Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 28 avril 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 28 avril 2020 et de mettre à la charge de centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°2002753 du 4 mai 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 28 avril 2020 par laquelle le directeur du centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " a suspendu M. A... de ses fonctions à titre conservatoire à compter du 28 avril 2020 et a mis à la charge du centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédures devant la cour :
I. Sous le n°23TL01599, par une requête, enregistrée le 4 juillet 2023, le centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon ", représenté par Me Herrmann, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse rendu le 4 mai 2023 ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce que le principe du contradictoire a été méconnu, la note en délibéré et la pièce jointe, enregistrées le 7 avril 2023, destinées à établir la délégation accordée au signataire de la mesure de suspension, n'ont pas été prises en compte, soit pour les écarter des débats, soit pour rouvrir l'instruction ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a, pour annuler la suspension à caractère conservatoire, prononcée le 28 avril 2020, retenu l'incompétence de son signataire ;
- aucun autre moyen n'est de nature à fonder l'annulation de la suspension ainsi prononcée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 octobre 2024, M. E... A..., représenté par Me Sabatté, demande à la cour de rejeter la requête du centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " et demande de mettre à la charge de l'établissement public de santé une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- au surplus, le moyen tiré de ce que la mesure de suspension, en l'absence des critères de gravité et de vraisemblance des faits reprochés, méconnaît les dispositions de l'article 30 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 est de nature à fonder également son annulation.
Par une ordonnance du 8 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été reportée et fixée au 9 décembre 2024.
II. Sous le n°24TL00395, par une requête, enregistrée le 15 février 2024, le centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon ", représenté par Me Herrmann, demande à la cour :
1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2002753 du tribunal administratif de Toulouse, rendu le 4 mai 2023, en application des dispositions des articles R. 811-15 à R. 811-17 du code de justice administrative ;
2°) de mettre à la charge de M. E... A... la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- il existe des moyens sérieux de nature à justifier, d'une part, l'annulation du jugement contesté, et, d'autre part, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies, ainsi qu'il en a justifié dans sa requête au fond, à savoir les moyens tirés de l'irrégularité du jugement au regard de la méconnaissance du principe du contradictoire, du caractère infondé du motif d'annulation retenu par les premiers juges et du caractère non fondé des autres moyens d'annulation soulevés par M. A... en première instance.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2024, M. E... A..., représenté par Me Sabatté, conclut au rejet de la requête du centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " et demande à la cour de mettre à la charge de l'établissement public de santé une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Herrmann représentant le centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon ",
- et les observations de Me Arslan El Yacoubi, substituant Me Sabatté, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A... a été recruté par le centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " en qualité d'ouvrier principal de 2ème classe non titulaire pour occuper les fonctions de responsable de la cuisine centrale de l'établissement public de santé à Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne) à compter du 1er novembre 2015, puis, en qualité de titulaire à compter du 1er septembre 2017. Par une décision du 28 avril 2020, le centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire. Dans la requête n°23TL01599, le centre hospitalier relève appel du jugement du 4 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette mesure de suspension prononcée à titre conservatoire. Dans la requête n°24TL00395, l'établissement public de santé sollicite le sursis à exécution de ce même jugement.
2. Les requêtes n°23TL01599 et n°24TL00395 sont dirigées contre le même jugement et sont relatives à la situation d'un même fonctionnaire. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur la requête n°23TL01599 :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. Aux termes de l'article R. 731-1 du code de justice administrative : " A l'issue de l'audience, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré ". Devant les juridictions administratives et dans l'intérêt d'une bonne justice, le juge a toujours la faculté de rouvrir l'instruction, qu'il dirige, lorsqu'il est saisi d'une production postérieure à la clôture de celle-ci. Il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette production avant de rendre sa décision et de la viser. S'il décide d'en tenir compte, il rouvre l'instruction et soumet au débat contradictoire les éléments contenus dans cette production qu'il doit, en outre, analyser. Dans le cas particulier où cette production contient l'exposé d'une circonstance de fait ou d'un élément de droit dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et qui est susceptible d'exercer une influence sur le jugement de l'affaire, le juge doit en tenir compte, à peine d'irrégularité de sa décision.
