 2023.
Le rapporteur,
F. MAGNARDLa présidente,
E. TOPIN
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA02550 2