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18/07/2024 | FRANCE | N°23TL00953

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 18 juillet 2024, 23TL00953


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2101065 du 11 octobre 2022, le magistrat désigné p

ar la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



Procédure devant ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2020 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2101065 du 11 octobre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 avril 2023, et un mémoire, enregistré le 28 mai 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Brean, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 11 octobre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 24 décembre 2020 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant autorisation de travailler sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été adopté par une autorité incompétente ;

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est irrégulière en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la menace à l'ordre public ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire, enregistré le 26 juin 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 mai 2024 à 12 heures.

Par une décision du 22 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. B... l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Karine Beltrami.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 21 mars 1980, est entré en France le 14 avril 2008 sous couvert d'un passeport algérien revêtu d'un visa de court séjour valable du 27 mars 2008 au 19 septembre 2008. Il a fait l'objet, le 17 avril 2013, d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français par le préfet de la Haute-Garonne, dont la légalité a été confirmée par jugement du tribunal administratif de Toulouse rendu le 10 octobre 2013. M. B... a sollicité, le 27 mai 2015, son admission au séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante de nationalité française. Du 21 décembre 2017 au 20 décembre 2018, il a bénéficié d'un certificat de résidence algérien d'un an, en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Le 12 décembre 2018, M. B... a sollicité le changement de son statut, en se prévalant des dispositions du 1° et du 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ainsi que de l'article 7 bis de cet accord. Par arrêté du 24 décembre 2020, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée de deux ans. Saisi d'une requête tendant notamment à l'annulation de cet arrêté, le tribunal administratif de Toulouse a, par un jugement du 11 octobre 2022 dont M. B..., relève appel, rejeté sa demande

Sur les conclusions en annulation :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué et du défaut de motivation dont serait entachée la décision portant refus de séjour, par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.

3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant ". Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : (...) f) Au ressortissant algérien qui est en situation régulière depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'un certificat de résidence portant la mention " étudiant " (...) ". Ces stipulations ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an ou de dix ans lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 312-2 du même code, alors applicable : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) ". Ces dispositions s'appliquent aux ressortissants algériens dont la situation est examinée sur le fondement du 1° de l'article 6 et du f de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien régissant, comme celles, de portée équivalente en dépit des différences tenant au détail des conditions requises, du 3° de l'article L. 313-11 et du 10° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, la délivrance de plein droit du titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et de la carte de résident. Si le préfet n'est tenu de saisir la commission que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues par ces textes auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui s'en prévalent, la circonstance que la présence de l'étranger constituerait une menace à l'ordre public ne le dispense pas de son obligation de saisine de la commission.

5. Il ressort des pièces du dossier qu'alors que le préfet a estimé que le comportement de M. B... était constitutif d'une menace pour l'ordre public, il a saisi la commission du titre de séjour qui s'est réunie le 3 novembre 2020, et qui a émis un avis défavorable à la délivrance d'un titre de séjour valable dix ans. Par suite, le moyen tiré de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour qui manque en fait, ne peut qu'être écarté.

6. En troisième lieu, d'une part, ainsi que cela a été dit au point 3, les stipulations de l'accord franco-algérien ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an ou de dix ans lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

7. D'autre part, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. Enfin, aux termes des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Si M. B... est entré en France le 14 avril 2008 à l'âge de 28 ans, il n'établit pas, par les pièces qu'il produit, et notamment par ses bulletins de salaires dont le plus ancien date de décembre 2015 et mettent en évidence une activité salariée intermittente en 2016 et en 2017, sa présence habituelle sur le territoire français ni depuis son entrée sur le territoire français ni au cours des dix dernières années. En outre, il a fait l'objet d'une mesure d'éloignement le 17 avril 2013 et a été condamné à deux reprises, le 13 mars 2014 à quatre et six mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Toulouse pour des faits d'escroquerie commis du 1er avril 2009 au 1er juillet 2010 et de prise de nom d'un tiers pouvant déterminer des poursuites contre lui commis le 4 janvier 2012, et, le 24 janvier 2019, par la chambre des appels correctionnel de la cour d'appel de Toulouse à trois ans d'emprisonnement pour des faits d'agression sexuelle imposée à une personne vulnérable. De plus, il ressort de l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes du 22 septembre 2021 que M. B... a également été condamné à deux reprises par jugements rendus par le tribunal correctionnel de Toulouse les 22 novembre 2016 et 28 mars 2019 pour des faits de violences conjugales commis notamment alors que son épouse était enceinte de son premier enfant ou tenait son second enfant dans les bras. Par ces faits, M. B... qui, à la date de la décision attaquée, était en instance de divorce de son épouse, ressortissante française, de l'union de laquelle sont issus deux enfants mineurs français, nés en 2015 et en 2017, ne justifie pas, ainsi que le mentionne l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, de sa capacité à prendre en compte l'intérêt de ses enfants. En outre, l'appelant ne démontre pas sa participation effective à leur entretien et à leur éducation ni qu'il entretenait des relations avec eux à la date de la décision attaquée. Enfin, il est constant qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident ses parents. Compte tenu du caractère répété et de la particulière gravité des condamnations prononcées à l'encontre de l'appelant, le préfet a pu estimer, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, que la présence de M. B... en France constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, alors même, au demeurant, qu'il s'est vu délivrer par le préfet un certificat de résidence d'un an en qualité de conjoint d'une ressortissante française, valable du 21 décembre 2017 au 20 décembre 2018 sans pour autant que son comportement lui soit alors opposé, les moyens tirés de ce que l'arrêté litigieux aurait été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, doivent être écartés.

10. En dernier lieu, Aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord : / b) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention " salarié " : cette mention constitue l'autorisation de travail exigée par la législation française (...) ".

11. L'appelant qui ne demande pas le renouvellement de son titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, ne peut se prévaloir d'aucun titre de séjour valant autorisation de travail. Ainsi, il était tenu, pour la délivrance d'un premier titre de séjour en qualité de salarié, de justifier d'un contrat de travail visé par les services du ministre chargé de l'emploi. Or, dès lors qu'il est constant qu'il n'a pas produit, à l'appui de sa demande de changement de statut, un tel contrat de travail, M. B... ne critique utilement, pas plus en appel qu'en première instance, la décision refusant de lui délivrer un certificat de résidence en qualité de salarié.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020.

Sur les conclusions accessoires :

13. M. B... n'étant pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 24 décembre 2020, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991, ne peuvent qu'être rejetées.

DÉCIDE:

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée pour information au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024 à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme Beltrami, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.

La rapporteure,

K. Beltrami

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 23TL00953


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00953
Date de la décision : 18/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Karine Beltrami
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : BREAN

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-18;23tl00953 ?
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