Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2021, par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2101970 du 30 septembre 2021, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête du 17 janvier 2022, enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis réenregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, Mme C... représentée par Me Decaux demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 septembre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 mars 2021, par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
3°) d'enjoindre à la préfète du Gard de lui délivrer un titre de séjour d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et à défaut d'enjoindre à la préfète de réexaminer sa situation et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois assortie d'une autorisation de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la préfète et le tribunal ont commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 6 alinéa 5 de l'accord franco-algérien, d'une part, quant à sa présence effective en France depuis le 24 décembre 2015, d'autre part alors que son père et ses frères se trouvent en France, sa mère étant décédée, et, enfin, en raison de ce qu'elle vit avec un compatriote algérien, titulaire d'une carte de résident et qui ne peut aller vivre en Algérie en raison de ce qu'il a deux enfants mineurs en France ;
- de plus, la préfète a refusé d'examiner sa situation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- en outre, la décision de refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle réside en France depuis cinq ans et que ses attaches familiales se trouvent en France où vivent son concubin, son père et ses deux frères ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'illégalité par voie de conséquence de l'illégalité du refus de séjour ; elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de ses attaches familiales en France ;
- la décision fixant le pays de destination est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2022, la préfète du Gard conclut au rejet de la requête. Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.
Par ordonnance du 13 juin 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 8 juillet 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
-l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pierre Bentolila, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1.Mme A... C..., ressortissante algérienne, bénéficiaire d'un visa C Schengen, valable du 15 novembre 2015 au 14 décembre 2015, délivré par les autorités espagnoles et entrée en Espagne le 15 novembre 2015, déclare, sans l'établir, être entrée en France le 24 décembre 2015. Le 30 octobre 2020, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale en se prévalant d'une situation de concubinage depuis 2016 avec un compatriote, M. B..., en situation régulière en France, ainsi que de la présence en France de son père et de deux frères. Par un arrêté du 17 mars 2021, la préfète du Gard a rejeté cette demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme C... relève appel du jugement du 30 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Sur le bien-fondé du jugement et de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne le refus de certificat de résidence :
2. En premier lieu, contrairement à ce que la requérante soutient, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas exercé son pouvoir de régularisation, s'étant notamment placé pour répondre à la demande de certificat de résidence présentée par Mme C..., alors même que cette dernière n'avait pas de façon expresse invoqué ce fondement juridique dans sa demande et que ces dispositions ne sont normalement pas applicables aux ressortissants algériens, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet ayant également examiné le droit au séjour de l'intéressée sur le fondement de l'article 6(5°) de l'accord franco-algérien, au titre de la vie privée et familiale.
3. En deuxième lieu, par un moyen qui doit être regardé comme ayant été invoqué au titre de l'erreur de fait et de l'erreur de droit, la requérante fait valoir que la préfète aurait à tort considéré qu'elle ne justifiait pas d'une résidence continue en France depuis le 24 décembre 2015 en se fondant de façon erronée sur le fait que les productions de cartes d'aide médicale d'État ne seraient pas de nature à établir une présence continue en France. Toutefois si, dans l'un des motifs de l'arrêté, pour écarter les moyens présentés par la requérante, la préfète du Gard relève que celle-ci a produit de nombreux documents médicaux, ni les termes de l'arrêté ni les pièces du dossier ne permettent de considérer que la préfète, qui s'est fondée à titre principal sur l'absence de réalité du concubinage allégué avec M. B..., aurait par principe écarté les documents d'ordre médical produits par Mme C....
4. En troisième lieu, et d'une part, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ".
5. D'autre part, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Il résulte des stipulations précitées, qu'au-delà de la question de l'ancienneté de la présence en France, leur application est subordonnée à l'existence et à l'intensité des liens familiaux et personnels en France. Dans ces conditions, la seule invocation par Mme C... d'une présence effective en France depuis le 24 décembre 2015, par la production de ses cartes d'aide médicale d'État, de documents d'ordre médical, de factures EDF et de relevés bancaires, à supposer que ces documents établiraient sa présence en France, ne sont pas de nature à caractériser l'existence d'une atteinte à sa vie privée et familiale, faute de justification de l'existence et de l'intensité des liens familiaux et personnels en France.
7. À cet égard, Mme C... produit un certificat de vie commune établi par M. B... et daté seulement du 12 juin 2020, des attestations de la CAF du Gard établies aux noms de Mme C... et M. B... et afférentes à des prestations versées d'octobre 2018 à mars 2021, des documents datés de 2020, émanant d'Engie et de Véolia, et une déclaration de vie commune établie le 26 février 2021 à la préfecture des Bouches-du-Rhône par Mme C... et M. B.... Toutefois, ainsi que le fait valoir la préfète dans l'arrêté litigieux, dans des documents fournis pour la période de 2016 à 2020 et notamment dans ses cartes médicales d'État, Mme C... faisait état d'une adresse chez son père, à Marseille.
8. Il résulte de ce qui précède, alors que, par ailleurs, l'appelante n'apporte aucun élément quant à la réalité et à l'intensité des liens l'unissant à son père et à ses frères, que la préfète du Gard a pu, compte tenu de l'absence d'éléments de nature à établir la réalité et l'intensité du concubinage de Mme C... avec M. B..., sans commettre ni d'erreur de fait quant à l'ancienneté de son séjour, ni d'erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations précitées de l de l'article 6 5) de l'accord franco-algérien ni méconnaître les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, refuser la délivrance d'un certificat de résidence algérien à Mme C....
9. En cinquième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français serait illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de certificat de résidence algérien. Par ailleurs et pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 4 du présent arrêt, le moyen invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire, tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
10. En sixième lieu, il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que la décision portant fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement serait illégale du fait de l'illégalité des décisions de refus de certificat de résidence algérien et d'obligation de quitter le territoire français.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Gard.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder , président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2022.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 22TL00196
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