Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... D... et Mme B... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a rejeté leur demande, reçue le 28 juillet 2021 tendant à l'abrogation de l'arrêté du 31 juillet 2020 portant détermination des zones caractérisées par une offre insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins concernant la profession de sage-femme, en tant qu'il classe en zones intermédiaires les bassins de vie de Clermont-l'Hérault, Paulhan, Gignac et Lodève, d'enjoindre au directeur de l'agence régionale de santé Occitanie d'abroger l'arrêté du 31 juillet 2020 dans cette mesure et de réexaminer le classement des bassins de vie concernés dans un délai de deux mois à compter du jugement à intervenir, et de mettre à la charge de l'agence régionale de santé Occitanie une somme de 1 500 euros à verser respectivement à chaque requérante, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2105513 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 8 novembre 2022, Mme A... D... et Mme B... C..., représentées par Me Betrom, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105513 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler la décision implicite par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Occitanie a rejeté leur demande d'abrogation de l'arrêté du 31 juillet 2020 ;
3°) d'enjoindre à l'agence régionale de santé Occitanie de procéder à l'abrogation de l'arrêté du 31 juillet 2020 en tant qu'il classe les quatre bassins de vie Clermont-L'Hérault, Paulhan, Gignac et Lodève en zone intermédiaire et de réexaminer le classement dans un délai de deux mois suivant la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'agence régionale de sante Occitanie une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le tribunal a à tort rejeté la demande d'abrogation, en ne tenant pas compte d'un changement de circonstances depuis l'édiction de l'arrêté attaqué, tenant à l'augmentation du nombre de sages-femmes dans les bassins de vie concernés ;
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant au classement des bassins de vie de Clermont-l'Hérault, Paulhan, Gignac et Lodève en zone intermédiaire, compte tenu du niveau élevé de dotation en sages-femmes de ces secteurs.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2023, l'agence régionale de santé Occitanie conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à la modulation dans le temps des effets d'une éventuelle annulation de l'arrêté du 31 juillet 2020.
Elle fait valoir que :
- la requête en appel n'est pas motivée, dès lors qu'elle se borne à reproduire les écritures de première instance de Mmes D... et C..., et doit être rejetée à raison de son irrecevabilité ;
- l'arrêté du 31 juillet 2020 fait l'objet d'une révision triennale en application de l'article R. 1434-43 du code de la santé publique et est valide jusqu'au 31 juillet 2023 ;
- le classement a été élaboré dans le respect de la procédure prévue par le code de la santé publique, et en tenant compte d'un grand nombre de variables dont ne tiennent pas compte les appelantes.
Par ordonnance du 19 juin 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 19 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- l'arrêté du 17 octobre 2019 relatif à la méthodologie applicable à la profession de sage-femme pour la détermination des zones prévues au 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 31 juillet 2020, le directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie a déterminé les zones caractérisées par une offre insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins concernant la profession de sage-femme. Mme D... et Mme C... ont formé, par courrier du 15 juillet 2021, réceptionné le 28 juillet 2021, une demande d'abrogation de cet arrêté, en tant qu'il classe en zones intermédiaires les bassins de vie de Clermont-l'Hérault, Paulhan, Gignac et Lodève situés dans le département de l'Hérault. Par un jugement du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le directeur de l'agence régionale de santé Occitanie a refusé de faire droit à cette demande d'abrogation. Mme D... et Mme C... relèvent appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, à supposer que les appelantes aient entendu soulever une erreur d'appréciation des premiers juges, un tel moyen se rapporte au bien-fondé du jugement et non à sa régularité et ne peut être utilement invoqué.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. Aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 243-2 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration est tenue d'abroger expressément un acte non réglementaire non créateur de droits devenu illégal ou sans objet en raison de circonstances de droit ou de fait postérieures à son édiction, sauf à ce que l'illégalité ait cessé. ".
