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30/01/2024 | FRANCE | N°23TL00324

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 30 janvier 2024, 23TL00324


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux demandes distinctes, l'annulation de la décision implicite de rejet par le préfet de la Haute-Garonne de sa demande de titre de séjour présentée le 22 mars 2021 et de l'arrêté du 16 novembre 2021 par lequel cette même autorité a rejeté de façon expresse sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesu

re d'éloignement.

Par un jugement n°s 2104093 et 2106788 du 6 janvier 2023, le tri...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par deux demandes distinctes, l'annulation de la décision implicite de rejet par le préfet de la Haute-Garonne de sa demande de titre de séjour présentée le 22 mars 2021 et de l'arrêté du 16 novembre 2021 par lequel cette même autorité a rejeté de façon expresse sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n°s 2104093 et 2106788 du 6 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulouse a joint les deux demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour :

Par une requête du 6 février 2023, M. B..., représenté par Me Amalric-Zermati, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 janvier 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet par le préfet de la Haute-Garonne de sa demande de titre de séjour présentée le 22 mars 2021 et de l'arrêté du 16 novembre 2021 par lequel cette même autorité a rejeté de façon expresse sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et de procéder au réexamen de sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du second alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ou à défaut d'aide juridictionnelle, de verser la somme de 1 200 euros à son profit sur le fondement des dispositions du seul article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les décisions de refus de séjour sont entachées d'une erreur de droit au regard de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988;

- les décisions de refus de séjour sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où il vit en résidence en France depuis qu'il y est arrivé en 2009, et qu'il produit pour chaque année de présence en France, des documents médicaux, des documents administratifs, des relevés de compte, des factures, bulletins de salaire, promesses d'embauche et contrat de travail ;

-il peut se prévaloir de la circulaire dite " circulaire Valls ", du 28 novembre 2012 relative à la régularisation au séjour au titre du travail ainsi que du projet de loi relative à l'immigration déposé au Sénat ;

-il a obtenu en Tunisie un diplôme de technicien supérieur en logistique de distribution ;

- il a travaillé, en 2018, pour une société qui ne lui a jamais signé le contrat de travail promis et a été victime, en mars 2019, d'un accident du travail, et souffre depuis d'un tassement de vertèbre ;

- les décisions de refus de séjour portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du fait qu'il a noué en France des liens personnels et familiaux, qui sont anciens, intenses et stables.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du président du bureau d'aide juridictionnelle de Toulouse en date du 26 janvier 2024.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juin 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête de M. B....

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, en matière de séjour et de travail ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant tunisien né le 7 juillet 1986 et entré en France irrégulièrement, selon lui, dans le courant de l'année 2009, a sollicité, le 22 mars 2021, son admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié, qui lui a été refusée par une décision implicite du préfet de la Haute-Garonne, puis par une décision expresse de rejet de la même autorité du 16 novembre 2021 portant également obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours.

2. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 6 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande en annulation de ces deux décisions.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la légalité interne :

3. En premier lieu, en vertu de l'article 3 de l'accord franco-tunisien : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention " salarié " ". Le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008, stipule, à son point 2.3.3, que : " Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 modifié est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'annexe I du présent protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi (....) ". Selon l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 précité : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : 1° Un visa de long séjour ; 2° Un visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 ou L. 421-13 à L. 421-24, ou aux articles L. 421-26 et L. 421-28 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an ; (...) ".

4. Ainsi que l'ont considéré à bon droit les premiers juges, M. B... ne justifie ni de la détention du visa de long séjour, exigé par les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et des demandeurs d'asile, ni du " contrat de travail visé par l'autorité française compétente " exigé par les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien. M. B... n'apporte aucune contradiction sur ces deux points, la seule circonstance invoquée selon laquelle il a été embauché le 7 décembre 2020 par un contrat à durée indéterminée, en qualité de déménageur, par la société TSL Transport étant à cet égard sans incidence. Par ailleurs, M. B... ne peut utilement se prévaloir, à l'encontre de la décision en litige, des termes de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, laquelle, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière, se borne à énoncer des orientations générales que le ministre de l'intérieur a adressées aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation. Il ne peut pas davantage se prévaloir du projet de loi relative à l'immigration déposé au Sénat, en tout état de cause. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette circulaire et de ce projet de loi est inopérant.

5. Par ailleurs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le refus de séjour en qualité de salarié, au regard de l'ancienneté de sa présence en France depuis 2009 est en tout état de cause inopérant à l'encontre d'une décision de cette nature. Sont également inopérantes les circonstances selon lesquelles il a travaillé en 2018 pour une société qui ne lui a jamais signé le contrat de travail promis et a été victime en mars 2019 d'un accident du travail. Enfin, compte tenu notamment du caractère récent de cette activité, et ainsi qu'il est indiqué au point précédent, de l'absence de visa de long séjour et d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente, la seule circonstance selon laquelle il a été embauché le 7 décembre 2020 en contrat à durée indéterminée, en qualité de déménageur, par la société TSL Transport est insuffisante pour établir l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les décisions de refus de séjour en litige.

6. En second lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". La circonstance invoquée par l'appelant selon laquelle il vit en France depuis douze ans, qui n'est pas établie, et celle tenant à l'existence de liens personnels et familiaux qu'il aurait noués en France, qui n'est pas davantage établie, ne sont pas à elles seules de nature à caractériser au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Il s'ensuit que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées, de même que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL00324 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00324
Date de la décision : 30/01/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : AMALRIC-ZERMATI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-01-30;23tl00324 ?
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