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05/11/2024 | FRANCE | N°23TL00682

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 05 novembre 2024, 23TL00682


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne à leur verser une somme globale de 296 691,94 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident dont M. A... a été victime le 12 janvier 2016.

Par un jugement n° 2003173 du 25 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M.et Mme A....

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Par une requête enregistrée le 21 mars 2023, M. C... A... et Mme B... A..., représentés pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne à leur verser une somme globale de 296 691,94 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident dont M. A... a été victime le 12 janvier 2016.

Par un jugement n° 2003173 du 25 janvier 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de M.et Mme A....

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 21 mars 2023, M. C... A... et Mme B... A..., représentés par Me Carrière, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 janvier 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne à verser à M. A... une somme globale de 276 691,94 euros en réparation des préjudices subis à la suite de l'accident dont il a été victime le 12 janvier 2016 ;

3°) de condamner la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne à verser à Mme A... la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice sexuel qu'elle subit à la suite de l'accident dont son mari, M. A... a été victime le 12 janvier 2016.

M.et Mme A... soutiennent que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne est responsable de l'accident survenu à M. A... le 12 janvier 2016, lorsque ce dernier est tombé dans l'une des excavations, située au niveau de son poulailler, se trouvant sur son terrain, et dont l'apparition est la conséquence de travaux exécutés à la suite de l'explosion d'une partie d'une canalisation d'eau souterraine se trouvant sur sa propriété par la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne, société d'économie mixte titulaire d'une concession de service public relative au réseau d'irrigation de la commune de Mondonville ;

- M. A... est tiers par rapport à cet ouvrage public, si bien que la responsabilité sans faute de la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne est engagée pour l'accident survenu le 12 janvier 2016, d'autant que le trou dans lequel M. A... est tombé a été mal rebouché et non protégé ;

- sa femme et sa fille, qui étaient présentes sur les lieux et l'ont secouru, ont produit des attestations, le 13 octobre 2016, décrivant les circonstances de sa chute dans une excavation ;

- la présence de ces excavations est attestée par différents procès-verbaux de constat d'huissier ;

- cette chute lui a occasionné une hernie inguinale droite laquelle, selon l'expert désigné par le tribunal administratif, est bien imputable à cet accident ;

- le dommage, notamment corporel, qu'il a subi est anormal, et en relation de causalité directe avec le défaut de remise en état de la parcelle de terre sous laquelle les travaux sur la canalisation ont été effectués ;

- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, il ne peut être regardé comme ayant commis une faute qui exonérerait la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne de sa responsabilité ; en effet, aucun élément n'établit que l'accident aurait eu lieu en journée, l'accident s'étant au contraire produit en janvier 2016 à 18 h 30, soit de nuit, et il n'a donc pas pu, malgré une bonne connaissance du terrain, distinguer l'excavation ;

- par ailleurs, les photographies des lieux montrent bien que le trou se situe en majeure partie à l'intérieur de l'enclos des volailles et non, comme l'ont considéré à tort les premiers juges, contre et sous le grillage ; le trou se situe donc bien sur un lieu de passage ; aucune imprudence ne peut lui être imputée ;

- il avait indiqué à plusieurs reprises l'existence de ces crevasses à la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne, qui n'y a pas remédié et n'a pas pris de mesures pour signaler les excavations ;

- M. A... a subi un déficit fonctionnel temporaire évalué à 3 693,50 euros, un déficit fonctionnel permanent évalué à 7 500 euros, des souffrances à hauteur de 12 000 euros, un préjudice esthétique à hauteur de 1 500 euros, un préjudice d'agrément évalué à 2 000 euros, un préjudice sexuel évalué à 20 000 euros, une perte de gains professionnels à hauteur de 19 761,17 euros, une perte de gains professionnels futurs à hauteur de 147 737,77 euros, ainsi qu'un préjudice lié à l'incidence professionnelle de l'accident évalué à 60 000 euros ;

- Mme A... a subi et subit un préjudice sexuel à hauteur de 20 000 euros.