4. Aux termes de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique, dans sa version applicable au présent litige : " Le directeur général de l'agence régionale de santé détermine par arrêté, après concertation avec les représentants des professionnels de santé concernés :/ 1° Les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins, pour les professions de santé et pour les spécialités ou groupes de spécialités médicales pour lesquels des dispositifs d'aide sont prévus en application du 4° du I de l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale ; / 2° Les zones dans lesquelles le niveau de l'offre de soins est particulièrement élevé, s'agissant des professions de santé pour lesquelles les conventions mentionnées à l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale ont prévu des mesures de limitation d'accès au conventionnement. Elles sont arrêtées dans le respect de la méthodologie déterminée dans ces conventions. / Dans les zones mentionnées aux 1° et 2° du présent article, sont mises en œuvre les mesures destinées à réduire les inégalités en matière de santé et à favoriser une meilleure répartition géographique des professionnels de santé (...) ". Aux termes de l'article L. 1434-6 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application de la présente section, notamment : (...) 4° Les conditions dans lesquelles les directeurs généraux des agences régionales de santé déterminent les zones prévues aux 1° et 2° de l'article L. 1434-4 du présent code, notamment les modalités de consultation préalable. ". Aux termes de l'article R. 1434-41 du même code : " I. - Le directeur général de l'agence régionale de santé détermine par arrêté pour chaque profession les zones prévues aux 1° et 2° de l'article L. 1434-4 selon les critères suivants et leur évolution prévisible sur trois ans : / 1° Le nombre, la répartition géographique par classe d'âge, le niveau d'activité et les modalités d'exercice des professionnels de santé en exercice ; / 2° Les caractéristiques sanitaires, démographiques et sociales de la population ; / 3° Les particularités géographiques ; / 4° La présence de structures de soins. / II. - Les indicateurs et les seuils ainsi que leurs modalités d'utilisation, applicables à la détermination des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins selon les critères et leur évolution précisés au I du présent article, sont fixés par un arrêté du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de la sécurité sociale. Le même arrêté précise les modalités de mise en œuvre des mesures prévues au quatrième alinéa de l'article L. 1434-4 au sein de ces mêmes zones. III. - La méthodologie applicable, pour chaque profession de santé concernée, à la détermination des zones où le niveau de l'offre de soins est particulièrement élevé est déterminée dans les conventions prévues à l'article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale. ".
5. Aux termes de l'annexe à l'arrêté du 17 octobre 2019 relatif à la méthodologie applicable à la profession de sage-femme pour la détermination des zones prévues au 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique : " Méthodologie de détermination des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins pour la profession de sage-femme libérale : Conformément aux dispositions du I de l'article R. 1434-41 du code de la santé publique, le directeur général de l'agence régionale de santé arrête les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins pour la profession de sage-femme. Conformément au II de l'article R. 1434-41 du code de la santé publique, ces zones sont déterminées selon la méthodologie définie ci-après. I. - Délimitation des zones Les zones caractérisées par une offre de soins insuffisante en sage-femme ou par des difficultés dans l'accès aux soins, au sens du 1° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique sont les zones très sous dotées et les zones sous dotées. (...) Conformément au III de l'article R. 1434-41 du code de la santé publique, les zones dans lesquelles le niveau de l'offre de soins en sage-femme est particulièrement élevé, au sens du 2° de l'article L. 1434-4 du code de la santé publique, sont déterminées selon la méthodologie définie dans la convention nationale des sages-femmes. / Les autres zones sont classées en zones intermédiaires. (...) III. - Sources des données (...) 3.2. Variables d'activité : Les informations sur l'activité et les honoraires des sages-femmes libérales sont issues des données du système national d'information inter régimes de l'assurance maladie (SNIIRAM) pour l'année 2017. 3.3. Variables administratives : - les variables par cabinet des sages-femmes libérales : fichier national des professionnels de santé (FNPS) de l'assurance maladie, décembre 2017 ; - la population féminine résidente : données du recensement INSEE, 2015. (...) IV. - Méthodologie : La méthodologie employée s'appuie sur l'indicateur d'Accessibilité potentielle localisée (APL). / L'indicateur APL s'exprime en nombre d'équivalents temps plein (ETP) accessibles pour 100 000 femmes standardisées (ETP/100 000 femmes). / L'indicateur APL est calculé au niveau du bassin de vie ou canton-ou-ville. (...). Chaque bassin de vie ou canton-ou-ville est ensuite classé en fonction de son indicateur d'APL. 4.1. Descriptif des variables utilisées dans le calcul de l'indicateur APL : Le nombre de sages-femmes en ETP : Le nombre de sages-femmes en ETP est calculé en fonction des honoraires remboursables par professionnel de santé dans l'année. L'activité de chaque sage-femme est rapportée à la médiane et ne peut excéder les honoraires du 85e percentile. Seule l'activité libérale des sages-femmes est prise en compte. Les sages-femmes âgées de 65 ans et plus ne sont pas prises en compte, ni celles avec une activité très faible (honoraires remboursables dans l'année inférieurs aux honoraires du 5e percentile). Les sages-femmes installées dans l'année sont comptabilisées pour un ETP. Les activités spécifiques des sages-femmes échographistes (ADE/KE) et des sages-femmes avec une activité en soins infirmiers (SFSI) ne sont pas prises en compte. soins infirmiers (SFI) ne sont pas prises en compte. (...) 