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31/12/2024 | FRANCE | N°23TL02461

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 31 décembre 2024, 23TL02461


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une première requête enregistrée sous le n° 1900816, de condamner la commune de Toulouse à lui verser, après son accident survenu le 16 octobre 2014 et reconnu imputable au service, la somme totale de 40 000 euros en réparation, d'une part, de son préjudice d'angoisse de mort imminente et, d'autre part, de son déficit fonctionnel temporaire. Par un jugement avant-dire droit n° 1900816 du 22 avril 2021, le tribunal adm

inistratif de Toulouse a, d'une part, rejeté les conclusions de Mme D... tendan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une première requête enregistrée sous le n° 1900816, de condamner la commune de Toulouse à lui verser, après son accident survenu le 16 octobre 2014 et reconnu imputable au service, la somme totale de 40 000 euros en réparation, d'une part, de son préjudice d'angoisse de mort imminente et, d'autre part, de son déficit fonctionnel temporaire. Par un jugement avant-dire droit n° 1900816 du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, rejeté les conclusions de Mme D... tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de la commune de Toulouse et, d'autre part, jugé que Mme D... était fondée à rechercher la responsabilité sans faute de la commune pour l'indemnisation de ses préjudices patrimoniaux autres que ceux relatifs à ses pertes de revenus et à l'incidence professionnelle de son accident de service, et pour l'indemnisation de ses préjudices personnels. Le tribunal a ordonné une expertise afin d'évaluer les préjudices extra-patrimoniaux subis. A la suite de ce jugement, le tribunal administratif de Toulouse a été saisi de conclusions supplémentaires présentées par Mme D... dans le cadre de sa demande n° 1900816 et d'une seconde requête, enregistrée sous le n° 2200919. Les conclusions présentées dans ces deux demandes tendaient, à titre principal, à la condamnation de la commune de Toulouse à verser à Mme D... la somme de 39 682 euros, dont 2 682 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, 7 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 4 000 euros au titre des souffrances endurées, 16 000 euros au titre des douleurs morales et des souffrances psychiques et 10 000 euros au titre des prises en charge psychothérapeutiques et médicamenteuses. A titre subsidiaire, Mme D... demandait, dans sa requête n° 1900816, la condamnation de la commune de Toulouse à lui verser la somme de 40 000 euros au titre du préjudice spécifique qu'elle estimait avoir subi résultant de l'angoisse de mort imminente et d'enjoindre à la commune de Toulouse de reconstituer sa carrière jusqu'au 28 mars 2017.

Par un jugement n° 1900816 et 2200919 du 7 juillet 2023, le tribunal administratif de Toulouse a condamné la commune de Toulouse à verser à Mme D... la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du déficit fonctionnel temporaire, et a rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2023, et un mémoire non communiqué du 2 décembre 2024, Mme C... D..., représentée par Me Hirtzlin-Pinçon, demande à la cour :

1°) si elle l'estime nécessaire, de désigner un expert dont la mission serait définie dans les mêmes termes que ceux retenus par le jugement avant-dire droit du tribunal administratif de Toulouse du 22 avril 2021 ;

2°) à titre principal, de réformer le jugement du 7 juillet 2023 en tant qu'il ne fait que partiellement droit à ses conclusions indemnitaires ;

3°) de condamner la commune de Toulouse à lui verser la somme totale de 39 682 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation, dont 2 682 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 7 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 4 000 euros au titre des souffrances endurées, 16 000 euros au titre des douleurs morales et des souffrances psychiques qu'elle estime avoir subies et 10 000 euros au titre des prises en charge psychothérapeutiques et médicamenteuses dont elle a bénéficié ;

4°) à titre subsidiaire, de confirmer le jugement du 7 juillet 2023 ;

5°) de mettre à la charge de la commune de Toulouse la somme de 2 500 euros hors taxes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au bénéfice de son conseil.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas tenu compte des éléments nouveaux qu'elle a fait valoir après l'expertise réalisée en janvier 2022 par l'expert désigné par le tribunal administratif, ce qui l'avait amenée à présenter de nouvelles conclusions indemnitaires ainsi qu'une nouvelle demande contentieuse ;

