Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Genedis a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse à lui verser la somme globale de 682 350,13 euros en réparation du préjudice résultant du caractère disproportionné des redevances d'occupation mises à sa charge au titre des années 2012 à 2017, d'enjoindre à cette même société de revoir les modalités de fixation de la redevance d'occupation domaniale dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et, à titre subsidiaire, de la condamner à lui verser la somme de 11 721,06 euros.
Par un jugement n° 1701931 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés au greffe de la cour administrative de Marseille les 15 janvier et 2 août 2021, puis devant la cour administrative d'appel de Toulouse, et un mémoire enregistré le 4 août 2022, la société Genedis, représentée par Me Poisson, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 novembre 2020 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) de condamner la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse à lui verser une somme de 682 350,13 euros en réparation du préjudice résultant du caractère disproportionné des redevances d'occupation du domaine public mises à sa charge au titre des années 2012 à 2017 ainsi qu'une somme de 6 992,64 euros au titre de la facturation d'un compacteur à déchets sur la période 2016-2017 ;
3°) d'enjoindre à la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse de réviser les modalités de calcul de la redevance d'occupation domaniale mise à sa charge en contrepartie de l'occupation de locaux au sein de ce marché dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse à lui verser une somme de 330 088,09 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'application d'une clause d'indexation illégale, calculée à partir de l'indice national du coût de la construction, sur le montant de la redevance facturée pour les années 2012 à 2014 ou, à défaut, à supposer cette clause applicable, une somme de 31 494 euros au titre de l'erreur de calcul commise dans la mise en œuvre de cette clause d'indexation entre 2012 et 2018 ;
5°) de mettre à la charge de la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- sa requête est recevable dès lors que la question de l'intégration des redevances pour services rendus dans le montant de la redevance d'occupation du domaine public ne constitue pas une demande nouvelle mais un simple argument à l'appui de ses conclusions initiales tendant à faire juger le caractère excessif de la redevance domaniale mise à sa charge et que, en tout état de cause, à la supposer comme étant constitutive d'une demande nouvelle, elle est recevable à demander l'indemnisation de la somme correspondant aux services rendus illégalement incluse dans le montant de la redevance, cette demande ayant le même fait générateur que sa demande initiale ;
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en tant, d'une part, qu'il omet de se prononcer sur le moyen tiré du caractère illégal de la clause d'indexation prévue par le traité de concession-installation mais non approuvée par l'autorité préfectorale, d'autre part, qu'il omet de se prononcer sur le moyen tiré de la rupture d'égalité de traitement entre les occupants du marché d'intérêt national de Toulouse dans la fixation de la redevance et, enfin, qu'il s'abstient d'analyser les raisons pouvant justifier la forte augmentation de la redevance domaniale alors que la société gestionnaire du marché était dans l'incapacité de démontrer la cohérence du tarif appliqué au regard des avantages procurés à l'occupant ;
- il est entaché d'une contradiction de motifs, d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une dénaturation des pièces du dossier en retenant que la société d'économie mixte gestionnaire du marché d'intérêt national de Toulouse ne pouvait légalement intégrer, dans le calcul de la redevance d'occupation, des charges correspondant à des services rendus sans en tirer de conséquences quant au caractère manifestement excessif de la redevance domaniale tout en estimant qu'aucun préjudice économique ou financier n'était établi, que le montant des redevances acquittées n'était pas manifestement disproportionné aux avantages tirés de l'occupation du domaine public et qu'elle n'avait pas dénoncé l'illégalité de la clause d'indexation prévue par le traité de concession-installation ;
- il est entaché d'une erreur de droit, d'une erreur de fait et d'une contradiction de motifs dès lors que les premiers juges ont appliqué une clause d'indexation illégale au titre de la redevance due pour les années 2012 à 2014 et, à supposer cette clause applicable, ils ont validé une erreur dans le calcul de l'indexation de la redevance d'occupation dès lors que l'indice du coût de la construction à prendre en compte était l'indice T2 de l'année précédente et non l'indice T3, ce qui conduit à un surcoût de redevance mis à sa charge de 31 494 euros sur la période comprise entre 2012 et 2018 ;
- les redevances qu'elle a versées au titre des années 2012 à 2017 sont totalement disproportionnées et excessives au regard des avantages qu'elle tire de l'occupation domaniale dès lors, d'une part, qu'elles intègrent, de manière illégale, des prestations pour services rendus dans le calcul de ces redevances et, d'autre part, que l'état réel des locaux et l'attractivité du marché d'intérêt national de Toulouse se sont dégradés entre 2001 et 2012 tandis qu'il existe des locaux à l'intérieur ou à l'extérieur de ce marché offrant de meilleures prestations à des prix inférieurs et que la valeur locative des locaux qu'elle occupe a été expertisée par le cabinet qu'elle a mandaté à la somme de 268 000 euros hors taxes, sans tenir compte du caractère précaire et révocable de l'autorisation d'occupation du domaine public de nature à minorer cette évaluation ;
- la redevance mise à sa charge a été forfaitisée par le gestionnaire ; ainsi, ses bases de calcul ont été modifiées en écartant les notions d'emprise au sol, de surface hors œuvre brute et de surface hors œuvre nette, et son montant a fait l'objet d'une clause d'indexation sans que la convention la liant au gestionnaire ait fait l'objet d'un avenant et sans que ces modifications aient été approuvées par l'autorité préfectorale alors qu'elle se trouve toujours dans l'incapacité de connaître les tarifs qui lui sont appliqués au regard des arrêtés préfectoraux approuvant les tarifs d'occupation des locaux du marché d'intérêt national de Toulouse ;
- la redevance mise à sa charge sur la période litigieuse méconnaît le principe d'égalité entre les occupants du domaine public dès lors que son montant est le plus élevé au sein du marché d'intérêt national de Toulouse sans que la société gestionnaire justifie, par des motifs précis, cette différence de traitement entre les occupants ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité des éventuels arrêtés préfectoraux fixant les tarifs d'occupation des locaux du marché d'intérêt national de Toulouse ;