4. Le centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " soutient que les premiers juges n'ont pas pris en compte sa note en délibéré, enregistrée le 7 avril 2023, et les pièces qui étaient jointes, à savoir la convention de mise à disposition conclue, le 14 février 2013 entre le centre hospitalier Comminges-Pyrénées et les Hôpitaux de Luchon, l'avenant n° 13 à cette convention signé le 25 juin 2019, la décision n° 2020-03-05 du 2 mars 2020 portant " organisation de la direction à compter du 1er mars 2020 " et la décision du 27 février 2020 du directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie chargeant M. F... B... de l'intérim des fonctions de direction du centre hospitalier Comminges-Pyrénées et de Luchon. Toutefois, il ressort de l'examen tant de la note proprement dite que des pièces qui l'accompagnaient, produites à nouveau par les Hôpitaux de Luchon en appel, qu'elles ne contenaient aucune circonstance de fait dont l'établissement public de santé n'aurait pu faire état avant la clôture de l'instruction ni aucune circonstance de droit nouvelle ou que le juge aurait dû relever d'office. Par suite, en se bornant à viser cette note en délibéré sans l'analyser, le tribunal administratif de Toulouse, qui n'avait pas à expliciter dans les motifs son refus de rouvrir l'instruction, n'a pas, contrairement à ce que soutient l'appelant, méconnu le caractère contradictoire de l'instruction.
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement :
5. Aux termes des dispositions de l'article D. 6143-33 du code de la santé publique : " (...) Dans le cadre de ses compétences définies à l'article L. 6143-7, le directeur d'un établissement public de santé peut, sous sa responsabilité, déléguer sa signature. ". Aux termes de l'article D. 6143-34 de ce même code : " Toute délégation doit mentionner : 1° Le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée ; 2° La nature des actes délégués ; 3° Éventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation. ", et aux termes de l'article R. 6143-38 de ce code, dans sa version applicable à compter du 23 août 2019 : " Sans préjudice des obligations de publication prévues par d'autres dispositions du présent code, les décisions des directeurs des établissements publics de santé et les délibérations non réglementaires de leurs conseils de surveillance sont notifiées aux personnes physiques et morales qu'elles concernent. Leurs décisions et délibérations réglementaires sont publiées sur le site internet de l'établissement. ".
6. Pour annuler la mesure de suspension à titre conservatoire de M. A..., le tribunal administratif de Toulouse s'est fondé sur le motif tiré de ce que le signataire de cette décision ne disposait pas d'une délégation, régulièrement publiée, l'habilitant à le faire.
7. La décision en litige a été signée par M. D... C..., directeur adjoint chargé des ressources humaines. Or, il ne résulte d'aucune décision régulièrement publiée, accessible tant au juge qu'aux parties, que M. C... aurait régulièrement reçu délégation de signature à l'effet de signer ce type de décisions. En outre, les documents produits en appel, identiques à ceux produits dans le cadre de la note en délibéré présentée en première instance et constitués de la convention de mise à disposition conclue, le 14 février 2013 entre le centre hospitalier Comminges-Pyrénées et les Hôpitaux de Luchon, l'avenant n° 13 à cette convention signé le 25 juin 2019, la décision n° 2020-03-05 du 2 mars 2020 portant " organisation de la direction à compter du 01 mars 2020 " indiquant seulement, dans un article 7, que les " cadres de direction disposent d'une délégation de compétence et de signature " et la décision du 27 février 2020 du directeur général de l'agence régionale de santé Occitanie chargeant M. F... B... de l'intérim des fonctions de direction du centre hospitalier Comminges-Pyrénées et de Luchon ne justifient pas que M. C... disposait, à la date du 6 août 2020, d'une délégation de signature, régulièrement publiée, l'habilitant à signer les mesures de suspension à titre conservatoire prononcées à l'encontre des personnels non médicaux. En tout état de cause, le centre hospitalier ne justifie pas que cette décision du 2 mars 2020 portant organisation de la direction aurait fait l'objet d'une publication sur le site internet de l'établissement conformément aux dispositions de l'article R. 6143-38 du code de la santé publique, cité au point 5, entrées en vigueur le 23 août 2019 et applicables à la date de la décision en litige. Il suit de là que le motif ainsi retenu était de nature à fonder l'annulation de la mesure de suspension à titre conservatoire ainsi contestée.
8. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé la mesure de suspension à titre conservatoire prononcée à l'encontre de M. A....
Sur la requête n°24TL00395 :
9. Le présent arrêt statuant sur la demande d'annulation du jugement n°2002753 du 4 mai 2023 du tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de la requête n° 24TL00395 tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet.
Sur les frais liés aux litiges :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, les sommes demandées par le centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon ", au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sur ce même fondement, de mettre à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A... dans ces deux instances.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n°24TL00395 du centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " à fin de sursis à exécution.
Article 2 : La requête n°23TL01599 du centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " et les conclusions de la requête n°24TL00395 présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " versera la somme de 1 500 euros à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier " Hôpitaux de Luchon " et à M. E... A....
Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-Demaret
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Nos 23TL01599 et 24TL00395 2