- à supposer même que les nouvelles conclusions présentées dans la demande n° 1900816 devant le tribunal administratif soient irrecevables, les conclusions présentées dans la demande n° 2200919 sont, elles, recevables ; la commune ne saurait lui opposer la prescription quadriennale ni une quelconque forclusion dès lors que le contentieux a été lié devant l'administration ;

- les premiers juges ont considéré à tort que l'expertise qu'ils avaient ordonnée ne traitait que de la maladie professionnelle liée à un syndrome dépressif et non à l'accident de service du 16 octobre 2014 ; au lieu de désigner un nouvel expert, ils se sont fondés sur une expertise non contradictoire, datant de 2015, alors que son auteur n'avait pas pour mission de se prononcer sur ses préjudices extra-patrimoniaux ;

- par ailleurs, si cette expertise indique qu'elle prenait des médicaments à partir d'octobre 2010, les doses administrées ont régulièrement augmenté après sa tentative de suicide en 2014 et jusqu'à son arrêt de travail ; la seule expertise devant servir de référence est celle réalisée par le docteur A..., à la demande du tribunal, sauf à ce que la cour ordonne une nouvelle expertise ;

- en ce qui concerne les moyens soulevés devant le tribunal administratif dans la demande n° 1900816, il existe un lien entre l'organisation du service et la tentative de suicide ; la commune a commis une faute dès lors que son syndrome dépressif ayant conduit à sa tentative de suicide résulte de ses conditions de travail au sein de l'Office de la tranquillité dans lequel elle a été affectée en septembre 2009 ; les certificats médicaux décrivent l'épuisement professionnel qui était le sien ; la faute de l'administration a consisté dans une mauvaise organisation du service l'ayant conduit à assumer une charge de travail excessive à l'origine de son épuisement professionnel ; il avait pourtant été mis en évidence, dès 2010, notamment un manque de formation, une absence de soutien hiérarchique, une souffrance au travail d'agents affectés dans l'office, un personnel en nombre insuffisant, mal formé et mal encadré ; elle a, par ailleurs, été victime de harcèlement moral de son supérieur hiérarchique, ainsi que de discrimination syndicale ; sa hiérarchie n'a pas tenu compte des alertes qu'elle a données ; la veille de sa tentative de suicide, elle a, lors de la séance du comité technique paritaire, présenté la situation du service, indiqué avoir interrompu son traitement médical depuis une semaine avant d'être mise en cause devant ce comité par le maire ; l'expertise du docteur B..., qui avait demandé le 15 janvier 2015 une enquête sur les conditions de travail au sein de l'office de la tranquillité et sur les événements qui s'y étaient produits, établit la réalité de sa souffrance au travail, et de sa dépression réactionnelle ; la commune n'a pas respecté l'obligation de sécurité qui était la sienne en vertu du décret du 10 juin 1985 ; le médecin du travail a considéré, en 2015, qu'elle avait été victime d'un " burn-out " ; si elle a été victime de pathologies distinctes de la dépression réactionnelle ayant conduit à sa tentative de suicide, ces pathologies sont sans lien avec celle-ci ; les violences, agressions et harcèlement au travail dont elle a été la victime sont donc la cause de son geste, reconnu comme accident de service ;

- le lien de causalité entre les dysfonctionnements rencontrés au sein de l'office, les violences, agressions et harcèlement dont elle a été victime au sein de cet organisme et l'accident de service est établi ;

- la commune lui a accordé le bénéfice de la protection fonctionnelle, ce qui signifie qu'elle a reconnu sa responsabilité dans le harcèlement moral dont elle a été victime ;

- la responsabilité pour faute de la commune doit donc être engagée ; à titre subsidiaire, sa responsabilité sans faute devra être retenue ;

- elle a droit à la réparation des préjudices subis, sur la base du " référentiel Mornet ", à hauteur de 2 682 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, calculé sur 894 jours avec un taux à 15 % ; de 7 000 euros calculé avec le taux retenu par l'expert de 5 % au titre du déficit fonctionnel permanent, de 4 000 euros au titre du préjudice lié aux souffrances endurées, évaluées à deux sur une échelle de sept par l'expert ; son préjudice lié à la douleur morale et aux souffrances psychiques doit être évalué à 16 000 euros ; elle devra bénéficier d'une prise en charge psychothérapeutique et médicamenteuse, ce qui aura un impact physique et moral pour elle, et lui cause un préjudice à évaluer à 10 000 euros.

