La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/10/2024 | FRANCE | N°23TL00237

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 01 octobre 2024, 23TL00237


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 9 juillet 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Gard a rejeté sa demande tendant à la requalification de la rue B... Alexandre en voie privée et à l'attribution d'un numéro cadastral à cette parcelle, et d'enjoindre au service du cadastre d'affecter un numéro de parcelle à la voie se trouvant à l'intérieur du lotissement, en reconnaissant le droit de prop

riété des colotis sur cette voie ; d'annuler la décision prise le 3 juin 2020 par le m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 9 juillet 2020 par laquelle le directeur départemental des finances publiques du Gard a rejeté sa demande tendant à la requalification de la rue B... Alexandre en voie privée et à l'attribution d'un numéro cadastral à cette parcelle, et d'enjoindre au service du cadastre d'affecter un numéro de parcelle à la voie se trouvant à l'intérieur du lotissement, en reconnaissant le droit de propriété des colotis sur cette voie ; d'annuler la décision prise le 3 juin 2020 par le maire de Nîmes révélée par le courrier adressé au Défenseur des droits, refusant de faire droit à sa demande adressée audit Défenseur des droits tendant à ce que la rue B... Alexandre soit interdite à la circulation publique et à ce que soit apposé dans cette rue un panneau indiquant que la voie est réservée aux riverains ; d'enjoindre à la commune de Nîmes d'informer les colotis du lotissement Guiguonnet que la rue B... Alexandre est, et a toujours été, une voie privée ; d'enjoindre à la commune de Nîmes d'installer sans délai à l'entrée de l'impasse un panneau de signalisation " sens interdit " spécifiant " interdit - sauf riverains " ; d'enjoindre à la commune de Nîmes d'informer, dans le bulletin municipal, les citoyens nîmois des préjudices éventuels pouvant être créés par les décisions prises par la commune quant au statut de la rue B... Alexandre ; d'enjoindre à la commune de Nîmes de supporter l'ensemble des frais nécessaires au rétablissement du statut de voie privée de l'impasse rue B... Alexandre ; de condamner l'Etat et la commune de Nîmes à lui verser une indemnité de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi ; de condamner l'Etat et la commune de Nîmes à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des préjudices subis du fait des fautes commises par le service du cadastre et le service de l'urbanisme de la commune de Nîmes.

Par un jugement n° 2002355 du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2023, et un mémoire en réplique du 7 août 2023, M. A..., représenté par Me Momas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 29 novembre 2022 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler la décision du 9 juillet 2020 du directeur départemental des finances publiques du Gard et la décision du 3 juin 2020 du maire de Nîmes adressée au Défenseur des droits ;

3°) d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques et au maire de Nîmes de reprendre une décision dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt de la cour et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de Nîmes la somme de 2000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé, comme l'administration, pour refuser l'attribution à la voie B... Alexandre d'un numéro cadastral de parcelle, que la voie appartenait au domaine public de la commune, alors que cette voie a été créée pour appartenir au lotissement et en constituer une voie privée, le cahier des charges prévoyant seulement la potentialité d'une remise de la voie à la commune ; l'acte notarié afférent à l'achat des trois parcelles à l'origine du lotissement, l'arrêté préfectoral nommant la propriété et ces trois parcelles, les plans du lotissement ainsi que la fiche hypothécaire générale du lotissement, démontrent que la voirie en cause, qui n'existait pas avant la création du lotissement, n'a été créée que pour desservir les lots du lotissement ; aucun acte n'est produit quant au classement de la rue B... Alexandre dans le domaine public communal ;

- le service du cadastre ne produit aucun document selon lequel cette rue ferait partie des zones non cadastrées ; c'est par ailleurs à tort que les premiers juges se sont fondés sur le plan cadastral, dès lors que ce document n'a pas de force probante ;

- la commune ne justifie pas de ce que la parcelle en cause serait sa propriété, que ce soit par transfert d'office de la voie à défaut d'accord entre les colotis, ou par l'effet d'une procédure qui aurait abouti au classement de cette voie dans le domaine public ;

