Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 14 décembre 2020 par laquelle le maire de Cers a refusé de le titulariser en fin de stage et d'enjoindre au maire de Cers de le réintégrer, de le titulariser et de reconstituer sa carrière.
Par un jugement n° 2100801 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette décision, a enjoint au maire de Cers de réintégrer M. A... en qualité de stagiaire et de reconstituer sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement, a mis à la charge de la commune de Cers une somme de 1 500 euros à verser au conseil du requérant et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 29 août 2022, un mémoire et des pièces complémentaires enregistrés respectivement le 7 mai et le 19 septembre 2024, ces derniers n'ayant pas été communiqués, la commune de Cers, représentée par Me Fischer de la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Cabinet Fischer, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er juillet 2022 ou, à titre subsidiaire, de le réformer ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de la décision de refus de titularisation du 14 décembre 2020 présentée par M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais liés à la première instance ;
4°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre de la procédure d'appel.
Elle soutient que :
- c'est à tort, par une erreur d'interprétation de la jurisprudence administrative, que le tribunal a estimé que les motifs de refus de titularisation étaient également susceptibles de constituer des motifs disciplinaires ;
- la décision de refus de titularisation n'avait pas à être précédée d'une procédure contradictoire ;
- en tout état de cause, l'absence de procédure contradictoire n'a pu exercer une influence sur le sens de la décision prise et ne constituait pas davantage une garantie pour l'agent de sorte que le vice de procédure ne pouvait être accueilli.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2023, M. B... A..., représenté par Me Hiault-Spitzer, pour la société civile professionnelle (SCP) Juris Excell, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Cers la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- au surplus, le moyen tiré du défaut de motivation peut également fonder l'annulation de son refus de titularisation ;
- il en va de même des moyens tirés l'inexactitude matérielle des griefs, du non-respect de la règle non bis in idem, de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation.
Par une décision du 20 septembre 2023, le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale a été maintenu de plein droit à M. A....
Par une ordonnance du 12 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 92-1194 du 4 novembre 1992 ;
- le décret n° 2006-1691 du 22 décembre 2006 ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Hiault-Spitzer représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., adjoint technique territorial non titulaire, depuis le 1er mars 2018, a été nommé stagiaire à compter du 1er janvier 2020 pour exercer ses fonctions au sein du service des espaces verts de la commune de Cers (Hérault). Par une décision du 14 décembre 2020, le maire de Cers a refusé de le titulariser au 31 décembre suivant. Par jugement n° 2100801 du 1er juillet 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ce refus de titularisation, a enjoint au maire de Cers de réintégrer M. A... en qualité de stagiaire et de reconstituer sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement et a rejeté le surplus de sa demande. La commune de Cers relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement contesté :
2. Hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de procédure ou de forme qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée, dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la commune de Cers ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'une erreur d'interprétation de la jurisprudence qu'auraient commise les premiers juges pour demander l'annulation du jugement contesté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par le jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article 4 du décret du 4 novembre 1992 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires stagiaires de la fonction publique territoriale : " La durée normale du stage et les conditions dans lesquelles elle peut éventuellement être prorogée sont fixées par les statuts particuliers des cadres d'emplois. / Sous réserve de dispositions contraires prévues par ces statuts et de celles résultant des articles 7 et 9 du présent décret, la durée normale du stage est fixée à un an. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Le fonctionnaire territorial stagiaire peut être licencié pour insuffisance professionnelle lorsqu'il est en stage depuis un temps au moins égal à la moitié de la durée normale du stage. / Le licenciement est prononcé après avis de la commission administrative paritaire compétente pour le cadre d'emplois dans lequel l'intéressé a vocation à être titularisé. / (...) ". Aux termes de l'article 8 du décret du 22 décembre 2006 portant statut particulier du cadre d'emplois des adjoints techniques territoriaux : " Les candidats recrutés en qualité d'adjoint technique territorial sur un emploi d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public d'une collectivité territoriale, ainsi que les candidats inscrits sur une liste d'aptitude au grade d'adjoint technique territorial principal de 2ème classe et recrutés sur un emploi d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public d'une collectivité territoriale, sont nommés stagiaires par l'autorité territoriale investie du pouvoir de nomination pour une durée d'un an. ". Aux termes de l'article 10 du même décret : " Les adjoints techniques territoriaux stagiaires et les adjoints techniques territoriaux principaux de 2ème classe stagiaires qui n'ont pas été autorisés à effectuer un stage complémentaire, ou dont le stage complémentaire n'a pas été jugé satisfaisant, sont soit licenciés s'ils n'avaient pas auparavant la qualité de fonctionnaire, soit réintégrés dans leur grade d'origine. ".
4. Un agent public ayant, à la suite de son recrutement ou dans le cadre de la formation qui lui est dispensée, la qualité de stagiaire se trouve dans une situation probatoire et provisoire. La décision de ne pas le titulariser en fin de stage est fondée sur l'appréciation portée par l'autorité compétente sur son aptitude à exercer les fonctions auxquelles il peut être appelé et, de manière générale, sur sa manière de servir, et se trouve ainsi prise en considération de sa personne.
5. L'autorité compétente ne peut donc prendre légalement une décision de refus de titularisation, qui n'est soumise qu'aux formes et procédures expressément prévues par les lois et règlements, que si les faits qu'elle retient caractérisent des insuffisances dans l'exercice des fonctions et la manière de servir de l'intéressé. Cependant, la circonstance que tout ou partie de tels faits seraient également susceptibles de caractériser des fautes disciplinaires ne fait pas obstacle à ce que l'autorité compétente prenne légalement une décision de refus de titularisation, pourvu que l'intéressé ait alors été mis à même de faire valoir ses observations.
6. Pour annuler le refus de titularisation de M. A..., le tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur le motif tiré de ce que cette décision, fondée en partie sur des griefs susceptibles de relever des manquements disciplinaires, a été prise en méconnaissance du principe du contradictoire.
7. Il ressort des pièces du dossier que le refus de titularisation de l'agent, outre l'inaptitude de ce dernier au travail en équipe, son manque d'organisation et d'intérêt, est également motivé par un refus d'obéissance hiérarchique constant, fait susceptible de caractériser une faute disciplinaire. Dans ces conditions, et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces produites et n'est pas davantage allégué par l'appelante que M. A... aurait été mis à même de faire valoir ses observations en défense antérieurement à l'arrêté contesté, la décision en litige méconnaît le principe du contradictoire et ce motif justifie l'annulation prononcée par les premiers juges.
8. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Cers n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du 14 décembre 2020 refusant la titularisation de M. A... et a enjoint à son maire de réintégrer M. A... en qualité de stagiaire et de reconstituer sa carrière dans un délai de deux mois à compter de la date de notification du jugement et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser au conseil du requérant.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que les sommes demandées par la commune de Cers au titre des frais exposés et non compris dans les dépens soient mises à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
10. En revanche, M. A... ayant obtenu le maintien du bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cers la somme de 1 500 euros à verser à Me Hiault-Spitzer en application de ces dispositions, sous réserve que cette dernière renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Cers est rejetée.
Article 2 : La commune de Cers versera à Me Hiault-Spitzer, avocate de M. A..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Cers en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cers, à M. B... A... et à Me Hiault-Spitzer.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 octobre 2024.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au préfet de l'Hérault, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22TL21881 2