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27/06/2024 | FRANCE | N°21TL03827

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 27 juin 2024, 21TL03827


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



I- M. N... D... et Mme F... D... née J..., M. E... G... et Mme H... G... née O... et M. B... L... et Mme M... L... née K... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler la décision tacite par laquelle le maire d'Agde a refusé de retirer pour fraude l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel il a délivré un permis de démolir ainsi qu'un permis de construire à M. C... pour la réhabilitation, l'extension et la surélévation d'une construction ex

istante et de prononcer le retrait pour fraude de cet arrêté et, à titre subsidiaire, d'an...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I- M. N... D... et Mme F... D... née J..., M. E... G... et Mme H... G... née O... et M. B... L... et Mme M... L... née K... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler la décision tacite par laquelle le maire d'Agde a refusé de retirer pour fraude l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel il a délivré un permis de démolir ainsi qu'un permis de construire à M. C... pour la réhabilitation, l'extension et la surélévation d'une construction existante et de prononcer le retrait pour fraude de cet arrêté et, à titre subsidiaire, d'annuler le seul arrêté du 6 mai 2019.

II- M. N... D... et Mme F... D... née J..., M. E... G... et Mme H... G... née O... et M. B... L... et Mme M... L... née K... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, à titre principal, d'annuler la décision tacite par laquelle le maire d'Agde a refusé de retirer pour fraude l'arrêté du 6 mai 2019 par lequel il a délivré un permis de démolir ainsi qu'un permis de construire à M. C... pour la réhabilitation, l'extension et la surélévation d'une construction existante et de prononcer le retrait pour fraude de cet arrêté et, à titre subsidiaire, d'annuler le seul arrêté du 6 mai 2019.

Par un jugement n°1903404, 2002206 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n°21MA03827 puis au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le n°21TL03827 les 7 septembre 2021 et 13 janvier 2023, M. N... D... et Mme F... D... née J..., M. E... G... et Mme H... G... née O..., représentés par la société civile professionnelle F. Simon, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 mai 2019 ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Agde une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué méconnaît le principe du contradictoire en l'absence de communication de la note en délibéré ;

- l'arrêté du 6 mai 2019 a été obtenu à la suite de manœuvres frauduleuses dès lors que la demande de permis de construire fait état de bâtiments existants qui avaient été démolis depuis 9 mois, ce dont la commune avait connaissance du fait de l'édiction d'un procès-verbal d'infraction du 4 mars 2019 ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions du plan de prévention des risques inondation dès lors que la reconstruction est accompagnée d'une extension du bâtiment ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions du plan de prévention des risques inondation dès lors que la démolition du bâtiment n'est pas concomitante à la demande de permis de construire ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions du plan de prévention des risques inondation dès lors que l'assiette de leur emprise au sol n'est pas conservée ;

- cet arrêté méconnaît les dispositions du plan de prévention des risques inondation dès lors que la demande de permis de démolir et de construire ne prévoit pas de mesures compensatoires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 novembre 2022, M. C..., représenté par la société civile professionnelle Coulombié-Gras-Crétin-Becquevort-Rosier-Soland-Gilliocq, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la " charge solidaire de chacun des requérants " une somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2023, la commune d'Agde, représentée par la société civile professionnelle CGCB et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge solidaire des requérants une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Par ordonnance du 11 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué à la cour administrative d'appel de Toulouse le jugement de la requête de M. N... D... et des autres requérants.

Par ordonnance du 11 janvier 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 25 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- et les observations de M. G... et de Me Crétin, représentant la commune d'Agde et M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a déposé le 7 mars 2019 auprès des services de la commune d'Agde une demande de permis de démolir et de permis de construire pour des travaux de réhabilitation, d'extension et de surélévation de constructions existantes situées sur un terrain 99 avenue du Littoral. Par un arrêté du 6 mai 2019, le maire d'Agde a accordé le permis de démolir ainsi que le permis de construire. M. D... et cinq autres personnes physiques ont, par courrier du 14 janvier 2020, saisi le maire d'Agde d'une demande de retrait pour fraude de l'autorisation d'urbanisme délivrée à M. C.... En l'absence de décision expresse prise dans le délai de deux mois à compter de la réception, le 15 janvier 2020, de cette demande par la commune, une décision tacite de rejet est née le 15 mars suivant. Par la présente requête, M. D... et trois autres requérants relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a, rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 mai 2019.

