Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI " Les Violettes " a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 24 juin 2021 par lequel le maire de Vitry-sur-Seine a, au nom de l'Etat, retiré la décision implicite de non-opposition à déclaration préalable et s'est opposé à des travaux de ravalement et de modification de façades sur un immeuble situé 35-37 avenue Rouget de L'Isle.
Par un jugement n° 2106632 du 23 novembre 2023, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 janvier et 6 septembre 2024, la SCI " Les Violettes ", représentée par Me Bousquet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 novembre 2023 du tribunal administratif de Melun ;
2°) d'annuler l'arrêté du maire de Vitry-sur-Seine du 24 juin 2021 ;
3°) de prévoir que lui soit versée la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- un ouvrage inachevé à la date d'expiration du délai de validité du permis de construire constitue une construction juridiquement existante, sur laquelle certains travaux peuvent relever du champ de la déclaration préalable ;
- la partie de la construction réalisée avant 1996 l'ayant été régulièrement, il n'y a pas lieu de la régulariser ;
- l'article L. 421-9 n'est pas applicable à l'espèce ;
- subsidiairement, la construction, édifiée en vertu d'un permis de construire, bénéficiait de la prescription de dix ans ;
- les travaux réalisés en 2013 sans autorisation, à savoir la pose et le remplacement des huisseries et le ravalement, seuls travaux effectués depuis la péremption du permis de construire, n'étaient soumis qu'à déclaration préalable au titre de l'article R. 422-2 du code de l'urbanisme et la déclaration préalable déposée en 2021 visait ainsi à les régulariser ;
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le maire était en situation de compétence liée ;
- l'arrêté méconnaît l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme dès lors que l'ensemble des motifs justifiant l'opposition n'y figurent pas.
La commune de Vitry-sur-Seine a présenté des observations, enregistrées le 25 juillet 2024, par lesquelles elle demande que soit mise à la charge de la requérante une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 septembre 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il s'en rapporte aux écritures présentées par le préfet du Val-de-Marne devant le tribunal administratif de Melun.
Par une ordonnance du 19 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au
6 septembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fombeur,
- les conclusions de Mme Dégardin, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bousquet, avocat de la SCI " Les Violettes ", et de Me Lubac, avocat de la commune de Vitry-sur-Seine.
Une note en délibéré, enregistrée le 11 septembre 2024, a été présentée pour la SCI " Les Violettes ".
Considérant ce qui suit :
1. Le 18 mai 2006, la SCI " Les Violettes " a acquis un immeuble situé 35-37 avenue Rouget de L'Isle à Vitry-sur-Seine, dont la construction, engagée en 1991 en vertu d'un permis de construire délivré le 16 août 1989, n'a pas été achevée. Elle a déposé, le 5 mars 2021, une déclaration préalable en vue de régulariser la pose de menuiseries extérieures et des travaux de ravalement de façades de cet immeuble. En l'absence de réponse dans le délai d'un mois suivant la date de dépôt de la demande, une décision implicite de non-opposition à cette déclaration préalable est née le 6 avril 2021. Toutefois, après avoir mis la société en mesure de présenter ses observations par un courrier du 14 avril 2021, le maire de Vitry-sur-Seine, agissant au nom de l'Etat, a retiré cette décision tacite par un arrêté du 24 juin 2021, pris dans le délai de trois mois prévu par l'article
L. 424-5 du code de l'urbanisme. La SCI " Les Violettes " fait appel du jugement du 23 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2021.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. (...) ".
3. Si la société requérante soutient que l'ensemble des motifs justifiant l'opposition ne figurent pas dans la décision litigieuse, elle ne précise pas quels motifs auraient été omis. Le moyen qu'elle soulève n'est, ainsi, pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé et ne peut qu'être écarté, sans qu'il soit besoin pour la cour d'examiner si le maire était en situation de compétence liée.
4. En second lieu, tout d'abord, aux termes de l'article R. 421-32 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au permis de construire délivré le 16 août 1989 : " Le permis de construire est périmé si les constructions ne sont pas entreprises dans le délai de deux ans à compter de la notification visée à l'article R. 421-34 ou de la délivrance tacite du permis de construire. Il en est de même si les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. (...) ".
5. Par ailleurs, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable aux travaux initialement engagés : " Quiconque désire entreprendre ou implanter une construction à usage d'habitation ou non, même ne comportant pas de fondations, doit, au préalable, obtenir un permis de construire sous réserve des dispositions des articles L. 422-1 à
L. 422-5 (...) ". Aux termes de l'article R. 421-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable à la déclaration préalable litigieuse : " Les constructions nouvelles doivent être précédées de la délivrance d'un permis de construire, à l'exception : / a) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-2 à R. 421-8-2 qui sont dispensées de toute formalité au titre du code de l'urbanisme ; / b) Des constructions mentionnées aux articles R. 421-9 à R. 421-12 qui doivent faire l'objet d'une déclaration préalable ".
