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26/12/2024 | FRANCE | N°23TL01315

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 26 décembre 2024, 23TL01315


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous l

a même astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'auto...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale, d'enjoindre à cette autorité de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte, et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2103619 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 juin 2023, M. A... B..., représenté par Me Bifeck, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2103619 du tribunal administratif de Nîmes du 20 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 6 septembre 2021 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour au titre de sa vie privée et familiale ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, et à défaut, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, en application de l'article L. 911-2 du même code, de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Nîmes du 20 avril 2023 comporte une motivation erronée et méconnaît l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- il est entaché d'irrégularité en ce qu'il ne vise pas le document produit postérieurement à l'audience ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation et d'erreur de droit en ce qu'il a écarté le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 423-13 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation quant à son comportement au regard de l'ordre public et à ses liens familiaux au Maroc ;

- l'arrêté attaqué n'est pas suffisamment motivé, en méconnaissance des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, du fait de l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- il méconnaît l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de l'intensité de ses liens familiaux en France, de l'ancienneté de son séjour sur le territoire français, de son insertion, de ses conditions d'existence et de ce qu'il ne présente pas un comportement délictuel récurrent ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en ce qu'il ne respecte pas l'équilibre des intérêts en présence, tenant à son droit au respect de sa vie familiale, d'une part, la protection de l'ordre public et la prévention des infractions pénales, d'autre part ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il se fonde sur ce qu'il ne rapporte pas la preuve de son entrée en France en 2006, ne démontre pas la continuité de son séjour n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales au Maroc et sur ce qu'il présenterait un comportement délictuel récurrent.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2023, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 3 avril 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 26 avril 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain né le 21 novembre 2001, est entré en France le 20 avril 2006, selon ses déclarations. Il a sollicité, le 8 juin 2020, la délivrance d'un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale. Par arrêté du 6 septembre 2021, la préfète du Gard a refusé de délivrer le titre sollicité. Par jugement du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de M. B... tendant notamment à l'annulation de cet arrêté. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-9 ou L. 426-5 à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ;... ".Aux termes de l'article L. 423-23 du même code : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour, lorsqu'il envisage de refuser un titre mentionné à l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un tel titre, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels les dispositions précitées renvoient.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré sur le territoire national en 2006, à l'âge de 5 ans, et a, depuis, été continûment scolarisé dans des établissements scolaires nîmois, avant de suivre une formation en apprentissage jusqu'en septembre 2020. Il est hébergé chez ses parents, qui, titulaires d'une carte de résident, vivent régulièrement en France, où résident également ses frères et sœur, dont deux sont de nationalité française, et deux sont titulaires de cartes de résident. Eu égard à l'ancienneté et aux conditions de son séjour en France, où M. B... a passé la majeure partie de sa vie, et à la nature et au degré d'intensité des attaches familiales dont il dispose sur le territoire français, M. B... remplit les conditions prévues par l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le préfet était tenu de saisir de son cas la commission du titre de séjour, sans que puisse y faire obstacle la circonstance que sa présence constituerait une menace à l'ordre public. Faute d'avoir été précédé de cette consultation, l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure qui, eu égard à la garantie que cette consultation constitue pour l'intéressé, en justifie l'annulation.

5. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens invoqués, M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

6. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, mais seulement, qu'il soit procédé au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Gard de statuer à nouveau sur cette demande, après avoir saisi pour avis la commission du titre de séjour, dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée. Il y a également lieu d'ordonner au préfet du Gard de remettre à l'intéressé dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

7. En premier lieu, M. B... n'établit pas avoir exposé des dépens dans la présente instance. Ses conclusions tendant à mettre les dépens à la charge de l'Etat doivent être rejetées.

8. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros à verser à M. B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n°2103619 du tribunal administratif de Nîmes du 20 avril 2023 et l'arrêté de la préfète du Gard du 6 septembre 2021 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Gard de procéder au réexamen de la demande de M. B... dans un délai de quatre mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans un délai de huit jours à compter de la même date, une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 10 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2024 .

La rapporteure,

V. Dumez-Fauchille

La présidente,

A. Geslan-Demaret

La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01315
Date de la décision : 26/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Virginie Dumez-Fauchille
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : BIFECK

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-26;23tl01315 ?
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