Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... Teissier a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 17 août 2020 et la décision implicite par lesquelles le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a rejeté ses deux recours gracieux en date du 22 juin 2020 tendant à la revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du 1er mars 2018.
Par un jugement n° 2004714 du 10 juin 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé ces décisions en tant qu'elles refusaient à M. Teissier la revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du 3 février 2020 (article 1er), a enjoint au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse, s'il ne l'avait pas déjà fait, de verser à M. Teissier l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise majorée par l'indemnité pour charges pénitentiaires à compter du 3 février 2020 et jusqu'au jour du jugement, dans un délai de deux mois à compter de sa notification (article 2), a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. Teissier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 4).
Procédure devant la cour :
Par un recours, enregistré le 11 août 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, demande à la cour d'annuler ce jugement du 10 juin 2022.
Il soutient qu'ainsi que l'a retenu le tribunal, M. Teissier avait bien droit à la revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise, correspondant à une majoration de cette indemnité par l'indemnité pour charges pénitentiaires à compter du 3 février 2020, date à laquelle il a commencé à exercer ses nouvelles fonctions de régisseur des comptes nominatifs ; toutefois, la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 17 août 2020 a rappelé à M. Teissier qu'il bénéficiait depuis février 2020 d'une revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise correspondant à l'indemnité pour charges pénitentiaires du fait de ses fonctions de régisseur des comptes nominatifs.
En dépit de la mise en demeure lui ayant été adressée le 31 mars 2023 en application des dispositions de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, M. Teissier n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 13 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 11 juillet 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n°2014-513 du 20 mai 2014 ;
- l'arrêté du 19 mars 2015 pris pour l'application aux corps des secrétaires administratifs des administrations de l'Etat des dispositions du décret n°2014-513 du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. Teissier, secrétaire administratif du ministère de la justice, a été affecté à compter du 1er mars 2018 au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) en qualité de responsable du bureau de gestion de la détention et du bureau de liaison interne externe. Par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice du 10 décembre 2019, il a été nommé comme régisseur des comptes nominatifs au sein du même établissement à compter du 16 décembre 2019. M. Teissier a effectivement commencé à occuper ses nouvelles fonctions le 3 février 2020. Le 19 février 2020, il a reçu notification de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise. Par un premier recours gracieux du 22 juin 2020, M. Teissier a demandé au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse de revaloriser le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise en y intégrant rétroactivement, à compter du 3 février 2020, le montant de 242,50 euros mensuels correspondant selon lui à l'indemnité pour charges pénitentiaires due au titre de ses nouvelles fonctions de régisseur des comptes nominatifs. Le directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse a répondu à cette demande par un courrier du 17 août 2020. M. Teissier a formé un second recours gracieux, également daté du 22 juin 2020, par lequel il a demandé au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse de revaloriser son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise en y intégrant rétroactivement, à compter de sa mutation au centre pénitentiaire de Villeneuve-lès-Maguelone intervenue le 1er mars 2018, l'indemnité pour charges pénitentiaires due selon lui aux secrétaires administratifs exerçant leurs fonctions dans les services déconcentrés de l'administration pénitentiaire. Ce second recours gracieux a été implicitement rejeté. Le garde des sceaux, ministre de la justice relève appel du jugement du tribunal administratif de Montpellier du 10 juin 2022, en tant que celui-ci a annulé la décision datée du 17 août 2020 notifiée en main propre à M. Teissier le 1er septembre suivant et la décision implicite de rejet de son second recours gracieux du 22 juin 2020, en tant qu'elles refusent à M. Teissier la revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du 3 février 2020, a enjoint au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse de verser à M. Teissier l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise majorée par l'indemnité pour charges pénitentiaires à compter du 3 février 2020 et jusqu'au jour de ce jugement, dans un délai de deux mois à compter de sa notification et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. Teissier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier (...) d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise (...) / Des arrêtés du ministre chargé de la fonction publique, du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé désignent, après avis du comité technique compétent ou du Conseil supérieur de la fonction publique de l'Etat, des corps et emplois bénéficiant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, le cas échéant, du complément indemnitaire annuel mentionné à l'alinéa précédent ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Le montant de l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise est fixé selon le niveau de responsabilité et d'expertise requis dans l'exercice des fonctions. / Les fonctions occupées par les fonctionnaires d'un même corps ou statut d'emploi sont réparties au sein de différents groupes au regard des critères professionnels suivants : / 1° Fonctions d'encadrement, de coordination, de pilotage ou de conception ; / 2° Technicité, expertise, expérience ou qualification nécessaire à l'exercice des fonctions ; / 3° Sujétions particulières ou degré d'exposition du poste au regard de son environnement professionnel. / (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " L'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et le complément indemnitaire annuel sont exclusifs de toutes autres primes et indemnités liées aux fonctions et à la manière de servir, à l'exception de celles énumérées par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget ". L'arrêté du 19 mars 2015 pris pour l'application aux corps des secrétaires administratifs des administrations de l'Etat des dispositions du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat, s'appliquant en vertu de son annexe aux secrétaires administratifs relevant du ministère de la justice, a fixé les groupes de fonctions et les plafonds annuels y afférant mentionnés par les dispositions précitées dudit décret.