- la clause de révision annuelle de la redevance au regard de l'évolution de l'indice national du coût de la construction prévue par le traité de concession-installation ne trouvait pas à s'appliquer en l'absence d'approbation de ce mécanisme d'indexation par l'arrêté préfectoral fixant les tarifs d'occupation ;
- à titre subsidiaire, à supposer cette clause d'indexation applicable, celle-ci a été appliquée de manière erronée, soit un surcoût de 31 494 euros sur la période comprise entre 2012 et 2018 ;
- le principe de loyauté contractuelle ne trouve pas à s'appliquer en cas de déséquilibre du contrat, en l'espèce caractérisé par la disproportion entre la redevance versée et les avantages tirés de l'occupation des locaux, et ne saurait ni permettre de contourner la règle législative selon laquelle la redevance d'occupation domaniale ne doit pas être supérieure aux avantages octroyés à l'occupant ni faire échec à l'arrêté préfectoral fixant les tarifs d'occupation des locaux du marché d'intérêt national de Toulouse ;
- la société gestionnaire a mis à sa charge une somme de 6 992,64 euros au titre de la facturation d'un compacteur à déchets au titre des années 2016 et 2017 alors qu'un tel tarif, qui figurait jusqu'en 2015 dans l'arrêté préfectoral approuvant les tarifs d'occupation et d'utilisation des locaux du marché d'intérêt national de Toulouse ne figure plus dans les arrêtés préfectoraux ultérieurs.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 juin et 13 décembre 2021, la société d'économie mixte du marché-gare d'intérêt national de Toulouse, représentée, en dernier lieu par Me Neveu, membre de la SCP Lacourte Raquin Tatar, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société appelante une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, les conclusions indemnitaires tendant au versement de la somme de 6 992,64 euros au titre de la tarification d'un compacteur à déchets sur les années 2016 et 2017 constituent des conclusions nouvelles en appel et n'ont pas été précédées d'une demande préalable destinée à lier le contentieux et, en tout état de cause, la tarification liée à cet équipement a été approuvée par l'autorité préfectorale sur la même période ;
- à titre principal, les conclusions indemnitaires tendant à la restitution de la somme de 28 769,04 euros au titre de la facturation illégale de prestations pour services rendus correspondant à la quote-part due au titre de la prime d'assurances et à la " participation à l'information " constituent une demande nouvelle en appel et, en tout état de cause, la facturation de ses services a été faite sur la base des tarifs approuvés par le préfet et en contrepartie de prestations assurées par ses soins ;
- le tribunal n'était pas tenu de répondre à l'argument tiré du défaut d'approbation de la clause d'indexation par le préfet, cet argument ayant seulement été exposé à l'appui du moyen tiré du caractère excessif de la redevance et il y a, en tout état de cause, parfaitement répondu en jugeant que, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, l'autorité gestionnaire n'avait pas commis d'erreur de droit dans le calcul de la redevance dès lors que le mécanisme d'indexation a été décidé par les parties lors de la conclusion du traité de concession-installation et que cette clause n'a jamais été dénoncée par la société Genedis ;
- la redevance en litige n'est pas manifestement disproportionnée au regard de l'avantage que tire la société Genedis de l'occupation du domaine public dès lors que le juge administratif effectue un contrôle normal sur les éléments pris en compte pour fixer le montant d'une redevance domaniale et un contrôle restreint sur le montant lui-même et que l'absence de stricte équivalence entre une redevance domaniale et les avantages de toute nature tirés de l'occupation d'une dépendance du domaine public n'est pas nécessairement constitutive d'une illégalité ;
- de manière traditionnelle, le montant d'une redevance domaniale mis à la charge de l'occupant peut être fixé au regard de son chiffre d'affaires, des conditions d'exploitation et de rentabilité, de la durée de l'occupation et du bénéfice que lui procure l'occupation privative d'une partie du domaine public ;
- en outre, des considérations d'intérêt général tenant à la nécessité de sauvegarder l'équilibre économique d'un marché d'intérêt national et d'amortir les installations permettent, dans le cadre spécifique d'un tel marché, de déroger au principe d'équivalence entre le montant d'une redevance domaniale et les avantages de toute nature tirés de l'occupation du domaine public sans que soit exigée la preuve d'une situation financière déficitaire du gestionnaire du marché ;
- il n'appartient au juge administratif ni de sanctionner une hausse du tarif des redevances destinée à rétablir l'équilibre économique des comptes du gestionnaire d'un marché d'intérêt national ni de rechercher si cette hausse de tarif est imputable à des erreurs de gestion de la société en charge de ce marché, une telle hausse n'étant pas de nature à ôter aux redevances leur valeur de contrepartie au droit reconnu à l'occupant de jouir de façon privative de l'ensemble des avantages proposés par l'exploitant du marché d'intérêt national ;
- l'occupant privatif d'un bien immobilier situé sur le domaine public ne saurait se prévaloir de la valeur locative d'un bien privé doté de caractéristiques similaires pour contester le montant de la redevance mis à sa charge, cette valeur locative n'étant qu'un critère subsidiaire et indicatif, le seul critère impératif pour la fixation du tarif des redevances domaniales consistant à examiner si leur montant est excessif au regard de l'avantage que le redevable est susceptible de tirer de l'occupation d'une dépendance du domaine public ;
- les postes de dépenses d'un marché d'intérêt national devant s'apprécier de manière globale, l'évaluation du préjudice subi par la société Genedis ne se limite pas à la somme facturée au titre de la redevance d'occupation domaniale mais doit être opérée au regard du montant global payé incluant les redevances pour services rendus ;
- la circonstance que la redevance domaniale mise à la charge de la société Genedis intègre des prestations pour services rendus n'est pas, à elle seule, de nature à établir que son montant est manifestement disproportionné ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la société appelante n'a subi aucun préjudice dès lors qu'elle a, dans le même temps, bénéficié d'une baisse de la facturation du poste relatif aux services rendus ;