Sur la régularité du jugement :

2. S'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, le juge n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire.

3. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier de première instance que la note en délibéré, que M. C... a produite après l'audience publique mais avant le rendu du jugement, a été versée au dossier n°1903404 et visée dans le jugement attaqué sans que son contenu ne soit pris en compte par les premiers juges. Il ressort de l'analyse de cette note en délibéré que les éléments de fait et de droit qu'elle expose n'ont pas été susceptibles d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire. Ainsi, en se bornant à viser la note en délibéré sans procéder à la réouverture de l'instruction et à la communication de cette pièce, les juges de première instance n'ont pas méconnu le principe du contradictoire prévu à l'article L. 5 du code de justice administrative et n'ont pas entaché leur jugement d'irrégularité.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne la méconnaissance du plan de prévention des risques d'inondation de la commune d'Agde :

4. Aux termes du règlement du plan de prévention des risques d'inondation de la commune d'Agde approuvé par arrêté du préfet de l'Hérault du 15 mai 2014 valant servitude d'utilité publique, la zone rouge Ru est définie comme un " secteur inondable soumis à un aléa fort pour la submersion marine (hors déferlement) et/ou le débordement fluvial, où les enjeux sont forts (zone urbaine) ". En vertu du même règlement, sont autorisées en zone Ru " les extensions au sol des bâtiments d'habitation existants (une seule fois à compter de la date d'application du présent document), sans création de nouveau logement, dans la limite de 20 m² d'emprise au sol (...) sous réserve que : / la surface du 1er plancher aménagé soit calée sur vide sanitaire à la cote minimum PHE + 30 cm, avec un minimum de 2,40 m A... (...). Dans le cas où la PHE ne serait pas définie, la surface de plancher sera calée sur vide sanitaire à 50 cm au-dessus du terrain naturel ou de la voie d'accès au terrain lorsqu'elle lui est supérieure. / que l'extension s'accompagne des mesures compensatoires de nature à diminuer la vulnérabilité du bâtiment lui-même (pose de batardeaux à chaque ouvrant situé sous le PHE, etc.) ". Le règlement du plan de prévention des risques d'inondation de la commune d'Agde autorise également " les extensions à l'étage des bâtiments existants, sans création de logement ou d'activité supplémentaire et sous réserve que : / que l'extension s'accompagne des mesures compensatoires de nature à diminuer la vulnérabilité du bâtiment lui-même (pose de batardeaux à chaque ouvrant situé sous le PHE, etc.) / L'emprise au sol éventuellement générée soit inférieure à 20 m² pour les bâtiments d'habitation (...) ". Enfin, le règlement applicable à la zone Ru qui autorise les modifications des constructions existantes et/ou leur changement de destination sous réserve de ne pas créer de logement supplémentaire prévoit que " ces règles restent valables dans le cas d'une reconstruction, sur une même propriété sous réserve : / que la démolition soit concomitante avec la demande de permis de construire, que la construction soit réalisée sur vide sanitaire et ne soit pas située dans la bande de sécurité d'une digue ou d'un ouvrage de protection (...), / que la reconstruction ne soit pas consécutive à un sinistre lié à une inondation. ".

5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet autorisé par l'arrêté attaqué du 6 mai 2019 en litige est classé en zone rouge Ru du plan de prévention des risques d'inondation de la commune d'Agde. Il est constant que, par arrêté du 13 février 2018, le maire d'Agde a autorisé la réhabilitation avec dépose des toitures et l'extension des constructions édifiées sur ce même terrain. Il est également constant qu'à l'occasion des travaux autorisés, les deux bâtiments, à savoir la maison principale d'habitation et le garage, ont été détruits. Enfin, il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de démolir et de construire déposée le 7 mars 2019 par M. C... a précisément pour objet de reconstruire la maison d'habitation démolie à l'occasion de ces travaux. Dans ces conditions, et alors même que M. C... n'a déposé cette demande qu'à la suite de l'édiction d'un procès-verbal du 4 mars 2019 par lequel le maire d'Agde a constaté la réalisation de fondations d'une emprise au sol de 83 m², la démolition de ces bâtiments doit être regardée comme concomitante au sens des dispositions précitées avec la demande de permis de construire délivré le 6 mai 2019.