3. En appel, le ministre de la justice ne conteste pas le droit de M. Teissier à la revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise du fait de l'exercice de ses fonctions de régisseur des comptes nominatifs depuis le 3 février 2020. Il ressort toutefois des termes de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 17 août 2020 notifiée en main propre à M. Teissier le 1er septembre suivant que cette revalorisation a été accordée à M. Teissier à compter du mois de février 2020, le montant mensuel de cette indemnité étant passé de 372,36 euros à 443,19 euros. Dès lors, c'est à tort que les premiers juges ont retenu que M. Teissier n'avait pas obtenu cette revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du 3 février 2020 alors qu'il y avait droit pour prononcer l'annulation des décisions " des 1er septembre 2020 et implicites de rejet " des recours gracieux formés par M. Teissier, en tant qu'elles lui refusaient la revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du 3 février 2020.
4. Il appartient toutefois à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. Teissier en première instance au soutien de sa demande d'annulation des décisions portant rejet de ses recours gracieux du 22 juin 2020.
En ce qui concerne les autres moyens soulevés par M. Teissier devant le tribunal administratif :
5. En premier lieu, dès lors que les premiers juges n'ont annulé les décisions portant rejet des recours gracieux de M. Teissier qu'en tant qu'elles lui refusent une revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à raison de ses fonctions de régisseur des comptes nominatifs depuis le 3 février 2020 et que M. Teissier, qui n'a pas présenté de mémoire en appel, ne conteste pas le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions, les moyens présentés en première instance par M. Teissier afférents aux périodes antérieures au 3 février 2020 doivent être écartés comme inopérants.
6. En second lieu, M. Teissier soutient que le montant de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise devrait être augmenté annuellement de la somme de 2 860 euros, soit 238,33 euros par mois, correspondant à l'indemnité pour charges pénitentiaires due aux régisseurs des comptes nominatifs lorsque le montant cumulé des recettes des comptes nominatifs va de 1 000 000 à 3 000 000 euros. Toutefois, M. Teissier ne peut utilement se prévaloir du titre 4 de la circulaire du garde des sceaux du 22 novembre 2018 relative au régime indemnitaire de l'ensemble des personnels des services déconcentrés de l'administration pénitentiaire et de l'annexe 4 à laquelle il renvoie, qui concernent l'indemnité pour charges pénitentiaires versée aux personnels n'étant pas soumis au régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel. Dès lors, ce moyen doit être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le garde des sceaux, ministre de la justice est fondé à demander l'annulation de l'article 1er du jugement attaqué par lequel le tribunal administratif a annulé la décision du 17 août 2020 improprement datée du 1er septembre 2020 et la décision implicite de rejet du second recours gracieux formé par M. Teissier le 22 juin 2020, en tant qu'elles lui refusent la revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du 3 février 2020. Par voie de conséquence, il y a également lieu d'annuler les articles 2 et 3 dudit jugement, par lesquels les premiers juges ont, d'une part, enjoint au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse de verser à M. Teissier l'indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise majorée par l'indemnité pour charges pénitentiaires à compter du 3 février 2020 et jusqu'au jour de ce jugement, dans un délai de deux mois à compter de sa notification et, d'autre part, mis à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à M. Teissier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a enfin lieu de rejeter les conclusions de la demande présentée par M. Teissier devant le tribunal administratif de Montpellier auxquelles le jugement attaqué a fait droit.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement n° 2004714 du tribunal administratif de Montpellier sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. Teissier devant le tribunal administratif de Montpellier tendant à l'annulation de la décision du directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse du 17 août 2020 et de la décision implicite de rejet de son second recours gracieux, en tant qu'elles lui refusent la revalorisation de son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise à compter du 3 février 2020, à ce qu'il soit enjoint au directeur interrégional des services pénitentiaires de Toulouse de revaloriser son indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise pour y intégrer l'indemnité pour charges pénitentiaires à compter du 3 février 2020 et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au garde des sceaux, ministre de la justice et à M. A... Teissier.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22TL21799