- la société appelante ne produit aucun élément susceptible d'établir une rupture d'égalité de traitement entre les titulaires d'occupations du domaine public au sein du marché d'intérêt national de Toulouse dont elle se prévaut alors que des différences de tarification et des discriminations dans le mode de tarification de telles occupations domaniales justifiées par des considérations d'intérêt général sont admises sur de tels marchés ;
- elle n'a procédé à aucune augmentation tarifaire au cours des dernières années, les montant des redevances facturées aux occupants étant restés stables en dépit des investissements substantiels qu'elle a réalisés et la baisse de chiffre d'affaires alléguée par la société appelante n'est pas démontrée ;
- le montant total des sommes facturées à la société appelante a fait l'objet d'une augmentation de seulement 0,62% entre les années 2012 et 2017 tandis qu'elle ne produit aucune indication permettant de justifier le pourcentage d'augmentation dont elle se prévaut ;
- le tribunal n'était pas tenu de porter son appréciation sur la seule augmentation du tarif de la redevance domaniale au regard du tarif fixé en 2001 mais devait, ainsi qu'il l'a fait, contrôler le montant du tarif résultant de cette augmentation au regard des avantages que tire la société Genedis de l'occupation privative du domaine public ;
- en tout état de cause, le traité de concession-installation permet à la société Genedis, si les conditions économiques de son occupation ne lui convenaient pas, de quitter le site dans le respect d'un préavis ;
- la société appelante n'est pas fondée à contester la légalité du mécanisme d'indexation appliqué sur la période 2012-2014 tout en affirmant qu'il a mal été appliqué à partir de l'année 2015 ;
- l'instauration d'un mécanisme d'indexation, sur la base de l'évolution de l'indice du coût de la construction, des redevances domaniales mises à la charge des occupants d'un marché d'intérêt est communément admise, qu'elle soit décidée par le conseil d'administration ou prévue par voie contractuelle et présente un caractère licite dès lors qu'elle n'est pas dépourvue de lien avec l'objet du contrat et l'activité des parties, qu'elle a été librement consentie par les parties et qu'elle a été approuvée par le préfet, les tarifs approuvés par le préfet entre 2012 et 2014 ayant été fixés après application de la clause d'indexation ;
- la société Genedis dénonce, en méconnaissance du principe de loyauté des relations contractuelles, l'indexation de la redevance au titre des années 2012 à 2014 à laquelle elle a pourtant consenti ;
- s'agissant des années 2015 à 2017, les parties ont, d'un commun accord entre le gérant de l'enseigne Promocash et la direction de la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse, décidé de ne plus mettre en œuvre le mécanisme d'indexation prévu par le traité et d'intégrer à la redevance annuelle d'occupation différentes charges facturées jusqu'alors de manière indépendante de sorte que les données produites par la société requérante ne permettent pas d'établir l'existence d'une application erronée de l'indice du coût de la construction sur la période 2015-2017 ;
- il n'est pas contesté qu'à partir de 2015 et en 2016, la redevance d'occupation mise à la charge de la société requérante a fait l'objet d'un forfait intégrant les redevances pour participation à l'information et la surprime assurance et non d'une tarification au mètre carré, après que le gérant de la société Genedis a, en 2015, demandé une simplification de la tarification appliquée et un geste commercial sur le montant total du loyer ; un accord, qui n'a pas été matérialisé par un avenant à la convention d'occupation, a alors été adopté consistant à intégrer, dans la redevance annuelle d'occupation, différentes charges précédemment facturées de manière autonome (surprime assurance, participation à l'information et une partie des charges de la redevance pour services rendus), ce qui a entraîné une baisse significative de la redevance annuelle facturée au titre du loyer ;
- toutefois, quelles que soient les modalités selon lesquelles elles ont été calculées, elle était en droit d'exiger le versement de ces sommes en contrepartie du service rendu ;
- c'est à bon droit que le tribunal a rejeté les prétentions indemnitaires présentées par la société Genedis, l'erreur entachant le mode de calcul des redevances entre 2015 et 2017 n'ayant entraîné aucun préjudice.
Par une ordonnance du 4 août 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 26 septembre 2022 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- l'ordonnance n° 2011-1539 du 16 novembre 2011 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme El Gani-Laclautre,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,
- les observations de Me Samain, représentant la société Genedis et de Me Hue, représentant la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre du projet d'extension du marché d'intérêt national de Toulouse, dont la gestion relève de la commune de Toulouse, à laquelle s'est substituée Toulouse Métropole, la société d'économie mixte à laquelle a été déléguée la gestion de ce marché-gare a, à la demande de la société Genedis, décidé de construire et de mettre à sa disposition, dans l'enceinte du marché, un bâtiment aménagé sur 4 206 m2 sur deux niveaux, un parc de stationnement couvert de 1 200 m2, 111 places de stationnement non couvertes d'une surface totale de 5 406 m2, des voies de circulation et des dégagements pour lui permettre d'exploiter un commerce de libre-service de gros et de demi-gros avec vente sur place de produits alimentaires et, à titre accessoire, de matériel et de mobilier sous l'enseigne " Promocash ". À cette fin, ces deux sociétés ont signé, le 1er juin 1999, un traité de concession-installation définissant, en première partie, leurs droits et obligations quant à la réalisation et à la coordination des travaux nécessaires à l'implantation de l'occupant dans l'enceinte du marché et, en seconde partie, les conditions de l'occupation privative du domaine public. L'article III de la seconde partie de ce traité prévoyait une redevance domaniale de 1 447 740 francs hors taxes, payable trimestriellement, composant la partie R1 de la redevance d'occupation, révisable chaque année au 1er janvier en fonction du dernier indice national du coût de la construction. En complément de cette redevance domaniale, la société Genedis était tenue de verser une redevance correspondant à une quote-part de services assurés par la société gestionnaire du marché, dont le montant est révisable chaque année au 1er janvier en fonction des tarifs fixés par le conseil d'administration de la société gestionnaire et approuvés par arrêté préfectoral.