- l'administration ne peut pas refuser de cadastrer une parcelle au motif qu'elle appartiendrait au domaine public ;

- la fiche hypothécaire EV 44 du lotissement est erronée en ce qu'elle ne classe pas la voirie dans les parcelles du lotissement, contrairement aux mentions portées sur l'acte notarié du 24 octobre 1956 par lequel les anciens propriétaires ont donné procuration à un tiers pour la gestion de la propriété ; par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir l'Etat, la circonstance que l'autorisation préfectorale du lotissement ne mentionne pas un lot " voirie " ne fait pas obstacle à ce que la parcelle soit considérée comme faisant partie du lotissement et soit cadastrée à ce titre ;

- le cahier des charges du lotissement impose l'entretien collectif de la voie par les colotis et la possibilité de transfert de cette voie à la commune ; la commune se borne à produire un tableau relatif aux voies communales, sans apporter d'autres d'éléments quant à la façon dont la voie aurait été intégrée dans le domaine public communal ; cette voie n'est pas une voie communale ni une voie ouverte au public, et se trouve réservée à l'usage des colotis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juin 2023, la commune de Nîmes, représentée par Me Maillot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge du requérant la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient à titre principal que les conclusions en annulation présentées le 12 août 2020 devant le tribunal administratif par M. A..., contre les décisions du 3 juin 2020 et du 9 juillet 2020, étaient irrecevables dès lors que ces décisions sont confirmatives de décisions des 24 octobre 2018 et 10 décembre 2018 émanant respectivement du directeur départemental des finances publiques du Gard et du maire de Nîmes, lesquelles sont devenues définitives faute d'avoir été contestées dans le délai d'un an après l'intervention de ces décisions. A titre subsidiaire, la commune soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 22 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 avril 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

-le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code général des impôts ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de la voirie routière ;

- le décret n° 55-471 du 30 avril 1955 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Momas pour M. A... et de Me Castagnino pour la commune de Nîmes.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est propriétaire d'une parcelle avec habitation au sein du lotissement " Guiguonnet " situé rue B... Alexandre à Nîmes. Par un courrier du 18 septembre 2018, six des neuf colotis, parmi lesquels M. A..., ont demandé à la commune de Nîmes que " le lotissement soit interdit au public et que sa voie de desserte, la rue B... Alexandre, soit interdite à la circulation publique. ". Par un courrier du 10 décembre 2018, le maire de Nîmes a répondu à M. A... que la rue B... Alexandre figurait dans le cadastre révisé de 1970 comme appartenant au " domaine non cadastré " de la commune. Par un nouveau courrier du 3 juin 2020, le maire de Nîmes a répondu au Défendeur des droits, saisi par M. A..., " qu'aucun lot de voie privée n'avait été attribué à la création du lotissement " et que la demande tendant à ce que la rue B... Alexandre soit réservée à la circulation privée devait être rejetée. Par ailleurs, en réponse à sa demande du 16 octobre 2018, la direction départementale des finances publiques du Gard a également indiqué à M. A..., par courrier du 24 octobre 2018, que la rue B... Alexandre relevait du domaine non cadastré de la commune depuis les opérations de rénovation du plan de 1970. Par un autre courrier du 9 juillet 2020 le service départemental des impôts fonciers a rejeté la demande de M. A... tendant à ce qu'il soit apporté une correction cadastrale relative à la parcelle correspondant à la rue B... Alexandre et à ce qu'elle soit regardée comme une voie privée appartenant au lotissement. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation des décisions précitées du 3 juin 2020 et du 9 juillet 2020.