6. Ensuite, l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable à la déclaration préalable litigieuse, prévoit que : " Lorsqu'une construction est achevée depuis plus de dix ans, le refus de permis de construire ou la décision d'opposition à déclaration préalable ne peut être fondé sur l'irrégularité de la construction initiale au regard du droit de l'urbanisme (...) ".
7. Enfin, lorsqu'une construction a été édifiée sans autorisation en méconnaissance des prescriptions légales alors applicables, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. De même, lorsqu'une construction, en raison de son inachèvement, ne peut être regardée comme ayant été édifiée dans le respect du permis de construire obtenu et que celui-ci est périmé, il appartient au propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux de présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l'ensemble du bâtiment. Dans l'hypothèse où l'autorité administrative est saisie d'une demande qui ne satisfait pas à cette exigence, elle doit inviter son auteur à présenter une demande portant sur l'ensemble des éléments qui doivent être soumis à son autorisation. Cette invitation, qui a pour seul objet d'informer le pétitionnaire de la procédure à suivre s'il entend poursuivre son projet, n'a pas à précéder le refus que l'administration doit opposer à une demande portant sur les seuls nouveaux travaux envisagés.
8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. A..., alors propriétaire du terrain situé 35-37 avenue Rouget de L'Isle, s'est vu délivrer par un arrêté du 16 août 1989 le permis de construire un bâtiment à usage de locaux commerciaux et de bureaux. Il est constant que les travaux objet de ce permis, qui ont fait l'objet d'une déclaration d'ouverture de chantier le 12 février 1991, ont été interrompus pendant plusieurs années. Il ressort d'un rapport relatif à la valeur vénale du bien au 1er avril 1996, rédigé par un expert près la cour d'appel de Paris, qu'à cette date " l'ensemble immobilier (...) était en état futur d'achèvement. (...) Seuls les travaux d'édification du gros œuvre ont été effectués ainsi que la mise hors d'eau et une partie de la mise hors air du bâtiment. (...) ". En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment des deux procès-verbaux d'infraction dressés par un agent assermenté de la commune ainsi que des photos jointes, que la construction, avant la reprise des travaux en 2013, consistait depuis l'avenue Rouget de L'Isle en une simple structure en béton, partiellement close par des planches, que des travaux consistant en la pose d'huisseries à tous les niveaux ont alors été engagés, qu'ils étaient achevés en octobre 2017 et qu'un ravalement de façade a également été réalisé entre 2013 et 2017.
9. Tout d'abord, il est constant que les travaux autorisés par le permis de construire du
16 août 1989 ont été interrompus pendant plus d'une année avant la réalisation, en 2013, des travaux destinés à achever la construction, et qu'ainsi, le permis de construire était périmé lorsque ces derniers ont été entrepris. Ensuite, eu égard au stade de son avancement à la date à laquelle le permis de construire s'est trouvé périmé, la construction ne pouvait être regardée comme édifiée dans le respect de l'autorisation d'urbanisme obtenue. Enfin, la construction étant inachevée, la SCI " Les Violettes " ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 421-9 du code de l'urbanisme, qui ne trouvent à s'appliquer si la construction " est achevée " depuis plus de dix ans. Il suit de là que la société requérante était tenue de solliciter une demande d'autorisation d'urbanisme portant non sur la seule régularisation de travaux de pose de menuiseries extérieures et de ravalement de façades mais sur l'ensemble du bâtiment. Dès lors, le maire de Vitry-sur-Seine était fondé à considérer que la décision implicite de non-opposition à la déclaration préalable du 5 mars 2021 était illégale et à la retirer pour ce motif.
10. Il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 juin 2021 du maire de Vitry-sur-Seine.
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle, en tout état de cause, à ce qu'une somme soit accordée à la SCI " Les Violettes ", non plus qu'à la commune de de Vitry-sur-Seine, le permis ayant été accordé au nom de l'Etat, au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SCI " Les Violettes " est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Vitry-sur-Seine présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI " Les Violettes ", à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques et à la commune de Vitry-sur-Seine.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Fombeur, conseillère d'État, présidente de la Cour,
- Mme Marianne Julliard, présidente assesseure,
- Mme Marie-Isabelle Labetoulle, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 octobre 2024
La présidente assesseure,
M. B...
La présidente-rapporteure,
P. FOMBEUR
Le greffier,
E. MOULIN
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24PA00362