2. Estimant que le montant de la redevance qu'elle a versée au titre des années 2012 à 2016 était disproportionné au regard des avantages que lui procurait l'occupation privative d'une dépendance du marché d'intérêt national de Toulouse, la société Genedis a présenté, par un courrier du 22 décembre 2016, reçu le 26 suivant, sur lequel la société gestionnaire a gardé le silence, une demande préalable tendant, d'une part, à l'indemnisation du préjudice résultant de la part de redevance domaniale qu'elle estime avoir indûment réglée depuis l'année 2012 et, d'autre part, à la révision des modalités de calcul de la redevance d'occupation du domaine public. La société Genedis relève appel du jugement du 12 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant principalement à la condamnation de la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse à lui verser la somme globale de 682 350,13 euros correspondant à un trop-versé des redevances mises à sa charge entre les années 2012 à 2017 au titre de l'occupation du domaine public.
Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :
3. Les conclusions tendant, d'une part, à la condamnation de la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse à verser à la société Genedis la somme de 6 992,64 euros au titre de la facturation d'un compacteur à déchets sur les années 2016 et 2017, et d'autre part, à la restitution de la somme de 28 769,04 euros au titre de la facturation illégale de prestations pour services rendus correspondant à la quote-part due au titre de la prime d'assurances et à la " participation à l'information " qui n'ont pas été soumises aux premiers juges et n'ont, en tout état de cause, pas été précédées d'une décision expresse ou implicite née d'une demande préalable destinée à lier le contentieux, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et sont, par suite, irrecevables.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments soulevés par les parties, a cité les textes dont il a fait application et précisé les motifs de fait et de droit retenus pour écarter les causes juridiques, invoquées par la société appelante tirées, d'une part, de l'illégalité fautive de la clause d'indexation prévue par le traité de concession-installation, d'autre part, de l'existence d'une rupture d'égalité de traitement entre les occupants du marché d'intérêt national de Toulouse dans la fixation des redevances domaniales mises à leur charge et, enfin, de l'illégalité fautive entachant les bases de calcul de la redevance domaniale et le montant des redevances domaniales en litige au regard des avantages que tire la société Genedis de l'occupation privative d'une dépendance de ce marché. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation du jugement attaqué doit être écarté.
5. En second lieu, la société Genedis soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, d'erreurs de fait et droit et d'une dénaturation des pièces du dossier. Toutefois, de tels moyens, qui ne tendent pas à remettre en cause la régularité de la décision attaquée mais le raisonnement adopté par les premiers juges et qui, se rattachent, dès lors, au bien-fondé du jugement attaqué sont, par suite, sans incidence sur la régularité du jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable au litige :
6. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 [collectivités territoriales] ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous (...) ". Aux termes de l'article L. 2123-1 du même code : " Les personnes publiques mentionnées à l'article L. 1 gèrent ou font gérer leur domaine public, dans les conditions fixées par les lois et les règlements en vigueur ". L'article L. 2125-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique (...) donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Et l'article L. 2125-3 de ce code précise que : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".
7. Il résulte de la combinaison de ces dispositions, d'une part, que l'occupation ou l'utilisation du domaine public n'est soumise à la délivrance d'une autorisation que lorsqu'elle constitue un usage privatif de ce domaine public, excédant le droit d'usage appartenant à tous, d'autre part, que lorsqu'une telle autorisation est donnée par la personne publique gestionnaire du domaine public concerné, la redevance d'occupation ou d'utilisation du domaine public constitue la contrepartie du droit d'occupation ou d'utilisation privative ainsi accordé.
8. Toute occupation privative du domaine public est subordonnée à la délivrance d'une autorisation et au paiement d'une redevance. Il appartient à l'autorité chargée de la gestion du domaine public, en l'absence de dispositions contraires, de fixer les conditions de délivrance des permissions d'occupation et, à ce titre, de déterminer le tarif des redevances en tenant compte des avantages de toute nature que le permissionnaire est susceptible de retirer de l'occupation du domaine public. Ces règles trouvent à s'appliquer, même en l'absence de toute réglementation particulière, au concessionnaire autorisé à délivrer des permissions d'occupation sur le domaine public dont l'exploitation lui est concédée.
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 761-1 du code du commerce : " Les marchés d'intérêt national sont des services publics de gestion de marchés offrant à des grossistes et à des producteurs des services de gestion collective adaptés aux caractéristiques de certains produits agricoles et alimentaires. (...) Ces marchés peuvent être implantés sur le domaine public ou le domaine privé d'une ou plusieurs personnes morales de droit public ou sur des immeubles appartenant à des personnes privées. (...) ". En vertu de l'article L. 761-2 du même code, à l'exception des marchés d'intérêt national dont l'État assure lui-même la gestion, la gestion de ces marchés est assurée par la commune sur le territoire de laquelle le marché est implanté ou par le groupement de communes intéressé, en régie ou par la désignation d'une personne morale publique ou privée. L'article R. 761-16 de ce code dispose également que : " Les usagers du marché sont notamment tenus aux obligations suivantes : / 1° Se conformer aux dispositions du règlement intérieur du marché ainsi qu'aux textes législatifs et réglementaires applicables à leurs activités ; / 2° Ne pas nuire à l'image et à la notoriété du marché ; / 3° Respecter leurs obligations contractuelles envers le gestionnaire ; / 4° Acquitter les redevances et contributions de toute nature perçues par le gestionnaire ".
10. Aux termes de l'article R. 761-4 du code de commerce : " Le tarif des redevances ou contributions de toute nature perçues par le gestionnaire est établi soit par le conseil d'administration, soit par l'organe délibérant qui en tient lieu. Le gestionnaire porte ce tarif à la connaissance des usagers ". Aux termes de l'article L. 761-3 alinéa 1er du même code de commerce relatif aux marchés d'intérêt national : " Le tarif des redevances perçues auprès des titulaires d'autorisation d'occupation ou des autres formes de contribution des usagers du marché à son fonctionnement est établi par le gestionnaire et approuvé par le préfet. Le gestionnaire du marché présente un compte de résultat prévisionnel permettant de faire face à l'ensemble de ses obligations sociales, financières et sanitaires établies ou prévisibles. Si l'exploitation financière d'un marché présente ou laisse prévoir un déséquilibre grave, les ministres de tutelle peuvent, après avoir conseillé le gestionnaire et, le cas échéant, les collectivités publiques qui ont garanti les emprunts, relever d'office les redevances existantes, créer des recettes nouvelles, réduire les dépenses et, d'une manière générale, prendre toutes dispositions propres à rétablir l'équilibre ".