4.2. Classement des bassins de vie/cantons-ou-villes : Les bassins de vie ou cantons-ou-villes sont classés par ordre croissant de leur niveau d'APL : les premiers bassins de vie ou cantons-ou-villes avec l'APL le plus faible et représentant 7,7 % de la population féminine française totale sont classés en zones très sous dotées ; les bassins de vie ou cantons-ou-villes suivants qui représentent 10,2 % de la population féminine française sont classés en zones sous dotées ; les bassins de vie ou cantons-ou-villes suivants qui représentent 60,4 % de la population féminine française sont classés en zones intermédiaires. 4.3. Gestion des bassins de vie/cantons-ou-villes situés sur plusieurs régions administratives (...) ". Cette même annexe dispose, concernant les conditions d'évolution de la détermination des zones : " : VI. - Evolution des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins pour la profession de sage-femme. Les arrêtés des directeurs généraux des agences régionales de santé relatifs à la détermination des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l'accès aux soins pour la profession de sage-femme peuvent être modifiés, après concertation prévue à l'article R. 1434-42 du code de la santé publique et avis de la commission paritaire régionale prévue à la convention nationale des sages-femmes, en tant que de besoin sur la base des données APL actualisées annuellement par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) et mises à disposition sur son site internet. Les modifications s'opèrent dans le respect des parts de population régionale figurant au point VII. ". Enfin, le point VII de l'annexe prévoit, pour la région Occitanie, une zone intermédiaire composée de 157 bassins de vie, couvrant 47,5% de la population régionale féminine et dont le seuil d'APL ne dépasse pas 20,3.
6. Par ailleurs, il résulte des termes de l'avenant n°4 à la convention nationale des sages-femmes signée le 11 octobre 2007 et tacitement renouvelée que la même méthodologie que celle définie par l'arrêté du 17 octobre 2019 s'applique pour la définition des " zones très dotées " ou " sur-dotées ".
7. Il résulte de la méthodologie définie par l'arrêté du 17 octobre 2019 et par l'avenant n°4 à la convention nationale des sages-femmes, d'une part, que les zones sont définies d'après le classement des bassins de vie en fonction de leur indicateur d'Accessibilité potentielle localisée (APL), d'autre part, que l'équivalent temps-plein de sages femmes pris en compte pour calculer l'indicateur APL n'est pas égal au nombre des sages-femmes intervenant sur un bassin de vie donné, mais est fonction du montant des honoraires remboursables du professionnel de santé dans son exercice libéral et sous réserve du respect de certaines conditions d'âge et d'exercice.
8. Il ressort des pièces du dossier que les bassins de vie de Clermont-L'Hérault, Gignac, Paulhan et Lodève, dont les indicateurs d'APL relevés sont respectivement de 19,13, de 18,10, de 16,78 et de 13,79, ont été classés par l'arrêté du 31 juillet 2020 en zone intermédiaire. Il est constant que, pour la définition de ces zonages, le directeur de l'agence régionale de santé Occitanie s'est fondé sur le classement des bassins de vie en fonction de leur indicateur d'accessibilité potentielle localisée, en application de l'arrêté du 17 octobre 2019 et de l'avenant n°4 à la convention nationale des sages-femmes. Si les données d'équivalent temps-plein de sage-femme prises en compte pour calculer l'indicateur d'APL pour ces quatre bassins de vie datent de 2017, les appelantes ne démontrent pas, par la seule énumération des différentes sages-femmes intervenant sur les territoires concernés, certaines intervenant d'ailleurs sur plusieurs bassins de vie, que ces données sont obsolètes, ni que les bassins de vie de Clermont-L'Hérault, Gignac, Paulhan et Lodève se caractérisent par un indicateur d'APL devenu supérieur à 20,3. Dès lors, les appelantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêté du directeur de l'agence régionale de santé Occitanie du 31 juillet 2020 serait devenu illégal du fait d'un changement de circonstances de fait. Par suite, la décision par laquelle cette autorité a implicitement refusé d'abroger son arrêté du 31 juillet 2020 en tant qu'il classe en zones intermédiaires les bassins de vie Clermont-l'Hérault, Paulhan, Gignac et Lodève n'est pas entachée d'illégalité.
9. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, Mmes D... et C... ne sont pas fondées à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions d'appel à fin d'annulation de la décision implicite du directeur de l'agence régionale de santé et à fin d'injonctions ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais exposés à l'occasion du litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'agence régionale de santé Occitanie, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mmes D... et C... au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme D... et de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... D..., à Mme B... C... et à l'agence régionale de santé Occitanie.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
La rapporteure,
V. Dumez-Fauchille
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22TL22210 2