Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel la préfète de l'Ariège lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2106902 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 octobre 2023 et 14 juin 2024, M. B..., représenté par Me Kosseva-Venzal, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 7 mars 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel la préfète de l'Ariège lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Ariège, d'une part, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation dès la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et, d'autre part, de procéder, dès la notification de l'arrêt à intervenir, à l'effacement de son signalement sur le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 avril 2024, le préfet de l'Ariège conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 25 août 2023.
Par une ordonnance du 31 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 21 juin 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant géorgien, né le 25 janvier 1976, déclare être entré en France le 22 janvier 2019. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 31 octobre 2019, confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 5 mars 2020. En exécution d'un jugement du tribunal administratif de Toulouse annulant l'arrêté préfectoral du 17 mai 2020 lui faisant obligation de quitter le territoire français, l'intéressé a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour pour soins, valable du 27 novembre 2020 au 26 mai 2021. Le 26 juillet 2021, M. B... a sollicité son admission au séjour en se prévalant de son état de santé. Par un arrêté du 28 octobre 2021, la préfète de l'Ariège lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. M. B... relève appel du jugement du 7 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ". L'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
3. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
4. Pour déterminer si un étranger peut bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire d'un traitement médical approprié au sens de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il convient de s'assurer, eu égard à la pathologie de l'intéressé, de l'existence d'un traitement approprié et de sa disponibilité dans des conditions permettant d'y avoir accès, et non de rechercher si les soins dans le pays d'origine sont équivalents à ceux offerts en France ou en Europe.
5. Par son avis du 30 septembre 2021, dont l'autorité préfectorale pouvait s'approprier les termes sans s'estimer en situation de compétence liée, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a considéré que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et y voyager sans risque. Pour remettre en cause cet avis, l'appelant a versé au dossier les éléments relatifs à sa situation médicale, en particulier des certificats médicaux qui permettent à la cour d'apprécier sa situation, sans qu'il soit besoin de demander l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé ce collège.
6. Sur ce point, il ressort des pièces du dossier sur lesquelles l'intéressé a accepté de lever le secret médical, que M. B... souffre d'une insuffisance rénale chronique le rendant sujet aux infections urinaires et nécessitant des auto-sondages journaliers et d'une œsophagite de stade I. L'intéressé bénéficie également d'un suivi cardiologique pour son hypertension artérielle et de séances de kinésithérapie et de soins infirmiers à la suite de l'amputation d'une jambe, liée à une chute de huit mètres dans son pays d'origine, suivie de la pose d'une prothèse de jambes donnant lieu à des plaies régulières en raison des évolutions de son moignon liées à une atrophie musculaire et à la variation de son poids.
7. En se bornant à soutenir que le traitement médicamenteux qui lui est prescrit, composé des marques commerciales Tramadol et Acupan, n'est pas disponible en Géorgie et qu'il ne dispose pas des moyens financiers lui permettant de pourvoir à ses examens biologiques, M. B... ne produit, ainsi que cela lui incombe eu égard au sens de l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, aucun élément précis et circonstancié, à l'exception de rapports généraux, de nature à établir qu'il ne serait pas en mesure de bénéficier d'un suivi médical en cas de retour en Géorgie, pays dans lequel il était déjà pris en charge pour sa pathologie rénale et a pu bénéficier d'une intervention chirurgicale et d'un suivi médical à la suite de son amputation. Pour sa part, le préfet de l'Ariège produit des éléments, qui ne sont pas contredits par l'appelant, de nature à établir que le système de santé géorgien dispose d'une couverture en urologie et que les traitements précités sont disponibles dans son pays d'origine selon les fiches publiées par le ministère de la santé géorgien. Par suite, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier de manière certaine qu'il ne pourrait effectivement bénéficier, en Géorgie, d'un suivi médical adapté, sans qu'il soit en tous points équivalent à celui dont il dispose en France, la préfète de l'Ariège n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour à M. B.... Pour les mêmes motifs, l'autorité préfectorale n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de l'appelant.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
8. L'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
9. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les motifs qu'invoque l'autorité compétente sont de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour et si la décision ne porte pas au droit de l'étranger au respect de sa vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. En revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen le conduisant à apprécier les conséquences de la mesure d'interdiction de retour sur la situation personnelle de l'étranger et que sont invoquées des circonstances étrangères aux quatre critères posés par les dispositions précitées de l'article L. 612-10, il incombe seulement au juge de l'excès de pouvoir de s'assurer que l'autorité compétente n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation.
10. M. B... soutient que la décision en litige est injustifiée et disproportionnée dès lors qu'il se trouve dans une situation de particulière vulnérabilité et bénéficie d'une prise en charge médicale régulière et soutenue en France. Il indique qu'il ne dispose pas de liens dans son pays d'origine et disposait d'une durée de présence en France de près de trois années à la date de l'arrêté en litige. Il précise, en outre, que la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet repose sur un fondement juridique distinct et qu'il a seulement été mis en cause pénalement mais n'a pas fait l'objet de condamnation pénale.
11. Toutefois, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 7, ces éléments ne permettent pas de regarder M. B... comme justifiant de circonstances humanitaires faisant obstacle au prononcé d'une interdiction de retour alors qu'il vit en France de manière précaire et irrégulière à la suite du rejet définitif de sa demande d'asile. En outre, l'intéressé, qui se déclare célibataire et sans charges de famille, ne fait état d'aucune attache personnelle ou familiale stable et ancienne en France alors que sa mère et sa sœur résident en Géorgie, pays dans lequel il a passé la majeure partie de son existence et qu'il a quitté à l'âge de 43 ans. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que M. B... est défavorablement connu des services de police pour des faits d'agression sexuelle commis le 20 février 2019 et qu'il a été condamné, le 1er mars 2021, par le tribunal correctionnel de Foix à une peine d'emprisonnement de deux mois avec sursis pour conduite d'un véhicule sans permis et sans assurance et délit de fuite à la suite d'un accident. Dès lors que le comportement de M. B... représente une menace pour l'ordre public et que sa situation ne fait pas apparaître de motifs humanitaires particuliers, la préfète de l'Ariège n'a pas fait une inexacte application des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui faisant interdiction de retour sur le territoire français ni édicté une mesure disproportionnée en en fixant la durée à deux ans.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE:
Article 1 : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de l'Ariège.
Délibéré après l'audience du 4 juillet 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 juillet 2024.
La rapporteure,
N. El Gani-LaclautreLe président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02396