Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée, d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Par un jugement n°2202731 du 19 septembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 août 2023, Mme B... A..., représentée par Me Mazas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 septembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 août 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé et comporte des éléments erronés dans l'analyse des conclusions et moyens relatifs à l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de l'arrêté du préfet de l'Hérault sur sa situation personnelle ;
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux et du défaut d'examen réel et complet de sa situation ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;
- elles sont entachées d'un défaut d'examen réel et complet de sa situation ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elles emportent sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît les articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.
Par une ordonnance du 20 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 18 septembre 2024 à 12 heures.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante albanaise née le 25 juin 2003 à Shkoder (Albanie), est entrée sur le territoire français selon ses déclarations en février 2018, accompagnée de ses parents et de sa sœur aînée. Le 2 juillet 2021, elle a sollicité la délivrance d'un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale ou, subsidiairement, en qualité d'étudiante. Par un arrêté du 24 août 2021, le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme A... relève appel du jugement du 19 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés. ". Le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments exposés par les parties, a écarté, avec une motivation suffisante, aux points 2 et 5 du jugement, les moyens invoqués par Mme A... tirés de ce que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire contenues dans l'arrêté du préfet de l'Hérault du 24 août 2021 étaient insuffisamment motivées, qu'elles n'avaient pas été précédées d'un examen réel et sérieux de sa situation et qu'elles étaient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elles emportent sur sa situation personnelle. Par ailleurs, si l'intéressée critique la teneur de la réponse apportée au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences des décisions précitées sur sa situation personnelle, une telle contestation relève du bien-fondé du jugement attaqué et non de sa régularité. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularités.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français :
3. En premier lieu, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français contenues dans l'arrêté du préfet de l'Hérault du 24 août 2021 visent les textes dont le préfet a entendu faire application. De plus, elles mentionnent les éléments de fait relatifs à la situation personnelle de Mme A..., notamment la date alléguée de son entrée en France, le rejet des demandes d'asile formées respectivement par son père, sa mère et sa sœur aînée, l'obligation de quitter le territoire français assortie d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois prononcée à l'encontre de sa mère le 28 juillet 2020, dont la légalité a été confirmée par un jugement du 30 août 2020, l'obligation de quitter le territoire français, également assortie d'une interdiction de retour de quatre mois prise à l'encontre de sa sœur le 1er décembre 2020, l'absence d'exécution de ces mesures d'éloignement, la bourse nationale d'études du second degré dont elle bénéficie, le fait qu'elle est célibataire et sans enfant, que l'intégralité de sa famille se maintient irrégulièrement sur le territoire français, qu'elle est dépourvue de visa de long séjour et qu'elle ne peut être exemptée de la présentation d'un tel visa, nécessaire à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étudiante, qu'elle ne justifie pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant son admission exceptionnelle au séjour et qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, et alors que contrairement à ce que soutient Mme A..., le préfet n'était pas tenu de mentionner de manière exhaustive son parcours scolaire et les violences conjugales subies par sa mère ayant donné lieu au dépôt d'une plainte pénale, les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont suffisamment motivées.
4. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de l'arrêté litigieux ni d'aucune autre pièce du dossier que le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à un examen sérieux et complet de la situation personnelle de Mme A.... En particulier, la circonstance que l'arrêté ne mentionne pas de manière détaillée le parcours scolaire de l'intéressée et la plainte pénale concernant les violences conjugales commises par son père sur sa mère n'est pas de nature à caractériser par elle-même un défaut d'examen réel et complet de sa situation.
5. En troisième lieu, Mme A... soutient être entrée sur le territoire français en février 2018, à l'âge de 14 ans, accompagnée de ses parents et de sa sœur aînée. Depuis son entrée sur le territoire, elle est scolarisée et avait au jour de l'arrêté litigieux terminé sa classe de première en sciences et technologies du management et de la gestion. Si elle verse au dossier plusieurs attestations faisant état de son sérieux et de son implication scolaire, elle n'établit toutefois pas que sa scolarité ne pourrait se poursuivre dans son pays d'origine, où elle ne conteste pas avoir été scolarisée avant son arrivée en France. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que le 31 juillet 2018, sa mère a porté plainte contre son père pour des faits de violences conjugales. A la suite de cette plainte, elle a été auditionnée comme témoin par les services de gendarmerie et a ensuite bénéficié d'une prise en charge par l'association AMAC, à Béziers afin de surmonter le traumatisme qu'elle décrit avoir subi. Si Mme A... se prévaut de la présence sur le territoire de sa mère et de sa sœur, il ressort toutefois des pièces du dossier que leurs demandes d'asile ont été définitivement rejetées et qu'elles ont fait l'objet, respectivement les 28 juillet et 1er décembre 2020, d'arrêtés du préfet de l'Hérault les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et interdisant leur retour sur le territoire français pour une durée de quatre mois à compter de l'exécution de ces mesures d'éloignement. Leurs recours contentieux formés contre ces décisions ont été rejetés par le tribunal administratif de Montpellier, puis par la cour administrative d'appel de Marseille. Ainsi, sa mère et sa sœur se maintiennent irrégulièrement sur le territoire et n'ont pas vocation à y demeurer. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elles emportent sur la situation personnelle de Mme A....
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
6. Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".
7. Mme A... soutient encourir un risque d'être exposée à des violences de la part de son père en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, il ressort des termes de sa demande de titre de séjour, en date du 26 avril 2021, que l'intéressée a déclaré ne plus avoir aucun contact avec son père, dont elle ne connaissait ni la situation, ni la localisation. Dès lors, Mme A... ne saurait être regardée comme établissant être directement et personnellement exposée à un risque de subir des traitements contraires aux stipulations et dispositions précitées en cas de retour en Albanie. Par suite, la décision fixant le pays de renvoi ne méconnait ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni les dispositions précitées de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
8. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / (...) ".
9. Si Mme A... soutient qu'un délai de départ volontaire supérieur au délai de droit commun de trente jours aurait dû lui être accordé afin d'obtenir son diplôme du baccalauréat, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'arrêté attaqué a été édicté le 24 août 2021, soit avant-même que l'intéressée n'entame l'année scolaire lui permettant de se présenter aux épreuves du baccalauréat. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en ne lui accordant pas un délai de départ supérieur à trente jours, le préfet aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Hérault du 24 août 2021. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles relatives aux frais liés au litige doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Mazas et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 novembre 2024.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL02133