11. Il résulte de ces dispositions que les redevances dues par les titulaires d'autorisation d'occupation dans un marché d'intérêt national n'ont, en principe, pas de caractère contractuel et qu'il appartient au gestionnaire du domaine public de tutelle de prendre toutes dispositions propres à prévenir l'apparition d'un déséquilibre financier, le juge de l'excès de pouvoir exerçant un contrôle restreint sur la correspondance entre le montant des redevances mises à la charge des titulaires de droits d'occupation dans les marchés d'intérêt national et les emplacements occupés.
En ce qui concerne l'illégalité fautive entachant les redevances appliquées au titre des années 2012 à 2014 :
S'agissant de l'illégalité fautive entachant les arrêtés préfectoraux fixant les tarifs d'occupation des locaux du marché d'intérêt national de Toulouse :
12. En se bornant à soutenir que les redevances en litige seraient illégales en raison de l'illégalité des " éventuels " arrêtés du préfet de la Haute-Garonne fixant les tarifs d'occupation des locaux du marché d'intérêt national de Toulouse, la société appelante n'assortit pas ce moyen des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
S'agissant de l'illégalité fautive résultant de l'application d'un mécanisme d'indexation dans la base de calcul de la redevance entre 2012 et 2014 :
13. Il résulte de l'instruction, en particulier de l'article III de la seconde partie du traité de concession-installation qu'elle a conclu le 1er juin 1999, pour une durée équivalente à la celle de la concession initialement conclue entre la commune de Toulouse et la société d'économie mixte du marché-gare d'intérêt national de Toulouse, que la société Genedis est redevable de deux séries de redevances au titre de l'occupation privative de locaux pour y exercer son activité de commerce de gros et demi-gros avec vente sur place de tous produits alimentaires et, à titre accessoire, de matériel et de mobilier. D'une part, la société Genedis est tenue au paiement d'une redevance dite " d'occupation ", fixée annuellement à la somme de 1 447 740 francs hors taxes, soit 220 706,52 euros hors taxes, calculée, après application d'un prix unitaire par mètre carré, à la ventilation des locaux qu'elle occupe en surface hors œuvre nette, surface hors œuvre brute et emprise au sol. Selon ces mêmes stipulations, cette redevance est révisable chaque année au premier janvier en fonction du dernier indice national du coût de la construction publié au Journal officiel de la République française suivant la formule de calcul suivante : R = Ro x (I/Io), R correspondant à la redevance actualisée, Ro à la redevance avant actualisation, I au dernier indice publié à la date d'actualisation et Io à l'indice de base. D'autre part, la société occupante est tenue au règlement d'une redevance fixée de manière forfaitaire à la somme de 120 000 francs hors taxes, soit 18 293,88 euros hors taxes, au titre des services assurés par la société gestionnaire du marché comprenant, notamment, le remboursement des frais de gardiennage, nettoyage entretien des espaces verts, éclairage, suivi des installations hors des permanences des jours fériés en fonction de la quote-part afférente aux locaux qu'elle occupe. Cette redevance est révisable chaque année au 1er janvier en fonction des tarifs fixés par le conseil d'administration du marché d'intérêt national de Toulouse et approuvés par arrêté préfectoral. Enfin, s'agissant de l'enlèvement des déchets, la convention prévoit qu'il est fait application des tarifs du marché d'intérêt national de Toulouse.
14. Aux termes de l'article IX " Assurances " du traité de concession-installation précité, la société gestionnaire a souscrit un contrat d'assurance destiné à garantir les risques locatifs dont bénéficient directement les occupants du marché, les assureurs renonçant ainsi à tout recours contre ces derniers. En contrepartie de cette renonciation, qui donne lieu au versement d'une surprime d'assurance par la société gestionnaire, chaque occupant est tenu de rembourser à une quote-part de cette surprime d'assurance. Enfin, il résulte également de l'instruction que les occupants sont tenus de verser une redevance complémentaire correspondant à une quote-part des frais de communication engagés par la société gestionnaire et dont bénéficient les usagers du marché d'intérêt national de Toulouse.
15. Il résulte de l'instruction qu'au titre des années 2012 à 2014, la société Genedis a versé une redevance domaniale de base d'un montant total annuel s'élevant respectivement à 322 825,68 euros, 337 624,92 euros et 331 757,04 euros tandis qu'elle a respectivement réglé, sur la même période, d'une part, les sommes de 26 313,48 euros, 27 102,84 euros et 27 780,48 euros au titre de la redevance pour services rendus, d'autre part, les sommes de 5 602,44 euros, 5 753,76 euros et 5 905,20 euros au titre de la participation pour l'information et, enfin, les sommes de 2 977,80 euros, 3 078,84 euros et 3 179,76 euros au titre de la surprime d'assurance.
16. La société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse soutient, sans être sérieusement contredite sur ce point, que la redevance dite d'occupation mise à la charge de la société Genedis a été calculée en appliquant au montant de base prévu par le traité de concession-installation conclu le 1er juin 2009, une clause d'indexation calculée à partir de l'évolution de l'indice national du coût de la construction, prévue par l'article III de la seconde partie du même traité, et que cette redevance, ainsi indexée, a été approuvée par le préfet de la Haute-Garonne dans le cadre des arrêtés approuvant, pour les années 2012 à 2014, les nouveaux tarifs d'occupation des locaux et d'utilisation des équipements du marché d'intérêt national de Toulouse. Sur ce point, il résulte de l'instruction que les arrêtés par lesquels le préfet de la Haute-Garonne a approuvé les tarifs d'occupation des locaux et d'utilisation des équipements du marché d'intérêt national de Toulouse édictés au titre des années 2012 et 2013 comportent la mention " INSEE ", laquelle implique implicitement mais nécessairement que le recours à un mécanisme d'indexation en lien avec l'indice INSEE du coût de la construction, ainsi prévu par la convention d'occupation du domaine public, a été approuvé, en son principe, par l'autorité préfectorale.