- en ce qui concerne les moyens soulevés devant le tribunal administratif dans la demande n° 2200919, la commune doit l'indemniser des préjudices subis au titre de l'accident de service, qui engage la responsabilité de la commune sur le terrain de la faute ; la consolidation de son état de santé est intervenue en 2017 ; elle n'a jamais repris son service avant sa mise à la retraite qui sera reconnue comme imputable au service par la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales ; elle demande la condamnation de la commune de Toulouse à lui verser la somme totale de 39 682 euros, dont 2 682 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, 7 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 4 000 euros au titre des souffrances endurées, 16 000 euros au titre des douleurs morales et des souffrances psychiques qu'elle estime avoir subies et 10 000 euros au titre des prises en charge psychothérapeutiques et médicamenteuse.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 novembre 2024, la commune de Toulouse, représentée par Me Aveline, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme D... la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête d'appel de Mme D... est tardive faute d'avoir été présentée dans le délai d'appel ; en tout état de cause, elle n'est pas recevable à demander la condamnation de la commune à l'indemniser des nouveaux préjudices qu'elle a invoqués dans sa seconde demande préalable indemnitaire, présentée après l'expiration du délai de recours contentieux ; au fond, elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une décision du 15 mars 2024, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a rejeté la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme D....

Par une ordonnance du 19 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 3 décembre 2024 à 12 h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Perrin rapporteure publique,

- et les observations de Me Hirtzlin-Pinçon pour Mme D... et de Me Kaczmarczyk pour la commune de Toulouse.

Une note en délibéré a été présentée pour Mme D... le 17 décembre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., animatrice territoriale de la commune de Toulouse (Haute-Garonne), affectée en septembre 2009 à l'Office de la tranquillité de la commune pour y exercer la fonction de régulatrice, a tenté, le 16 octobre 2014, de se suicider sur son lieu de travail par intoxication médicamenteuse. Cet accident a été reconnu imputable au service par une décision du maire du 18 décembre 2014. Par une première demande, enregistrée en février 2019 sous le n° 1900816 devant le tribunal administratif de Toulouse, Mme D... a sollicité la condamnation de la commune de Toulouse à lui verser diverses sommes à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis à la suite de son accident de service.

2. Par un premier jugement du 22 avril 2021, le tribunal administratif de Toulouse a, d'une part, rejeté les conclusions de Mme D... tendant à l'engagement de la responsabilité pour faute de la commune de Toulouse et, d'autre part, jugé que Mme D..., dont l'accident avait été reconnu imputable au service, était fondée à rechercher la responsabilité sans faute de la commune. Le tribunal a, dans ce jugement du 22 avril 2021, ordonné une expertise afin de déterminer le montant des préjudices extrapatrimoniaux subis par Mme D.... Après dépôt du rapport d'expertise le 3 janvier 2022, et toujours au cours de l'instance enregistrée sous le n° 1900816, Mme D... a présenté des conclusions additionnelles dans un mémoire du 10 janvier 2022, mais également d'une seconde requête, enregistrée sous le n° 2200919, qui tendaient tous les deux à la condamnation de la commune de Toulouse à lui verser une somme totale de 39 682 euros, dont 2 682 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire, 7 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 4 000 euros au titre des souffrances endurées, 16 000 euros au titre des douleurs morales et des souffrances psychiques et 10 000 euros au titre des prises en charge psychothérapeutiques et médicamenteuses. A titre subsidiaire, Mme D... demandait la condamnation de la commune de Toulouse à lui verser la somme de 40 000 euros au titre de son préjudice d'angoisse de mort imminente subi au cours de son accident de service.

