Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Millesim protection services a demandé au Tribunal administratif de Melun de prononcer la décharge des suppléments d'impôt sur les sociétés, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités afférentes mis à sa charge au titre des années 2012, 2013 et 2014.
Par un jugement n° 1900109/3 du 6 octobre 2022, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 7 décembre 2022 et 14 mars 2023, la société Millesim protection services, représentée par Mes Yazid Adda et Aurélie Dalmasso, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2022 du Tribunal administratif de Melun ;
2°) de prononcer la décharge sollicitée devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification et la réponse aux observations du contribuable sont insuffisamment motivées ;
- l'avis de mise en recouvrement est irrégulier, dès lors que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée portent sur un montant supérieur de celui mentionné par un courrier du 26 octobre 2015 ;
- l'administration n'apporte pas la preuve qui lui incombe de ce que les encaissements sur lesquels sont fondés les rappels de taxe sur la valeur ajoutée sont taxables, alors que la somme de 12 942,29 euros incluse dans les rappels correspond à des régularisations de commission et des remboursements ; elle ne démontre pas non plus qu'ils se rattachent aux exercices vérifiés et que le taux de taxe sur la valeur ajoutée sur ces encaissements était de 20 % ;
- la méthode de reconstitution des recettes soumises à taxe sur la valeur ajoutée est excessivement sommaire et radicalement viciée ;
- les pénalités pour manquement délibéré portant sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée doivent être déchargées par voie de conséquence de la décharge portant sur les droits ;
- l'administration n'a pas démontré le caractère délibéré concernant la réintégration dans le bénéfice imposable de certaines dépenses passées en charges.
Par des mémoires en défense enregistrés les 24 janvier et 23 mars 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 15 mars 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Topin,
- et les conclusions de M. Segretain, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Millesim protection services, qui exerce une activité de protection et de gardiennage, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des années 2012 et 2013, prorogée au 30 septembre 2014 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle elle a été rendue destinataire d'une proposition de rectification le 7 mai 2015. Des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 1er janvier 2012 au 30 septembre 2014 ont été mis en recouvrement le 31 mars 2016. Par un jugement du 6 octobre 2022, dont la société Millesim protection services relève appel, le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des impositions supplémentaires auxquelles elle a été ainsi assujettie.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation (...) ".
3. La société requérante soutient que la proposition de rectification du 7 mai 2015 était insuffisamment motivée dès lors que l'administration n'avait pas justifié du caractère taxable de chacun des encaissements, que la méthode de correction des factures détenues par l'établissement d'affacturage n'était pas suffisamment explicite et qu'enfin le taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqué n'était pas justifié. Il résulte toutefois de cette proposition de rectification que, pour identifier l'insuffisante déclaration de taxe sur la valeur ajoutée collectée, l'administration a, d'une part, exposé que la société était redevable de cette taxe sur les encaissements compte tenu de son activité de prestataire de services. Elle a ainsi motivé les raisons pour lesquelles elle a considéré les encaissements en cause comme taxables. D'autre part, elle a précisé avoir procédé au rapprochement entre les encaissements ressortant des opérations enregistrées sur le compte bancaire de la société en les corrigeant des créances échues détenues par l'établissement d'affacturage, suivant les informations transmises par l'expert-comptable de la société, et les déclarations CA3 déposées par la société sur la période vérifiée. Le détail des calculs a été précisé en annexe 1. Enfin, l'administration a indiqué avoir appliqué le taux de taxe sur la valeur ajoutée de 19,6 %, puis celui de 20 % aux encaissements enregistrés à compter de février 2014, en tenant compte du délai de règlement des factures d'un mois. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales doit être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " (...) Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée ".
5. En indiquant la méthode utilisée pour déterminer le montant de taxe sur la valeur ajoutée à rappeler et en explicitant le taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqué, l'administration a suffisamment motivé sa réponse aux observations sommaires de la requérante, qui faisait valoir le caractère incompréhensible de l'annexe 1 jointe à la proposition de rectification et l'insuffisante motivation du taux de taxe sur la valeur ajoutée appliqué. Par suite, la société Millesim protection services n'est pas fondée à soutenir que la réponse à ses observations n'était pas suffisamment motivée.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 256 du livre des procédures fiscales : " Un avis de mise en recouvrement est adressé par le comptable public compétent à tout redevable des sommes, droits, taxes et redevances de toute nature dont le recouvrement lui incombe lorsque le paiement n'a pas été effectué à la date d'exigibilité. (...) ". L'article R. 256-1 de ce même livre dispose que : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis. (...) Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications. ".