17. Dans ces conditions et tandis que le mécanisme d'indexation en litige est en relation directe avec l'activité de gestion du domaine public déléguée à l'intimée et qu'il se justifie pleinement par les obligations pesant sur le gestionnaire de prendre toutes dispositions propres à prévenir un déséquilibre financier, la société Genedis, qui a d'ailleurs expressément consenti, dans le cadre du traité de concession-installation qu'elle a conclu le 1er juin 1999, à ce que la redevance domaniale soit actualisée en fonction de l'évolution de l'indice du coût de la construction, n'est pas fondée à soutenir que cette clause d'indexation est illégale et doit être réputée non écrite. Par suite, la société Genedis n'est pas fondée à soutenir que les bases de calcul des redevances en litige sont entachées d'une erreur de droit au regard de leur indexation sur l'évolution de l'indice du coût de la construction.
S'agissant du caractère disproportionné du montant des redevances appliquées entre 2012 et 2014 :
18. La société Genedis soutient que les redevances mises à sa charge au titre de la période en litige sont totalement disproportionnées par rapport aux avantages qu'elle tire de l'occupation privative du domaine public. Cette disproportion serait établie par la dégradation des conditions d'occupation du marché d'intérêt national de Toulouse, l'insuffisance du niveau de services proposés, conduisant à un taux d'occupation de l'ordre seulement 80 %, la situation actuelle du marché locatif à Toulouse, l'état du bâtiment, la baisse de son chiffre d'affaires sur la même période et, enfin, la résiliation anticipée du contrat confiant la gestion de ce marché à l'intimée en raison d'erreurs de gestion à l'origine d'une baisse d'attractivité. Elle ajoute que la valeur locative des locaux qu'elle occupe a été expertisée par un cabinet mandaté par ses soins à la somme de 268 000 euros hors taxes, sans tenir compte du caractère précaire et révocable de l'autorisation d'occupation du domaine public de nature à minorer cette évaluation.
19. Toutefois, par ces seules allégations, qui, de plus, ne tiennent pas compte de la spécificité de son implantation au sein d'un marché d'intérêt national, la société appelante ne produit aucun élément précis et circonstancié de nature à démontrer que le montant des redevances d'occupation, qu'il soit calculé au regard de la contenance et de la nature des locaux occupés ou de manière forfaitaire, serait excessif au regard des avantages qu'elle tire de l'exploitation commerciale des locaux qu'elle occupe, le contrôle du juge ne portant pas sur la seule augmentation de la redevance domaniale mais sur le caractère proportionné du montant de la redevance au regard des avantages de toute nature résultant de cette occupation sans qu'il soit exigé une stricte équivalence entre le montant de la redevance et de tels avantages. Or, sur ce point, il résulte de l'instruction, ainsi que l'ont pertinemment retenu les premiers juges, d'une part, que les dépendances domaniales en litige ont été spécialement construites à la demande de la société Genedis, ce qui implique d'amortir leur coût dans le temps indépendamment de l'acquittement d'un droit de première accession, d'autre part, que cette société occupe la deuxième plus grande surface au sein du marché d'intérêt national de Toulouse et, enfin, qu'elle dispose d'aménagements privilégiés comprenant une surface " libre-service ", une réserve de 4 206 mètres carrés au rez-de-chaussée, une surface de 1 200 mètres carrés couverte à usage de stationnement, directement accessible via la passerelle située au premier étage, 111 autres places privatives de stationnement non-couvertes d'une surface totale de 5 406 mètres carrés ainsi que deux quais de chargement.
20. En outre, il résulte de l'article L. 761-9 du code de commerce que le droit d'occupation privative d'emplacement dont dispose un commerçant établi dans l'enceinte d'un marché d'intérêt national est susceptible d'être compris dans le nantissement de son fonds de commerce tandis que, en vertu de l'article R. 761-24 du même code, le titulaire d'une autorisation d'occupation exclusive dispose d'un droit de présentation personnel, qui s'étend, en cas de décès, à ses ayants-droit lesquels peuvent en faire usage au bénéfice de l'un d'eux, lui permettant, lorsqu'il exerce son activité sur le marché depuis trois ans au moins, de présenter au gestionnaire un successeur qui sera subrogé dans ses droits et ses obligations. Il en résulte que la concession de locaux au sein d'un marché d'intérêt national emporte l'attribution au concessionnaire d'un droit de présentation de son successeur qui est opposable au concédant et peut donner lieu à une contrepartie financière. Bien que les locaux compris dans l'enceinte du marché d'intérêt national de Toulouse fassent partie du domaine public et que les autorisations de les occuper présentent nécessairement un caractère précaire, les conditions dans lesquelles ces autorisations sont accordées et transmises, qui comportent, notamment le droit de présenter un successeur, en font un élément du patrimoine de l'entreprise qui en est titulaire et entrent en conséquence dans son actif immobilisé.
21. En l'espèce, conformément à ces dispositions, l'article X de la seconde partie du traité de concession-installation, intitulé " transmission de l'autorisation ", confère à la société Genedis, après trois ans d'activité et sous réserve de l'agrément de la société gestionnaire, le droit de céder son autorisation d'occupation domaniale à un successeur qui reprendra les ouvrages, constructions et installations pour continuer la même activité ou exercer une activité compatible avec la destination des lieux, la société gestionnaire ne pouvant refuser à la personne présentée comme successeur l'autorisation de s'établir à titre privatif dans un emplacement du marché. Par suite, la seule estimation de la valeur locative des locaux en litige au regard de surfaces commerciales équivalentes dont se prévaut la société appelante n'est pas pertinente pour apprécier la réalité de l'ensemble des avantages à caractère financier et personnel que lui procure l'occupation privative d'importantes dépendances du domaine public du marché d'intérêt national de Toulouse.