3. Par la présente requête, Mme D... relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulouse n° 1900816 et 2200919 du 7 juillet 2023 en tant qu'il limite à 1 000 euros la condamnation de la commune de Toulouse en réparation de son déficit fonctionnel temporaire.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel :

4. Aux termes de l'article R. 811-2 du code de justice administrative : " Sauf disposition contraire, le délai d'appel est de deux mois. Il court contre toute partie à l'instance à compter du jour où la notification a été faite à cette partie dans les conditions prévues aux articles R. 751-3 à R. 751-4-1 (...) ". Aux termes de l'article 44 du décret du 28 décembre 2020, portant application de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et relatif à l'aide juridictionnelle : " I. - En matière civile, lorsqu'une demande d'aide juridictionnelle en vue de se pourvoir devant la Cour de cassation (...) est déposée ou adressée au bureau d'aide juridictionnelle (...) avant l'expiration du délai imparti pour le dépôt du pourvoi (...) ce délai est interrompu. Un nouveau délai de recours court à compter de la notification de la décision du bureau d'aide juridictionnelle (...) II. - Les délais de recours sont interrompus dans les conditions prévues au I lorsque l'aide juridictionnelle est sollicitée à l'occasion d'une instance devant (...) une cour administrative d'appel (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été notifié à Mme D... le 12 juillet 2023. Celle-ci a, le 8 septembre 2023, soit dans le délai d'appel de deux mois, présenté une demande l'aide juridictionnelle qui lui a été refusée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle intervenue seulement le 15 mars 2024. Dans ces conditions, la requête d'appel de Mme D..., enregistrée au greffe de la cour dès le 18 octobre 2023, n'est pas tardive, et la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune de Toulouse ne peut qu'être écartée.

Sur la recevabilité des conclusions indemnitaires :

6. La décision par laquelle l'administration rejette une réclamation tendant à la réparation des conséquences dommageables d'un fait qui lui est imputé lie le contentieux indemnitaire à l'égard du demandeur pour l'ensemble des dommages causés par ce fait générateur. Il en va ainsi quels que soient les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages invoqués par la victime et que sa réclamation ait ou non spécifié les chefs de préjudice en question. La victime est recevable à demander au juge administratif, dans les deux mois suivant la notification de la décision ayant rejeté sa réclamation, la condamnation de l'administration à l'indemniser de tout dommage ayant résulté de ce fait générateur, y compris en invoquant des chefs de préjudice qui n'étaient pas mentionnés dans sa réclamation. Si, une fois expiré ce délai de deux mois, la victime saisit le juge d'une demande indemnitaire portant sur la réparation de dommages causés par le même fait générateur, cette demande est tardive et, par suite, irrecevable. Il en va ainsi alors même que ce recours indemnitaire indiquerait pour la première fois les chefs de préjudice auxquels se rattachent les dommages, ou invoquerait d'autres chefs de préjudice, ou aurait été précédé d'une nouvelle décision administrative de rejet à la suite d'une nouvelle réclamation portant sur les conséquences de ce même fait générateur.

7. Il n'est fait exception à ces règles que dans le cas où la victime demande réparation de dommages qui, tout en étant causés par le même fait générateur, sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement à la décision administrative ayant rejeté sa réclamation. Dans ce cas, qu'il s'agisse de dommages relevant de chefs de préjudice figurant déjà dans cette réclamation ou de dommages relevant de chefs de préjudice nouveaux, la victime peut saisir l'administration d'une nouvelle réclamation portant sur ces nouveaux éléments et, en cas de refus, introduire un recours indemnitaire dans les deux mois suivant la notification de ce refus. Dans ce même cas, la victime peut également, si le juge administratif est déjà saisi par elle du litige indemnitaire né du refus opposé à sa réclamation, ne pas saisir l'administration d'une nouvelle réclamation et invoquer directement l'existence de ces nouveaux éléments devant le juge administratif saisi du litige en premier ressort afin que, sous réserve le cas échéant des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle, il y statue par la même décision. La victime peut faire de même devant le juge d'appel, dans la limite toutefois du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant de l'indemnité demandée au titre des dommages qui sont nés, ou se sont aggravés, ou ont été révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement de première instance.

8. Il résulte de l'instruction que Mme D... a, le 17 octobre 2018, adressé à la commune de Toulouse une demande préalable d'indemnisation des préjudices qu'elle estimait avoir subis au titre de son angoisse de mort imminente et de son déficit fonctionnel temporaire. Cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet à l'issue d'un délai de deux mois. Le 13 février 2019, Mme D... a saisi le tribunal administratif de Toulouse d'une requête, enregistrée sous le n° 1900816, tendant à la condamnation de la commune à lui verser la somme de 40 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices qu'elle avait mentionnés dans sa demande préalable du 17 octobre 2018.

