Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Etat à lui verser, sur le fondement des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, à titre de provision, une somme de 47 380 euros en réparation des préjudices résultant de la rechute de son accident de travail du 30 août 2019 reconnu imputable au service, et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n°2206703 du 17 janvier 2023, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 janvier 2023 et le 29 mars 2023, M. B... A..., représenté par Me Betrom, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 17 janvier 2023 ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 47 380 euros à titre de provision ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande de provision au motif qu'aucun lien direct et certain ne serait établi entre le syndrome anxiodépressif dont il est atteint et l'accident du 30 août 2019 ;
- la créance n'est pas sérieusement contestable dès lors que, victime le 30 mars 2021 d'une rechute de l'accident de service du 30 août 2019, son taux d'incapacité permanente partielle (IPP) a été fixé à 23% par l'expert mandaté par l'administration ;
- eu égard à son âge au moment de la fixation du taux d'IPP, il est en droit de demander la somme de 47 380 euros en application du barème Mornet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 mars 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que l'ordonnance doit être confirmée et que les moyens ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 avril 2023, la date de clôture de l'instruction de l'affaire a été fixée au 10 mai 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., surveillant pénitentiaire en fonction à la maison d'arrêt de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) a été victime, le 30 août 2019, d'une agression physique de la part d'un détenu, qui a été reconnue imputable au service par une décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse, le 24 septembre 2020. Le 30 mars 2021, M. A... a déclaré une rechute de son accident de service du 30 août 2019. Par un courrier du 20 octobre 2022, l'intéressé a formé auprès du garde des sceaux, ministre de la justice, une réclamation préalable indemnitaire restée sans réponse. M. A... a alors demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montpellier, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner l'Etat à lui verser une provision d'un montant de 47 380 euros en réparation des préjudices découlant de la rechute de son accident. M. A... relève appel de l'ordonnance du 17 janvier 2023 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur la demande de provision :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie ". Il résulte de ces dispositions que pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état. Dans l'hypothèse où l'évaluation du montant de la provision résultant de cette obligation est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision, le cas échéant assortie d'une garantie, que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant.
3. D'autre part, les dispositions qui instituent, en faveur des fonctionnaires victimes d'accidents de service ou de maladies professionnelles, une rente d'invalidité en cas de mise à la retraite et une allocation temporaire d'invalidité en cas de maintien en activité, déterminent forfaitairement la réparation à laquelle les intéressés peuvent prétendre, au titre des conséquences patrimoniales de l'atteinte à l'intégrité physique, dans le cadre de l'obligation qui incombe aux collectivités publiques de garantir leurs agents contre les risques qu'ils peuvent courir dans l'exercice de leurs fonctions. Elles ne font, en revanche, obstacle ni à ce que le fonctionnaire qui a enduré, du fait de l'accident ou de la maladie, des dommages ne revêtant pas un caractère patrimonial, tels que des souffrances physiques ou morales, un préjudice esthétique ou d'agrément ou des troubles dans les conditions d'existence, obtienne de la collectivité qui l'emploie, même en l'absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu'une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l'ensemble du dommage soit engagée contre la collectivité, dans le cas notamment où l'accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette collectivité ou à l'état d'un ouvrage public dont l'entretien lui incomberait.
S'agissant de l'obligation non sérieusement contestable :
4. Il résulte du rapport d'expertise médicale établi le 14 octobre 2022 par le docteur C... et de l'avis du conseil médical départemental émis le 21 mars 2023 que M. A..., dont l'état a été consolidé au 14 octobre 2022, présente un syndrome anxiodépressif et un état de stress post-traumatique suite à la rechute le 30 mars 2021 d'un état antérieur lié à son accident de travail survenu le 30 août 2019. Il reste atteint, du fait de cette rechute imputable au service, d'une incapacité permanente partielle de 25% dont 2% proviennent d'un état antérieur. Ce déficit fonctionnel est en lien direct avec son accident et constitue, en lui-même un préjudice extrapatrimonial au nombre de ceux qui ouvrent droit à indemnisation, quel que soit le fondement sur lequel la responsabilité de l'administration est engagée. Dans ces conditions, le taux de déficit fonctionnel permanent relatif aux séquelles directes et certaines de la rechute de l'accident de service du 30 août 2019 dont M. A... reste atteint postérieurement à la date de consolidation, évalué à 23% par le médecin expert et qui possède un caractère non sérieusement contestable, est susceptible de faire l'objet d'une provision.
Sur le montant de la provision :
5. Eu égard à la situation du requérant, âgé de 54 ans à la date de la consolidation, de son état de santé, au taux d'incapacité fixé à 23% par le médecin expert, et au caractère simplement indicatif du barème Mornet, il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en fixant sa réparation à hauteur de 39 279 euros. Il suit de là qu'en l'état de l'instruction la créance dont se prévaut M. A... à l'encontre de l'Etat présente un caractère non sérieusement contestable à hauteur de 39 279 euros. Il y a lieu de condamner l'Etat à lui verser une provision de ce montant.
6. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à M. A... d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
ORDONNE :
Article 1er : L'ordonnance n°2206703 du 17 janvier 2023 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier est annulée.
Article 2 : L'Etat est condamné à verser à M. A... une provision de 39 279 euros.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... A... une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Fait à Toulouse, le 21 août 2023.
La juge d'appel des référés,
A. Geslan-Demaret
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
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N°23TL00192