22. En tout état de cause et indépendamment des difficultés de gestion rencontrées par la société gestionnaire du marché d'intérêt national de Toulouse ayant conduit à la résiliation du contrat de délégation de service public la liant à Toulouse Métropole venant aux droits de la commune de Toulouse, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 761-3 du code de commerce que le gestionnaire d'un marché d'intérêt national est tenu de présenter un compte de résultat prévisionnel permettant de faire face à l'ensemble de ses obligations de sorte que la nécessaire sauvegarde de l'équilibre économique d'un marché d'intérêt national constitue, dans les circonstances particulières de l'occupation privative d'une dépendance située dans l'enceinte d'un marché d'intérêt national, une considération d'intérêt général permettant, après mise en demeure du gestionnaire, de déroger au principe de proportionnalité entre le montant de la redevance et les avantages de toute nature tirés de l'occupation du domaine public, les autorités de tutelle pouvant légalement, en vertu de ces mêmes dispositions, procéder au relèvement d'office des redevances domaniales approuvées par voie d'arrêté préfectoral pour rétablir l'équilibre financier d'un tel marché. Dans ces conditions, la société Genedis n'est pas fondée à soutenir que le montant des redevances en litige serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des avantages que lui procure l'occupation privative des dépendances en cause.
S'agissant de l'atteinte au principe d'égalité :
23. Le respect du principe d'égalité entre les titulaires d'emplacements et de locaux privatifs au sein d'un marché d'intérêt national, lesquels constituent des usagers de ce marché en application de l'article R. 761-14 du code de commerce, ne s'oppose pas à l'institution de différences dans le montant des redevances d'occupation mises à leur charge pourvu que les discriminations ainsi établies dans le mode de tarification adopté soient justifiées par des considérations d'intérêt général pouvant reposer, notamment, sur la nécessité d'amortir les installations et d'assurer le bon fonctionnement du marché d'intérêt national et qu'elles soient adaptées, dans leur ampleur et leurs modalités, aux différences objectives de situation des différents usagers concernés.
24. Il est constant que les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne approuvant les tarifs d'occupation des locaux et d'utilisation des équipements du marché d'intérêt national de Toulouse prévoient des montants de redevance différenciés selon la nature des locaux mis à la disposition des occupants. Toutefois, ces différences de tarifs peuvent être justifiées par la nature et les caractéristiques particulières des locaux mis à la disposition de la société Genedis, lesquels occupent, avec une contenance de 10 142 mètres carrés, la deuxième grande surface développée hors œuvre de ce marché contre des superficies comprises entre 1 062 et 7 700 mètres carrés pour les autres bâtiments tandis qu'ils se composent de locaux de plusieurs types et qu'ils ont été spécialement construits pour les besoins de son commerce de libre-service de gros et de demi-gros avec vente sur place de produits alimentaires et, à titre accessoire, de matériel et de mobilier. Par suite, les discriminations ainsi établies dans le mode de tarification de la redevance domaniale doivent être regardées comme justifiées par des considérations d'intérêt général tenant, notamment, à la nécessité d'amortir les installations du marché d'intérêt national de Toulouse et comme adaptées dans leur ampleur et leurs modalités à la différence objective de situation dans laquelle se trouve la société appelante au regard des autres usagers du marché. Pour sa part, la société Genedis ne produit aucun élément pertinent de nature à remettre le caractère privilégié et l'attractivité commerciale des dépendances domaniales qu'elle occupe de manière exclusive pas plus qu'elle ne démontre que les redevances en litige présenteraient un caractère manifestement disproportionné au regard des avantages qu'elle tire de ces locaux. Par suite, les conclusions à fin d'indemnisation présentées par la société appelante au titre des redevances en litige doivent être rejetées.
En ce qui concerne les redevances domaniales dues à compter de l'année 2015 :
25. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à compter de l'année 2015, à la suite d'un geste commercial convenu entre les parties, mais non formalisé par un avenant, motivé, selon les affirmations non contestées de la société gestionnaire, par le souhait de la société Genedis d'obtenir une remise sur le montant de la redevance et de simplifier ses modalités de calcul, la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse a fixé la redevance d'occupation due par la société Genedis de manière forfaitaire de sorte qu'à compter de cette date, il n'a plus été fait application de la méthode de calcul précédemment évoquée portant sur une tarification au mètre carré en fonction de la nature des locaux occupés. Il résulte de l'instruction que la méthode de calcul, détaillée dans le traité de concession-installation précité consistant à appliquer un tarif différencié au titre de la surface hors œuvre nette (SHON) et de la surface hors œuvre brute (SHOB) a été remplacée par la notion unique de " surface de plancher " instituée par l'ordonnance du 16 novembre 2011 relative à la définition des surfaces de plancher prises en compte dans le droit de l'urbanisme, de sorte que la société gestionnaire n'a pas entaché ses décisions d'une erreur de droit en substituant la notion de " surface de plancher " à celles de SHON et de SHOB dans la base de calcul des redevances dues à compter de l'année 2015.
26. En second lieu, il résulte de l'instruction qu'à partir de l'année 2015, répondant ainsi au souhait de simplification formulé par la société Genedis, la société gestionnaire a intégré au montant de la redevance domaniale la redevance pour participation à l'information et la redevance relative à la surprime d'assurance, lesquelles constituent des redevances pour services rendus et non des redevances domaniales, ce qui a conduit à augmenter la part liée à la redevance due au titre de l'occupation domaniale. Cet arrangement commercial a ainsi eu pour effet de porter la redevance domaniale annuellement versée par la société appelante au titre des années 2015 et 2016-2017 aux sommes respectives de 336 819,36 euros et 338 781,12 euros et, corrélativement, de réduire le montant de la redevance pour services rendus due sur la même période aux sommes respectives de 20 693,52 euros et 21 198,24 euros tandis que la société Genedis a été totalement dispensée du règlement de sa quote-part au titre de la participation à l'information et à l'ajustement de la prime d'assurance. Il en résulte que les bases de calcul de la redevance appliquée à partir de 2015 ne sauraient être regardées comme représentatives des avantages retirés par le bénéficiaire du seul fait de l'occupation du domaine public, les éléments relatifs aux charges éventuelles liées, pour le gestionnaire du domaine, à sa mise à disposition pour des occupations privatives ne pouvant légalement entrer dans les critères de définition du tarif d'une redevance pour occupation du domaine public. Par suite, eu égard aux modalités de fixation des tarifs d'occupation des locaux et d'utilisation des équipements du marché d'intérêt national de Toulouse lesquelles comportent des redevances pour occupation du domaine public distinctes des redevances pour services rendus obéissant à des régimes distincts, la société gestionnaire ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, intégrer, dans la base de calcul des redevances domaniales exigées à compter de l'année 2015, des charges correspondant à des services rendus.