9. Dans un mémoire complémentaire qu'elle a produit dans l'instance n° 1900816 le 10 janvier 2022, Mme D... a, en outre, demandé la condamnation de la commune de Toulouse à lui verser une indemnité d'un montant total de 39 682 euros se décomposant comme suit : 2 682 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire partiel, 7 000 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, 4 000 euros au titre des souffrances endurées, 16 000 euros au titre des douleurs morales et des souffrances psychiques et 10 000 euros au titre des prises en charge psychothérapeutiques et médicamenteuses. Parallèlement, Mme D... a, le 17 février 2022, saisi le tribunal d'une seconde requête, enregistrée sous le n° 2200919, tendant à la condamnation de la commune à lui verser cette même somme de 39 682 euros.

10. Ces demandes tendaient ainsi à la réparation de chefs de préjudice qui n'avaient pas été invoqués dans la réclamation préalable du 17 octobre 2018, pas plus qu'ils ne l'avaient été dans le mémoire introductif de l'instance n° 1900816 présenté le 13 février 2019. Ainsi, ces demandes ont été présentées après l'expiration du délai de deux mois suivant la naissance du rejet implicite opposé à la demande préalable du 17 octobre 2018. Dans ces conditions, les conclusions présentées par Mme D... tendant à la réparation des souffrances qu'elles a endurées, de ses préjudice moral et souffrances psychiques, de son déficit fonctionnel permanent et de son préjudice lié à sa prise en charge psychothérapeutique et médicamenteuse, étaient irrecevables, comme l'ont relevé à bon droit les premiers juges à la suite de la fin de non-recevoir opposée en ce sens par la commune de Toulouse. Il en va ainsi dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, et il n'est pas allégué par Mme D..., que ces préjudices se rattacheraient à des dommages qui, causés par le même fait générateur, seraient nés ou se seraient aggravés, ou auraient été révélés dans toute leur ampleur, postérieurement à la décision administrative ayant rejeté la réclamation devant l'administration.

11. Il résulte de ce qui précède que seules sont recevables les conclusions de Mme D... tendant à la condamnation de la commune de Toulouse à lui verser la somme de 2 682 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et à la réformation du jugement en tant qu'il a limité à 1 000 euros la condamnation de la commune au titre de ce chef de préjudice.

Sur le bien-fondé des conclusions indemnitaires relatives au déficit fonctionnel temporaire :

12. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise ordonné par le tribunal administratif de Toulouse, que le déficit fonctionnel temporaire subi par Mme D..., pour la période allant du 16 octobre 2014 au 28 mars 2017, évalué à 15 %, est uniquement imputable à l'accident de service du 16 octobre 2014. L'expert a par ailleurs précisé que la date de consolidation de l'état de santé de Mme D... devait être fixée au 28 mars 2017. Dans ces circonstances, eu égard à la durée pendant laquelle Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire, il y a lieu de condamner la commune de Toulouse à verser à Mme D... la somme de 2 175 euros à ce titre. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2018, date de la demande préalable, et de la capitalisation des intérêts à compter du 17 octobre 2019.

13. Il résulte de ce qui précède que Mme D... est seulement fondée à demander que l'indemnité, que le tribunal administratif a condamné la commune de Toulouse à lui verser, soit portée à la somme de 2 175 euros.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. La commune de Toulouse ne pouvant être regardée comme la partie essentiellement perdante dans le présent litige, les conclusions de Mme D..., présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, doivent être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par la commune de Toulouse.

DÉCIDE:

Article 1er : La somme de 1 000 euros, que le tribunal administratif de Toulouse a mise à la charge de la commune de Toulouse au bénéfice de Mme D..., est portée à 2 175 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 17 octobre 2018. Les intérêts échus au 17 octobre 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 2 : Le jugement n° 1900816 et 2200919 du 7 juillet 2023 du tribunal administratif de Toulouse est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C... D... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Toulouse au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... et à la commune de Toulouse.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 décembre 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

F. Faïck

La greffière

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Garonne en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02461


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02461
Date de la décision : 31/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-07-10-01 Fonctionnaires et agents publics. - Statuts, droits, obligations et garanties. - Garanties et avantages divers. - Protection en cas d'accident de service.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : HIRTZLIN-PINÇON

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-31;23tl02461 ?
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