2. M. A... relève appel du jugement du 29 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur les conclusions en annulation de la décision du 9 juillet 2020 du directeur départemental des finances publiques du Gard :

3. Aux termes de l'article 8 du décret du 30 avril 1955 relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre : " La révision du cadastre est effectuée en comparant les données de celui-ci avec l'état actuel des propriétés et en constatant les changements survenus. (...) ". Aux termes de l'article 1402 du code général des impôts : " Les mutations cadastrales consécutives aux mutations de propriété sont faites à la diligence des propriétaires intéressés. Aucune modification à la situation juridique d'un immeuble ne peut faire l'objet d'une mutation si l'acte ou la décision judiciaire constatant cette modification n'a pas été préalablement publié au fichier immobilier ".

4. Les dispositions précitées ne font certes pas obstacle à ce que les énonciations du cadastre, qui ne constituent pas par elles-mêmes un titre de propriété, puissent, indépendamment des mutations cadastrales consécutives aux modifications de la situation juridique des immeubles, être rectifiées à la diligence de l'administration, lorsqu'elles sont entachées d'inexactitude. Toutefois, lorsque l'administration est saisie d'une demande tendant à la modification des énonciations portées sur les documents cadastraux relatives à la situation juridique d'une parcelle et qu'un litige s'élève sur le droit de propriété, elle est tenue de se conformer à la situation de propriété telle qu'elle a été constatée pour l'élaboration des documents cadastraux et ne peut que refuser la modification demandée tant qu'une décision judiciaire ou un accord entre les intéressés n'est pas intervenu. Ainsi, quand bien même il serait établi que les indications portées sur les documents cadastraux seraient erronées, l'administration ne peut les rectifier sans l'accord des propriétaires concernés, ou sans décision judiciaire constatant les limites respectives de leurs propriétés.

5. L'arrêté préfectoral du 8 avril 1957, autorisant le lotissement où se situe la rue B... Alexandre, prévoyait la création de neuf lots correspondant à des constructions sans identifier la voie litigieuse au cadastre. De plus, la fiche hypothécaire EV 44, dont il n'est pas établi au dossier qu'elle contiendrait des éléments erronés, fait état d'une division en neuf lots, d'une surface totale de 4 321 m2, du lotissement " Guiguonnet " sans mentionner la rue B... Alexandre parmi les lots constitutifs de ce lotissement. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la rue concernée est ouverte à la circulation publique et entretenue par la commune de Nîmes. Enfin, aucune décision du juge judiciaire n'est venue trancher la question de l'appartenance de la rue B... Alexandre au lotissement " Guiguonnet ".

6. Il résulte de ce qui précède que le directeur départemental des finances publiques était tenu de se conformer à la situation résultant des énonciations contenues dans les documents cadastraux et de rejeter la demande présentée par M. A... et d'autres colotis tendant à ce que la voie B... Alexandre soit regardée comme appartenant aux différents colotis du lotissement " Guiguonnet ", et à ce que soit attribué à cette voie un numéro de parcelle.

Sur les conclusions en annulation de la décision du 3 juin 2020 du maire de Nîmes :

7. Il résulte de ce qui précède que le maire de Nîmes ne pouvait faire droit à la demande de M. A... tendant à ce que la rue B... Alexandre soit interdite à la circulation publique et réservée à la circulation privée des colotis. Par ailleurs, M. A... ne fait état d'aucun motif de police qui permettrait le cas échéant au maire d'ordonner la fermeture à la circulation publique de la rue B... Alexandre en application des dispositions de l'article L. 2213-4 du code général des collectivités territoriales.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement du 29 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté ses conclusions à fin d'annulation des décisions des 3 juin et 9 juillet 2020.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. L'Etat et la commune de Nîmes n'étant pas, dans la présente instance, parties perdantes, les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être que rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros au profit de la commune de Nîmes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : M. A... versera la somme de 1 500 euros à la commune de Nîmes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la commune de Nîmes et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 17 septembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck,président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er octobre 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

F.Faïck

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00237
Date de la décision : 01/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Domaine - Domaine public - Consistance et délimitation.

Police - Police générale - Circulation et stationnement.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : MAILLOT - AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-01;23tl00237 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award