27. Toutefois, il résulte de l'instruction que ce mode de tarification, ainsi convenu entre les parties, a été validé par l'autorité préfectorale, ainsi que cela ressort des grilles tarifaires approuvées pour les années 2015, 2016 et 2017 par les arrêtés du préfet de la Haute-Garonne du 31 décembre 2014, du 18 décembre 2015 et du 20 décembre 2016 régulièrement publiés au recueil des actes administratifs de la préfecture et devenus définitifs, lesquels mentionnent respectivement une redevance forfaitaire mensuelle de 24 282,88 euros pour 2015 et 24 404,30 euros pour 2016 et 2017, tandis que la société Genedis, qui se borne à se prévaloir de cette illégalité alors qu'elle était, en tout état de cause, tenue de verser une redevance pour services rendus, n'établit pas la réalité du préjudice qu'elle invoque, la société gestionnaire démontrant, au contraire, que cette nouvelle tarification a permis à la société appelante de réaliser des économies substantielles et entraîné, corrélativement, un manque à gagner dans la gestion du marché.
28. En troisième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 18 à 24, il ne résulte pas de l'instruction que le montant des redevances ainsi calculées en intégrant une part de redevances pour services rendus porterait atteinte au principe d'égalité et serait manifestement disproportionné au regard, d'une part, de la situation objectivement différente dans laquelle se trouve la société appelante ainsi qu'il a été dit et, d'autre part, des nombreux avantages, rappelés aux points 19 à 21, que l'occupation privative de locaux procure à la société Genedis, laquelle se borne à contester l'intégration de montants correspondant à la redevance pour services rendus dans le montant de la redevance domaniale sans pour autant établir que le montant global de redevance en résultant serait manifestement disproportionné au regard des avantages qu'elle tire de l'occupation privative de locaux ni reconnaître qu'elle a obtenu un arrangement commercial lui permettant de contourner les règles de fixation de la redevance domaniale dont elle devait s'acquitter.
29. Le préjudice allégué n'étant pas établi, la société Genedis n'est pas fondée à se plaindre de ce que le montant de la redevance domaniale mise à sa charge à partir de l'année 2015 au titre de l'occupation privative des locaux du marché d'intérêt national de Toulouse serait entaché d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la société gestionnaire alors même qu'elle a consenti à l'application d'une redevance forfaitaire à compter de l'année 2015 et que celle-ci a eu pour effet de baisser le montant global des redevances, qu'elles soient domaniales ou pour services rendus, mises à sa charge à compter de la même année.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnisation présentées à titre subsidiaire tenant à l'application d'un mécanisme d'indexation entre 2012 et 2018 :
30. La société Genedis demande à la cour, à titre subsidiaire, de condamner la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse à lui verser une somme de 330 088,09 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'application d'une clause d'indexation illégale, calculée à partir de l'indice national du coût de la construction, sur le montant de la redevance facturée pour les années 2012 à 2014 ou, à défaut, à supposer cette clause applicable, une somme de 31 494 euros au titre de l'erreur de calcul commise dans sa mise en œuvre entre 2012 et 2018.
31. D'une part, ainsi qu'il a été dit précédemment, la société gestionnaire du marché d'intérêt national de Toulouse n'a pas entaché sa décision d'une erreur de droit en appliquant une redevance domaniale indexée sur l'évolution de l'indice du coût de la construction entre les années 2012 et 2014 tandis qu'il ne résulte pas de l'instruction que cette indexation serait entachée d'une erreur de calcul, les éléments produits par la société appelante ne permettant pas d'établir avec certitude une telle erreur.
32. D'autre part, il résulte de l'instruction qu'à partir de l'année 2015, la société gestionnaire a cessé de faire application d'une redevance domaniale assortie d'un mécanisme d'indexation. Dans ces conditions, ainsi que l'ont pertinemment retenu les premiers juges, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que le mécanisme d'indexation en litige aurait fait l'objet d'une mauvaise application au titre des redevances domaniales dues pour les années 2015 à 2018, les conclusions présentées au titre des années 2017 et 2018 présentant, en tout état de cause, un caractère nouveau en appel et n'ayant pas été précédées d'une demande préalable destinée à lier le contentieux.
33. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de soulever d'office l'irrecevabilité des conclusions à fin d'indemnisation portant sur les redevances domaniales appliquées à compter de l'année 2017, et en l'absence d'illégalité fautive commise par la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse de nature à engager sa responsabilité dans la fixation des redevances domaniales dues au titre de l'occupation privatives de dépendances de ce marché, la société Genedis n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
34. Il résulte de l'instruction que par une délibération n° DEL-16-0290 du 14 avril 2016, le conseil de la métropole Toulouse Métropole a résilié à compter du 1er avril 2017, le contrat de concession confiant la gestion du marché d'intérêt national de Toulouse à la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse. Par une autre délibération n° DEL-17-0302, l'autorité délégante a approuvé le choix de déléguer l'exploitation de ce marché, à compter du 1er juillet 2017 pour une durée de vingt-deux ans, au groupement LUMIN', composé de la société d'économie mixte d'aménagement et de gestion du marché d'intérêt national de Rungis (SEMMARIS), de la société La Poste, de la société La Poste Immo et de la Caisse d'épargne Midi-Pyrénées. Dans ces conditions, ainsi que le soutient la société intimée, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Genedis tendant à ce qu'il soit enjoint à la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse de réviser les modalités de fixation de la redevance domaniale sont mal dirigées et ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
35. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Genedis demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
36. Il y a lieu de mettre à la charge de la société Genedis une somme de 1 500 euros à verser à la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1 : La requête de la société Genedis est rejetée.
Article 2 : La société Genedis versera à la société d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Genedis et à la société anonyme d'économie mixte du marché d'intérêt national de Toulouse.
Copie en sera adressée pour information à Toulouse Métropole.
Délibéré après l'audience du 14 février 2023, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mars 2023.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL20194