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26/12/2024 | FRANCE | N°23TL01492

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 26 décembre 2024, 23TL01492


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2203365 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 22 juin 2023, M. B..., représenté par Me Youchenko, demande à la cour :

1°) ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2203365 du 7 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 juin 2023, M. B..., représenté par Me Youchenko, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 février 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 juin 2022 du préfet de Vaucluse ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, de lui délivrer, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour assortie d'une autorisation de travail et de prendre une décision dans un délai de deux mois ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le rapport médical transmis au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration était incomplet ;

- le préfet s'est estimé lié par l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;

- la décision de refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également les dispositions de l'article L. 435-1 du même code ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par ordonnance du 8 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 5 janvier 2024.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité marocaine, a obtenu, en raison de son état de santé, une autorisation provisoire de séjour, valable du 25 septembre 2018 au 24 mars 2019, ainsi qu'une carte de séjour temporaire valable jusqu'au 18 juin 2020. Il fait appel du jugement du 7 février 2023 du tribunal administratif de Nîmes, qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 juin 2022 par lequel le préfet de Vaucluse a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la décision de refus de titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".

3. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans un avis du 9 septembre 2021, que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie.

4. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse se serait estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 9 septembre 2021.

5. En deuxième lieu, afin de contester les mentions de cet avis, M. B..., qui a levé le secret médical, produit plusieurs certificats médicaux établissant qu'il souffre d'un lymphome de Hodgkin de stade IV. Toutefois, ces certificats se bornent à indiquer qu'il a notamment fait l'objet de plusieurs séances de chimiothérapie depuis 2017, ainsi que d'un traitement d'entretien par Brentuximab, dont la dernière cure a été administrée le 2 septembre 2019. Les derniers comptes-rendus de consultation de suivi au sein du service d'oncologie médicale et d'hématologie clinique du centre hospitalier d'Avignon mentionnent d'ailleurs que l'intéressé est en " rémission complète clinique persistante " et que son état nécessite seulement la " poursuite de la surveillance semestrielle ". Le certificat médical établi le 23 juin 2022 par un médecin généraliste, qui indique que M. B... est " actuellement (...) porteur d'un port-a-cath, sous traitement d'entretien par Brentuximab ", ne permet pas, à lui-seul, d'établir la poursuite de ce traitement à la date de l'arrêté attaqué. Dans ces conditions, les éléments produits par l'appelant, qui se borne à se prévaloir de l'indisponibilité de cette substance active au Maroc, ne suffisent pas, alors même que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avait antérieurement émis des avis différents, à remettre en cause ses conclusions du 9 septembre 2021 relatives à la possibilité de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il en est de même de la production d'un certificat médical se bornant à mentionner que " son niveau socio-économique bas et les difficultés d'accessibilité géographiques ne lui permettent pas un suivi régulier de son affection de longue durée ". Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". L'article R. 425-12 du même code dispose que : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa du même article. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que M. B... ne poursuivait pas de traitement par Brentuximab depuis 2019. Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le rapport médical établi le 14 juillet 2021 par le médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, qui, comme d'ailleurs le certificat médical confidentiel qui lui a été adressé le 24 mars 2021 par deux médecins du centre hospitalier d'Avignon, ne mentionne ni ce traitement, ni qu'il était porteur d'un port-a-cath, était incomplet. Le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis du collège de médecins de cet Office, à qui ce rapport a été transmis, doit, en conséquence, être écarté.

7. En quatrième lieu, M. B..., qui est né le 14 janvier 1991, déclare être entré en France en décembre 2012, mais n'établit pas la continuité de son séjour, en particulier sa présence sur le territoire national au cours de l'année 2017. Il est célibataire et sans charge de famille et n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine, où résident notamment sa mère et trois membres de sa fratrie. Enfin et en tout état de cause, il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'intéressé peut bénéficier effectivement au Maroc d'un traitement approprié à sa pathologie. Dans ces conditions, les seules circonstances que son père et l'un de ses frères résident régulièrement en France sont insuffisantes pour admettre que la décision portant refus de renouvellement du titre de séjour de M. B... a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". Les circonstances évoquées précédemment, qui ne sauraient à elles-seules révéler l'existence de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels au sens de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sont insuffisantes pour faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sur ce point.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ". Compte tenu de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait ces dispositions doit être écarté.

10. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Vaucluse, alors même qu'il ne vise pas explicitement, dans l'arrêté attaqué, les dispositions citées au point précédent, ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de M. B... avant de prendre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

11. En dernier lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder la décision portant obligation de quitter le territoire français comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. B....

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 décembre 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01492


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01492
Date de la décision : 26/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : YOUCHENKO

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-26;23tl01492 ?
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