6. En deuxième lieu, l'arrêté du 6 mai 2019 portant permis de démolir et permis de construire autorise la démolition des constructions existantes et la reconstruction de la maison d'habitation avec une extension sur la même propriété. Si les requérants soutiennent que la localisation de la construction autorisée ne correspond pas exactement à l'emplacement de l'ancienne maison d'habitation, les dispositions du règlement du plan de prévention des risques d'inondation de la commune d'Agde citées au point 4 du présent arrêt n'ont pas pour objet ou pour effet d'imposer une reconstruction à l'identique mais seulement une reconstruction sur une même propriété.

7. En troisième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les dispositions du règlement du plan de prévention des risques d'inondation de la commune d'Agde citées au point 4 du présent arrêt n'ont pas non plus pour objet ou pour effet d'interdire de réaliser une extension dans le cadre d'une reconstruction, cette dernière étant possible dans le cadre de modifications des constructions existantes.

8. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du plan en coupe du projet, que le premier plancher habitable de la construction doit être édifié sur un vide sanitaire à la cote de 2,40 mètres du nivellement général de la France alors que le niveau du terrain naturel est à la cote de 1,41 mètre du nivellement général de la France. En outre, il ressort de la lecture même du permis de construire du 6 mai 2019 que ce dernier interdit les remblais sur le terrain d'assiette du projet. Par suite, le moyen tiré de l'absence de mesures compensatoires destinées à réduire la vulnérabilité du bâtiment doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 4 à 8 du présent arrêt que les moyens tirés de la méconnaissance des règles fixées par le plan de prévention des risques d'inondation de la commune d'Agde applicables en cas de reconstruction d'une construction doivent être écartés.

En ce qui concerne la fraude :

10. Les autorisations d'urbanisme n'ayant d'autre objet que d'autoriser la construction conforme aux plans et indications fournis par le pétitionnaire, l'administration n'a à vérifier ni l'exactitude des déclarations du demandeur relatives à la consistance du projet à moins qu'elles ne soient contredites par les autres éléments du dossier joints à la demande tels que limitativement définis par les dispositions des articles R. 431-4 et suivants du code de l'urbanisme, ni l'intention du demandeur de les respecter, sauf en présence d'éléments établissant l'existence d'une fraude à la date à laquelle l'administration se prononce sur la demande d'autorisation. La caractérisation de la fraude résulte de ce que le pétitionnaire a procédé de manière intentionnelle à des manœuvres de nature à tromper l'administration sur la réalité du projet dans le but d'échapper à l'application d'une règle d'urbanisme. Une information erronée ne peut, à elle seule, faire regarder le pétitionnaire comme s'étant livré à l'occasion du dépôt de sa demande à des manœuvres destinées à tromper l'administration.

11. Il ressort de la demande de permis de construire que M. C... a présenté un état existant du terrain d'assiette mentionnant la présence de la maison d'habitation et du garage détruits au cours des travaux autorisés par un précédent permis de construire délivré le 13 février 2018. Toutefois, il est constant que cette démolition n'a pas fait l'objet d'une autorisation d'urbanisme. Dans ces conditions, la représentation sur l'état de l'existant de cette maison et ce garage, dont la démolition devait être autorisée, ne traduit pas une manœuvre du pétitionnaire destinée à tromper l'autorité administrative. Par suite, le moyen tiré de ce que le permis de construire du 6 mai 2019 a été obtenu par fraude doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et les autres requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune d'Agde, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune d'Agde et M. C... sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... et des autres requérants est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune d'Agde et M. C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. N... D..., premier dénommé, pour l'ensemble des requérants, à M. I... C... et à la commune d'Agde.

Délibéré après l'audience du 13 juin 2024, à laquelle siégeaient :

M. Moutte, président,

M. Jazeron, premier conseiller,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 juin 2024.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

J.-F. MoutteLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°21TL03827


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL03827
Date de la décision : 27/06/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Moutte
Rapporteur ?: Mme Nathalie Lasserre
Rapporteur public ?: Mme Meunier-Garner
Avocat(s) : SCP FREDERIC SIMON

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-06-27;21tl03827 ?
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