7. Si la société requérante soutient que le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis en recouvrement est supérieur au montant mis à sa charge au cours de la procédure d'imposition, il résulte de l'instruction que ce montant total de 172 884 euros en droits est conforme à celui porté sur le tableau récapitulatif des conséquences financières du contrôle annexé à la lettre du 1er mars 2016 adressée par l'administration à la société à la suite de son recours hiérarchique, dont la référence est portée sur l'avis de mise en recouvrement, les mentions figurant sur la lettre du 26 octobre 2015 étant à cet égard sans incidence. La société requérante n'est donc pas fondée à solliciter la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge par ce moyen.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article 269 du code général des impôts : " (...) 2. La taxe est exigible : (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. / En cas d'escompte d'effet de commerce ou de transmission de créance, l'exigibilité intervient respectivement à la date du paiement de l'effet par le client ou à celle du paiement de la dette transmise entre les mains du bénéficiaire de la transmission. (...) ".
9. D'une part, la société requérante soutient que l'administration n'a pas démontré que la taxe sur la valeur ajoutée aurait été due sur les encaissements constatés et remet en cause l'inclusion dans les encaissements ayant servi au calcul du montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée de cinq crédits bancaires d'un montant total de 12 942,29 euros sans lien avec le règlement de prestations de service. Il résulte de l'instruction cependant que la société n'allègue ni ne démontre avoir eu des activités autres que des prestations de service, et que par ailleurs l'administration soutient, sans être contredite, ne pas avoir intégré les cinq opérations en cause dans le montant des encaissements ayant servi à la détermination du montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée.
10. D'autre part, l'administration a regardé les factures confiées à l'établissement d'affacturage comme étant réglées par les clients à l'échéance de paiement d'un mois, sur la base des informations transmises par l'expert-comptable de la société, et a estimé que la société était redevable de la taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures à cette échéance de paiement. La société requérante soutient que cette méthode méconnaît le second alinéa du c) du 2. de l'article 269 du code général des impôts en ce qu'elle ne tient pas compte de la date réelle du paiement de ces factures. Toutefois, elle n'apporte aucun élément, alors qu'elle est seule en mesure de le faire puisqu'elle dispose des relevés que lui adresse l'établissement d'affacturage, de nature à établir que les facture en cause n'auraient pas été effectivement réglées à échéance de paiement et qu'elle n'aurait donc pas été redevable de la taxe objet des rappels pour la période en litige ou que le taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 % n'aurait pas été applicable aux encaissements à compter du 1er février 2014. Par suite, elle n'est ni fondée à soutenir que l'administration n'aurait pas établi qu'elle était redevable des rappels en litige, ou que l'application du taux de taxe sur la valeur ajoutée de 20 % appliqué à compter du 1er février 2014 aurait été infondée, ni que la méthode de calcul aurait été viciée.
11. En dernier lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'État entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
12. D'une part, il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à demander la décharge de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré par voie de conséquence de la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sollicitée. D'autre part, au regard de la nature des dépenses que l'administration a regardées comme n'ayant pas été engagées dans l'intérêt de la société ou non justifiées, l'administration était fondée à retenir le caractère délibéré du manquement, indépendamment du faible montant des rectifications opérées à ce titre. L'instruction BOI-CF-INF-10-20-20, invoquée par la société, ne donne pas de la loi fiscale une interprétation différente de celle dont il lui a été fait application.
13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Millesim protection services n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande. Les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par la société Millesim protection services est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Millesim protection services et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Brotons, président de chambre,
- Mme Topin, présidente assesseure,
- M. Magnard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2024.
La rapporteure,
E. TOPINLe président,
I. BROTONS
Le greffier,
C. MONGIS
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22PA05218 2