Par un mémoire enregistré le 7 juillet 2023, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, représentée par Me Noy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 25 janvier 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;

2°) de condamner la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne à lui verser la somme de 189 231,78 euros au titre du remboursement des prestations servies à M. A..., assortie des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de son premier mémoire devant le tribunal administratif ;

3°) de condamner la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne à lui verser une somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

4°) de mettre à la charge de la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne le paiement d'une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne soutient que :

- le lien entre l'accident et la présence d'un ouvrage public est établi, ainsi que le dommage anormal subi par M. A..., qui n'a commis aucune faute ; la responsabilité de la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne doit donc être engagée ;

- elle dispose d'un recours subrogatoire, sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, afin d'obtenir le remboursement des prestations servies à son assuré social à l'encontre du tiers responsable ;

- à la date du 16 janvier 2020, sa créance afférente aux prestations servies à M. A... s'élève à 189 231,78 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 juillet 2023, la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne, représentée par Me Soulié, conclut au rejet de la requête de M. et Mme A... et à ce qu'il soit mis à leur charge le paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 11 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 30 septembre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,

- et les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... sont propriétaires de la parcelle n° AE 336 située à Mondonville (Haute-Garonne), grevée d'une servitude de passage d'une canalisation d'eau souterraine exploitée par la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne, société d'économie mixte titulaire d'une concession de service public pour l'entretien et l'exploitation du réseau d'irrigation. A la suite de l'explosion d'une partie de cette canalisation, des travaux ont été exécutés par la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne sur le terrain de M. et Mme A.... M. A... soutient que, le 12 janvier 2016, alors qu'il circulait sur son terrain, il est tombé dans une excavation, située au niveau de son poulailler, laissée après les travaux de réparation de la canalisation. Une hernie inguinale droite lui a ensuite été diagnostiquée. Après deux expertises ordonnées par le juge des référés du tribunal administratif de Toulouse, dont les rapports ont été déposés les 28 avril 2017 et 1er décembre 2019, et après présentation, le 9 mars 2020, d'une demande indemnitaire préalable auprès de la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne restée sans réponse, M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner cette société à leur verser une indemnité globale de 296 691,94 euros au titre des préjudices subis.

2. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 25 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leur demande.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel.

4. Les premiers juges ont considéré que la réalité de la chute de M. A... dans une excavation ayant pour origine les travaux publics exécutés par la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne était établie. Toutefois, pour rejeter la demande dont il était saisi, le tribunal administratif de Toulouse a considéré que M. A..., compte tenu de la connaissance qu'il avait des lieux, à tout le moins depuis le 30 juillet 2015, date à laquelle il avait fait établir un constat d'huissier montrant l'excavation dans laquelle il aurait chuté, et alors que l'accident avait eu lieu de jour, ne pouvait ignorer la présence de cette excavation qui, en outre, n'était pas située sur un lieu de passage dès lors qu'elle se trouvait contre et sous la clôture du poulailler, et non à l'entrée de celui-ci. Les premiers juges ont, dès lors, considéré que M. A... avait commis une imprudence fautive qui devait exonérer de toute responsabilité la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne.

5. Les appelants, pour contester le motif sur lequel le tribunal administratif s'est fondé, font valoir en appel que l'accident du 12 janvier 2016 aurait eu lieu à 18 h 30, soit de nuit, et qu'ainsi l'excavation dans laquelle M. A... a chuté n'était pas visible. Toutefois, les éléments produits par M. et Mme A... ne permettent pas d'estimer de façon suffisamment probante que la chute à l'origine du litige se serait effectivement produite de nuit. A cet égard, les attestations rédigées par l'épouse et la fille de M. A... les 8 et 13 octobre 2016, soit plusieurs mois après l'accident, sont peu circonstanciées, notamment en ce qu'elles n'indiquent pas l'heure à laquelle l'accident se serait produit. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la chute dont M. A... a été la victime sur son propre terrain, dont il ne pouvait ignorer en outre les caractéristiques, trouve son origine dans une imprudence fautive de nature à exonérer la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne de sa responsabilité.

6. Au demeurant, si M. A... impute la hernie inguinale dont il souffre à la chute dont il a été la victime, ce lien, s'il a été reconnu par le premier expert désigné par le tribunal administratif, a été écarté par le second expert désigné.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté leurs demandes.

8. Par voie de conséquence du rejet de la requête de M.et Mme A..., les conclusions indemnitaires présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne ne peuvent être que rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante. Dès lors, les conclusions présentées sur ce fondement par M. et Mme A... et par la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne doivent être rejetées.

10. En revanche, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de M. et Mme A... la somme de 1 500 euros à verser à la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A..., ainsi que les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne, sont rejetées.

Article 2 : M. et Mme A... verseront la somme de 1 500 euros à la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., à Mme B... A..., à la compagnie d'aménagement des coteaux de Gascogne et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Garonne.

Copie en sera délivrée à la Mutuelle du rempart.

Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck,président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00682
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

67-02-02-03 Travaux publics. - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics. - Régime de la responsabilité. - Qualité de tiers.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MAUVEZIN SOULIE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;23tl00682 ?
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