Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 18 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2105148 du 30 mai 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 3 août 2023, M. B..., représenté par Me Chmani, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 mai 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 mai 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
La décision portant refus de séjour :
- est insuffisamment motivée ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien dont elle remplit toutes les conditions ;
- est entachée d'une erreur de droit, le préfet de la Haute-Garonne s'étant cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
La décision portant obligation de quitter le territoire français :
- est insuffisamment motivée ;
- est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de contradictoire préalable ;
- est dépourvue de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
La décision fixant le pays de renvoi :
- est insuffisamment motivée ;
La décision fixant le délai de départ volontaire :
- est insuffisamment motivée ;
- est entachée d'un vice de procédure, en l'absence de contradictoire préalable ;
- est dépourvue de base légale ;
- est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;
- est entachée d'une erreur de droit, le préfet s'étant cru en situation de compétence liée pour fixer le délai de départ volontaire ;
- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 octobre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mars 2024.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chalbos a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 1er janvier 1975, est entré en France le 10 mars 2017 et a bénéficié, après le rejet de sa demande d'asile, d'un certificat de résidence valable du 13 mars 2020 au 12 mars 2021, en raison de son état de santé, dont il a sollicité le renouvellement sur le fondement du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du 18 mai 2021, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. B... fait appel du jugement du 30 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation dirigée contre un tel arrêté.
Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 25 août 2023, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B.... Ses conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont ainsi devenues sans objet et il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne l'ensemble des décisions :
3. L'arrêté du 18 mai 2021 vise les textes dont il fait application ainsi que l'avis émis le 19 avril 2021 par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont il rappelle le contenu. Il mentionne en outre, dans le respect du secret médical, les éléments de fait relatifs à la situation personnelle de M. B... ayant présidé à son édiction. La décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été prise sur le fondement du 3° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte de la décision portant refus de séjour. En l'absence de demande en ce sens, le préfet n'avait pas à indiquer les motifs pour lesquels il n'a pas accordé un délai supérieur au délai de droit commun de trente jours pour exécuter volontairement la mesure d'éloignement. Enfin, l'arrêté, qui rappelle la nationalité de l'appelant, relève l'absence de risques pour ce dernier en cas de retour dans son pays d'origine. Il s'ensuit que le moyen tiré du défaut de motivation des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
4. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'un trouble anxiodépressif sévère dans un contexte de stress post-traumatique lié à une tentative d'homicide dont il a été victime. Son état de santé nécessite une prise en charge psychothérapeutique et un traitement antidépresseur composé d'Effexor, de Tercian et d'Olanzapine. Par un avis du 19 avril 2021, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Il a toutefois estimé qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, il pourrait effectivement y bénéficier d'un traitement approprié. Pour contester cet avis, M. B... fait état de l'indisponibilité du Tercian en Algérie, qui n'y est pas distribué. Le préfet justifie de la mise en œuvre, en Algérie, d'un plan national de santé mentale, ainsi que de l'existence de plusieurs médicaments de la même famille que le Tercian. L'appelant n'apporte quant à lui aucun élément tendant à démontrer l'absence de caractère substituable du traitement qui lui est dispensé en France. Les attestations médicales qu'il produit ne se prononcent d'ailleurs pas précisément sur la disponibilité du traitement en Algérie. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, la circonstance que l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 19 avril 2021 s'écarte d'un précédent avis rendu par la même instance ne suffit pas à le mettre en doute. Il s'ensuit, dans ces conditions, que l'appelant n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaîtrait les stipulations précitées du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
6. En deuxième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de la décision attaquée que le préfet de la Haute-Garonne se serait cru lié par l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
8. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., présent sur le territoire français depuis moins de quatre ans à la date de l'arrêté attaqué, conserve le centre de ses attaches privées et familiales en Algérie où résident sa compagne, ses trois enfants mineurs ainsi que ses parents, et où il a vécu la majeure partie de sa vie. Ainsi, et en dépit de l'exercice d'une activité professionnelle, il n'est pas fondé à soutenir que la décision attaquée porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.
10. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'absence de procédure contradictoire préalable doit être écarté par adoption des motifs pertinemment retenus par les premiers juges aux points 12 et 13 de leur jugement.
11. En troisième lieu, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
12. En premier lieu, pour assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français du délai de départ volontaire de droit commun de trente jours, le préfet de la Haute-Garonne n'était pas tenu d'inviter M. B... de présenter des observations de façon spécifique sur ce délai, dès lors que l'intéressé a été entendu dans le cadre de sa demande de titre de séjour et n'a pas sollicité l'octroi d'un délai de départ prolongé. Le moyen tiré de la méconnaissance du principe contradictoire doit donc être écarté.
13. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de départ volontaire.
14. En troisième lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes de l'arrêté attaqué que le préfet de la Haute-Garonne se serait abstenu de procéder à un examen réel et sérieux de la situation de M. B... ou qu'il se serait cru en situation de compétence liée pour fixer le délai de départ volontaire.
15. En quatrième et dernier lieu, M. B... ne fait état d'aucun élément de nature à révéler que le préfet de la Haute-Garonne aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne lui accordant pas un délai de départ volontaire supérieur au délai de droit commun, ce qu'il n'a au demeurant pas sollicité.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent donc également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Malika Chmani et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-BèthbéderLe greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL02004