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14/11/2024 | FRANCE | N°23TL02298

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 14 novembre 2024, 23TL02298


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que la décision du 20 janvier 2023 rejetant le recours gracieux dirigé contre cet acte.



Par un jugement n° 2300896 du 9 mai 2023, le tribunal administra

tif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que la décision du 20 janvier 2023 rejetant le recours gracieux dirigé contre cet acte.

Par un jugement n° 2300896 du 9 mai 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 8 septembre 2023 et le 30 septembre 2024, M. A..., représenté par Me Mazas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 novembre 2022 du préfet de l'Hérault, ainsi que la décision du 20 janvier 2023 rejetant le recours gracieux dirigé contre cet acte ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, s'agissant de la réponse apportée aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions contestées, de l'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle, ainsi que de la méconnaissance du droit au respect de sa vie privée et familiale et de l'intérêt supérieur de l'enfant ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elles méconnaissent les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision de rejet du recours gracieux est insuffisamment motivée ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen réel et complet de sa situation ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 10 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2024.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité marocaine, fait appel du jugement du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, ainsi que de la décision du 20 janvier 2023 rejetant le recours gracieux dirigé contre cet acte.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant. Elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est né le 9 mars 1991 et qui démontre résider en France depuis le début de l'année 2021, s'est marié le 3 avril 2021 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident d'une durée de validité de dix ans, valable jusqu'au 22 avril 2026. La fille aînée de cette dernière, qui est née le 24 avril 2008, est scolarisée en France depuis 2012 et s'est vu reconnaître en 2020 un taux d'incapacité entre 50 et 79 % avec une station debout pénible. En conséquence, l'épouse de M. A..., qui d'ailleurs bénéficie du statut d'auto-entrepreneur dans le domaine de la vente et dispose en France de fortes attaches familiales, doit être regardée comme ayant vocation à demeurer sur le territoire national. Il n'est par ailleurs pas contesté que M. et Mme A... pourvoient à l'entretien et à l'éducation de l'enfant né de leur union le 18 novembre 2021. Il s'en déduit que l'exécution de l'arrêté du préfet portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français aurait pour effet soit de priver cet enfant de la présence de son père pour le cas où il resterait en France aux côtés de sa mère, soit de la présence de sa mère dans le cas inverse où il accompagnerait son père dans son pays d'origine. Dans ces conditions, alors même que l'appelant relevait des catégories ouvrant droit au regroupement familial, l'arrêté du 2 novembre 2022 du préfet de l'Hérault porte une atteinte excessive à l'intérêt supérieur de l'enfant commun de M. et Mme A.... Il a donc méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, y compris ceux qui sont relatifs à la régularité du jugement, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard à ses motifs, la délivrance, à M. A..., d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Hérault de procéder à cette délivrance dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

6. M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 août 2023. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement au conseil de l'appelant, sous réserve qu'il renonce à la contribution de l'État à l'aide juridictionnelle, de la somme réclamée de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2300896 du 9 mai 2023 du tribunal administratif de Montpellier, l'arrêté du préfet de l'Hérault du 2 novembre 2022 et la décision du 20 janvier 2023 de rejet du recours gracieux dirigé contre cet acte sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Hérault de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, ainsi que, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera au conseil de M. A..., sous réserve qu'il renonce à percevoir la contribution de l'État à l'aide juridictionnelle, la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Sophie Mazas et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 24 octobre 2024, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL02298 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02298
Date de la décision : 14/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : CABINET D'AVOCAT MAZAS

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-14;23tl02298 ?
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