Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2022 par lequel la préfète du Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2203508 du 4 janvier 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Boutang, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 janvier 2023 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 26 octobre 2022 par lequel la préfète du Vaucluse lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) subsidiairement, de prononcer la suspension de cet arrêté jusqu'à l'issue de la procédure d'asile qu'il a engagée ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le magistrat désigné a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de ce qu'il ne pouvait être regardé comme originaire d'un pays sûr et n'a pas répondu au moyen tiré du bénéfice de la protection temporaire ;
- l'arrêté préfectoral émane d'un signataire incompétent ;
- l'arrêté préfectoral est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son droit à se maintenir sur le territoire français en sa qualité de demandeur d'asile, dès lors que sa demande a été enregistrée à tort en procédure accélérée ;
- l'arrêté préfectoral méconnaît les dispositions des articles L. 581-1 et L. 581-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui lui ouvrent droit au bénéfice de la protection temporaire, conformément à la décision d'exécution du Conseil 2022/382 du 4 mars 2022 et de la circulaire interministérielle (NOR INTV2208085J) du 10 mars 2022 ;
- son recours exercé devant la Cour nationale du droit d'asile repose sur des motifs sérieux, justifiant la suspension de la mesure d'éloignement.
Une mise en demeure de produire un mémoire en défense a été adressée le 22 février 2024 à la préfète du Vaucluse.
Par ordonnance du 30 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 31 mai 2024.
Par un courrier du 31 juillet 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever un moyen soulevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions tendant à la suspension de l'obligation de quitter le territoire français, une telle demande ne pouvant être présentée que devant le tribunal administratif.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chalbos a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant arménien né le 27 septembre 1988, a fait l'objet d'une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2022 portant rejet de sa demande d'asile suivant la procédure accélérée, à la suite de laquelle la préfète du Vaucluse, par arrêté du 26 octobre 2022, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 4 janvier 2023 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation d'un tel arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelant, il résulte du point 4 du jugement attaqué que le magistrat désigné, qui n'était pas tenu de faire expressément allusion aux pièces produites par l'intéressé, a suffisamment exposé les motifs l'ayant conduit à écarter le moyen tiré de ce que l'Arménie ne devrait pas être considérée comme un pays d'origine sûr.
3. En second lieu, il résulte des termes du jugement attaqué que le magistrat désigné ne s'est pas prononcé sur le moyen soulevé par M. B... à l'appui de sa demande, tiré de la méconnaissance de son droit à la protection temporaire prévue aux articles L. 581-1 et L. 581-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et par la décision d'exécution (UE) 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... se serait prévalu auprès de la préfète du Vaucluse du bénéfice de la protection temporaire dans les conditions prévues à l'article R. 581-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que le magistrat désigné n'était pas tenu de répondre à un tel moyen, qui était inopérant.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. En premier lieu, ainsi que l'a justement relevé le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes, le signataire de l'arrêté attaqué, secrétaire général de la préfecture, disposait d'une délégation de signature consentie par la préfète du Vaucluse par un arrêté du 1er septembre 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour. Un tel arrêté étant librement accessible sur le site internet de la préfecture, la circonstance qu'il n'ait pas été produit en défense dans la présente instance est sans influence sur le bien-fondé du moyen.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 (...) ". L'article L. 542-2 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : (...) d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 (...) ". Aux termes de l'article L. 531-24 du même code : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : / 1° Le demandeur provient d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr au sens de l'article L. 531-25 (...) ". L'Arménie est inscrite dans la liste des pays d'origine sûrs établie par le conseil d'administration de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
6. D'une part, M. B... étant de nationalité arménienne, il ne peut sérieusement soutenir qu'il devrait être regardé comme provenant d'Ukraine au sens des dispositions précitées du 1° de l'article L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. À cet égard, la circonstance qu'il y ait résidé régulièrement avant son entrée en France n'implique pas que l'Ukraine soit considérée comme son pays d'origine. D'autre part, M. B... ne conteste pas utilement le classement de l'Arménie dans la liste des pays sûrs en se bornant à produire quelques articles de presse relatifs à la situation politique et sécuritaire de ce pays. En conséquence, le moyen tiré de ce qu'il devrait bénéficier du droit à se maintenir sur le territoire français jusqu'à la décision de la Cour nationale du droit d'asile, faute d'être originaire d'un pays sûr justifiant l'examen de sa demande d'asile suivant la procédure accélérée, doit, en tout état de cause, être écarté.
