Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B..., a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de la décision du 25 juillet 2022 du préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement, et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois.
Par un jugement n° 2204384 du 4 octobre 2022, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 juin 2023, Mme B... représentée par Me Mazas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 octobre 2022 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 juillet 2022 du préfet de l'Hérault portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement, et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois ;
3°) d'enjoindre à titre principal, au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation, et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'État le paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen invoqué sur le fondement de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, faute de mentionner que son mari avait l'autorité parentale sur un enfant de nationalité française, issu d'un premier mariage, et dont il participait à l'éducation et subvenait à ses besoins ;
- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée dans la mesure où elle vise à tort l'article L 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne vise pas l'article L 423-23 du même code qui constitue le fondement de sa demande d'admission au séjour au titre de sa vie privée et familiale ;
- l'obligation de quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales alors même qu'elle aurait pu bénéficier du regroupement familial ; en effet, son mari se trouve en situation régulière en France, et elle n'a plus d'attaches familiales en Arménie ; elle était par ailleurs enceinte à la date de la décision attaquée ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant dès lors qu'elle était enceinte à la date de la décision attaquée et que cette décision méconnait donc l'intérêt supérieur de l'enfant à naître ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard des risques qu'elle encourt en cas de retour en Arménie ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant de son enfant à naître dès lors qu'il sera éloigné de son père dès lors que son mari a l'autorité parentale sur un enfant de nationalité française, issu d'un premier mariage, et dont il participe à l'éducation et subvient à ses besoins ;
- la décision lui interdisant de retourner sur le territoire français pendant une période de quatre mois est entachée d'une erreur d'appréciation compte tenu du fait qu'elle vit en France depuis près de trois ans, n'a jamais fait l'objet d'une mesure d'éloignement, qu'elle vit maritalement avec un étranger en situation régulière en France et qu'elle ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
Par un mémoire en défense enregistré le 30 octobre 2023, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête de Mme B....
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par une décision du 24 mai 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à Mme B... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention internationale des droits de l'enfant ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Pierre Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante arménienne née le 9 novembre 1982, est entrée en France irrégulièrement, à une date qu'elle indique être le 27 septembre 2021. Le 5 octobre 2021, elle a présenté une demande d'asile. Après le rejet de sa demande d'asile, par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 avril 2022, le préfet de l'Hérault a pris à son encontre un arrêté du 25 juillet 2022 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement, et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois.
2. Par un jugement du 4 octobre 2022, dont Mme B... relève appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 25 juillet 2022.
Sur la régularité du jugement :
3. Il ressort des pièces du dossier que, dans sa demande devant le tribunal administratif, Mme B... s'est seulement prévalue, sur le fondement de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, de son état de grossesse et de ce que l'obligation de quitter le territoire porterait atteinte à l'intérêt supérieur de son enfant à naître au regard de ces stipulations. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le premier juge aurait entaché son jugement d'une insuffisance de motivation en répondant à ce moyen sans évoquer la circonstance, qu'elle n'avait pas invoquée, selon laquelle son mari ne pouvait quitter la France dès lors qu'il avait l'autorité parentale sur un enfant de nationalité français issu d'un premier mariage, à l'éducation et aux besoins duquel il subvenait. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit donc être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire :
En ce qui concerne la légalité externe :
4. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment les articles L. 611-1, L. 611-3 de ce code dont le préfet a fait application, ainsi que les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La circonstance que l'arrêté a visé, au prix d'une simple erreur matérielle, l'article L. 423-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il fait application de l'article L 423-23 du même code, après avoir fait état d'une demande d'admission au séjour présentée par l'intéressée le 4 janvier 2022 au titre de sa vie privée et familiale, est dépourvue par elle-même d'incidence quant au respect de l'obligation de motivation. Par suite, cette décision est suffisamment motivée en droit.
5. Par ailleurs, l'obligation de quitter le territoire énonce les faits sur lesquels le préfet de l'Hérault a entendu se fonder, tenant au rejet de la demande d'asile présentée par Mme B..., et au fait que cette dernière a vécu la majeure partie de sa vie dans son pays d'origine où elle ne démontrait pas être isolée, et où elle pourrait vivre. Le préfet en a conclu qu'il n'était pas porté une atteinte disproportionnée au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, l'obligation de quitter le territoire français en litige est également suffisamment motivée au regard des éléments de fait.
En ce qui concerne la légalité interne :
6. En premier lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. Pour l'application de ces stipulations et dispositions, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
8. Mme B..., qui est entrée en France irrégulièrement à une date qu'elle indique être le 27 septembre 2021, n'a été admise au séjour en France, le 5 octobre 2021, que du fait de la présentation d'une demande d'asile, rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 avril 2022. Si elle se prévaut de la présence en France de son conjoint, également de nationalité arménienne, en situation régulière en France, et avec lequel elle est mariée depuis le 17 août 2020, elle ne conteste pas le fait, ainsi que l'a indiqué le préfet dans la décision attaquée et comme l'a relevé le premier juge, qu'elle ne justifiait pas de l'absence d'attaches familiales en Arménie, de la possibilité d'y retourner vivre et d'une intégration suffisante sur le territoire français où elle séjournait depuis moins d'un an à la date de la décision du préfet. Eu égard au caractère récent de son mariage à la date de la décision attaquée, et au fait qu'elle a passé l'essentiel de son existence dans son pays d'origine qu'elle a quitté à l'âge de 39 ans, Mme B..., alors même que son conjoint du fait qu'il exerce l'autorité parentale sur un enfant de nationalité française issu d'un premier mariage ne pourrait quitter la France, n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. En second lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Toutefois, seule la circonstance selon laquelle Mme B... était en état de grossesse à la date de l'arrêté attaqué ne lui permet pas d'invoquer utilement les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant à raison, dans son cas précis, d'un enfant à naître.
Sur la décision de fixation du pays de destination de la mesure d'éloignement :
10. En premier lieu, eu égard à ce qui a été exposé précédemment à propos de l'obligation de quitter le territoire français, le moyen invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, par voie d'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire, doit être écarté.
11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (...) ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
12. Si l'appelante se prévaut de ces dispositions et de ces stipulations, elle n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments quant aux risques auxquels elle s'exposerait en cas de retour dans son pays d'origine, alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 22 avril 2022 dont elle ne soutient au demeurant pas qu'elle ne serait pas devenue définitive. Le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, donc être écarté.
13. En troisième lieu, le moyen invoqué à l'encontre de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement, sur le fondement de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant est, pour les motifs exposés au point 9 du présent arrêt, inopérant.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
14. L'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
15. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault, qui a apprécié l'ensemble des éléments décrits précédemment caractérisant la situation particulière de Mme B..., aurait commis une erreur d'appréciation, au regard des quatre critères prévus par les dispositions précitées de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en prononçant une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée limitée à quatre mois. Par suite, le moyen invoqué à cet égard par l'appelante doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande et à solliciter en conséquence l'annulation de l'arrêté en litige du 25 juillet 2022 du préfet de l'Hérault. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
Le rapporteur,
P. Bentolila
La greffière,
C. Lanoux
Le président,
F. Faïck
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23TL01540 2