7. En troisième lieu, et d'une part, aux termes de l'article L. 581-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le bénéfice du régime de la protection temporaire est ouvert aux étrangers selon les modalités déterminées par la décision du Conseil de l'Union européenne mentionnée à l'article 5 de la directive 2001/55/CE du Conseil du 20 juillet 2001, définissant les groupes spécifiques de personnes auxquelles s'applique la protection temporaire, fixant la date à laquelle la protection temporaire entrera en vigueur et contenant notamment les informations communiquées par les États membres de l'Union européenne concernant leurs capacités d'accueil ". Aux termes de l'article L. 581-3 du même code : " L'étranger appartenant à un groupe spécifique de personnes visé par la décision du Conseil mentionnée à l'article L. 581-2 bénéficie de la protection temporaire à compter de la date mentionnée par cette décision. Il est mis en possession d'un document provisoire de séjour assorti, le cas échéant, d'une autorisation provisoire de travail. Ce document provisoire de séjour est renouvelé tant qu'il n'est pas mis fin à la protection temporaire (...) ". Enfin, l'article R. 581-1 de ce code dispose que : " Le bénéficiaire de la protection temporaire mentionné à l'article L. 581-1 se présente, s'il est âgé de plus de dix-huit ans, à la préfecture du département où il a sa résidence (...) pour solliciter la délivrance du document provisoire de séjour mentionné à l'article L. 581-3 (...) ".
8. D'autre part, aux termes de l'article 2 de la décision d'exécution 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 : " 1. La présente décision s'applique aux catégories suivantes de personnes déplacées d'Ukraine le 24 février 2022 ou après cette date, à la suite de l'invasion militaire par les forces armées russes qui a commencé à cette date : / a) les ressortissants ukrainiens résidant en Ukraine avant le 24 février 2022 ; / b) les apatrides, et les ressortissants de pays tiers autres que l'Ukraine, qui ont bénéficié d'une protection internationale ou d'une protection nationale équivalente en Ukraine avant le 24 février 2022 ; et, c) les membres de la famille des personnes visées aux points a) et b). / 2. Les États membres appliquent la présente décision ou une protection adéquate en vertu de leur droit national à l'égard des apatrides, et des ressortissants de pays tiers autres que l'Ukraine, qui peuvent établir qu'ils étaient en séjour régulier en Ukraine avant le 24 février 2022 sur la base d'un titre de séjour permanent en cours de validité délivré conformément au droit ukrainien, et qui ne sont pas en mesure de rentrer dans leur pays ou leur région d'origine dans des conditions sûres et durables (...) ".
9. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... se serait prévalu du bénéfice de la protection temporaire avant l'intervention de la mesure d'éloignement litigieuse. En outre, et alors qu'il ne rentre pas dans les catégories de personnes auxquelles s'applique la protection temporaire visées par le 1 de l'article 2 de la décision d'exécution du Conseil du 4 mars 2022, il ne justifie pas qu'il rentrerait dans celle visée au 2 de cet article, dès lors que, en admettant même qu'il dispose d'un titre de séjour permanent en Ukraine, il n'établit pas être dans l'impossibilité de rentrer dans son pays d'origine dans des conditions sûres et durables, où il ne démontre pas être personnellement exposé à des menaces actuelles et réelles pour sa vie, alors au demeurant que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 août 2022. Il ne peut, dans ces conditions, reprocher à la préfète du Vaucluse de ne pas lui avoir accordé le bénéfice de la protection temporaire. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 581-1 et L. 581-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que de la décision d'exécution 2022/382 du Conseil du 4 mars 2022 doit donc être écarté.
Sur la demande de suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement :
10. Aux termes de l'article L. 752-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont le droit au maintien sur le territoire a pris fin en application des b ou d du 1° de l'article L. 542-2 et qui fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français peut, dans les conditions prévues à la présente section, demander au tribunal administratif la suspension de l'exécution de cette décision jusqu'à l'expiration du délai de recours devant la Cour nationale du droit d'asile ou, si celle-ci est saisie, soit jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la cour, soit, s'il est statué par ordonnance, jusqu'à la date de la notification de celle-ci ".
11. M. B... reprend devant la cour ses conclusions à fin de suspension de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Toutefois, ainsi que le prévoient les dispositions précitées de l'article L. 752-5 du code de justice administrative, de telles conclusions ne peuvent être présentées que devant le tribunal administratif. Par suite, les conclusions de M. B... tendant à la suspension de l'exécution de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français réitérées en appel sont irrecevables.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique doivent donc également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée à la préfète du Vaucluse.
Délibéré après l'audience du 29 août 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 septembre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-BèthbéderLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL00266