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23/01/2025 | FRANCE | N°23TL00390

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 23 janvier 2025, 23TL00390


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société par actions simplifiée unipersonnelle Semsa a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 2017.

Par un jugement n° 2002231 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé la société Semsa de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code

général des impôts et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :



P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée unipersonnelle Semsa a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 2017.

Par un jugement n° 2002231 du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé la société Semsa de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts et rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 31 août 2023, la société Semsa, représentée par Me Martinez, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les opérations de cession de terrains à bâtir en cause remplissent la condition d'identité de nature juridique entre leur acquisition et leur revente, justifiant l'application de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévue par l'article 268 du code général des impôts ;

- l'administration a méconnu les paragraphes n° 120 et n° 300 de la doctrine référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 du 29 septembre 2014, selon laquelle un immeuble en ruine doit être regardé comme un terrain à bâtir.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 6 juin et 29 septembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 8 juillet 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Semsa, qui exerce une activité principale d'exploitation d'un fonds artisanal de menuiserie et une activité accessoire de marchand de biens, a acquis, par jugement d'adjudication du tribunal de grande instance de Nîmes du 23 janvier 2014, un ensemble immobilier situé aux Angles (Gard), composé d'une maison d'habitation et d'un local commercial. Le 6 octobre 2016, elle a acquis, par adjudication aux enchères, avec deux autres sociétés, un bien immobilier situé à Caromb (Vaucluse), constitué d'un terrain sur lequel était implanté une maison d'habitation. Ces ensembles immobiliers ont fait l'objet, après leurs acquisitions respectives, de divisions parcellaires et la société Semsa a cédé, les 28 et 31 juillet et 29 août 2017 certaines des parcelles nouvelles créées en tant que terrains à bâtir. Elle a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge, en droits et pénalités, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier au 30 novembre 2017, procédant de la remise en cause, à l'issue d'une vérification de comptabilité, du régime de taxation sur la marge, dont elle avait fait application pour ces opérations de cession de terrains à bâtir. Par un jugement du 16 décembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a déchargé la société Semsa de la majoration de 40 % prévue par le a. de l'article 1729 du code général des impôts et rejeté le surplus de sa demande. Elle fait appel de ce jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Le I de l'article 257 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période d'imposition en litige, prévoit que les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles, lesquelles comprennent les livraisons à titre onéreux de terrains à bâtir, sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En vertu du b du 2 de l'article 266 du même code, l'assiette de la taxe est en principe constituée par le prix de cession. L'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée dispose toutefois que : " Les États membres peuvent prévoir que, pour les livraisons de bâtiments et de terrains à bâtir achetés en vue de la revente par un assujetti qui n'a pas eu droit à déduction à l'occasion de l'acquisition, la base d'imposition est constituée par la différence entre le prix de vente et le prix d'achat ". L'article 268 du code général des impôts, pris pour la transposition de ces dispositions, prévoit que : " S'agissant de la livraison d'un terrain à bâtir (...), si l'acquisition par le cédant n'a pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la base d'imposition est constituée par la différence entre : / 1° D'une part, le prix exprimé et les charges qui s'y ajoutent ; / 2° D'autre part, selon le cas : / a) soit les sommes que le cédant a versées, à quelque titre que ce soit, pour l'acquisition du terrain ou de l'immeuble ; / b) soit la valeur nominale des actions ou parts reçues en contrepartie des apports en nature qu'il a effectués (...) ".

3. Par une ordonnance C-191/21 du 10 février 2022, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 392 de la directive du 28 novembre 2006 doit être interprété en ce sens qu'il exclut l'application du régime de taxation sur la marge à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains acquis bâtis sont devenus, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, des terrains à bâtir, mais qu'il n'exclut pas l'application de ce régime à des opérations de livraison de terrains à bâtir lorsque ces terrains ont fait l'objet, entre le moment de leur acquisition et celui de leur revente par l'assujetti, de modifications de leurs caractéristiques telles qu'une division en lots.

4. Il résulte également des dispositions de l'article 268 du code général des impôts, lues à la lumière de celles de la directive du 28 novembre 2006 dont elles ont pour objet d'assurer la transposition, que les règles de calcul dérogatoires de la taxe sur la valeur ajoutée qu'elles prévoient s'appliquent aux opérations de cession de terrains à bâtir qui ont été acquis en vue de leur revente et ne s'appliquent donc pas à une cession de terrains à bâtir qui, lors de leur acquisition, avaient le caractère d'un terrain bâti, notamment quand le bâtiment qui y était édifié a fait l'objet d'une démolition de la part de l'acheteur-revendeur ou quand le bien acquis a fait l'objet d'une division parcellaire en vue d'en céder séparément des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment ou encore quand les parcelles, quoique ayant déjà fait l'objet d'une autorisation de division, ou d'une division effective, lors de l'acquisition, avaient, au regard des indications figurant dans l'acte de vente, été vendues non comme terrain à bâtir, mais comme terrain bâti, ensemble avec la parcelle sur laquelle était édifié un bâtiment.

5. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le bien immobilier, situé à Caromb, que la société Semsa a acquis le 6 octobre 2016, était composé d'une maison à usage d'habitation avec un jardin d'agrément clôturé et une piscine attenante et constituait un lot unique correspondant à une parcelle cadastrée section A n° 1515. Dans ces conditions, les biens cédés comme terrains à bâtir les 31 juillet et 29 août 2017, alors même qu'ils correspondaient, après une division parcellaire réalisée à la suite d'un document d'arpentage dressé le 29 mars 2017, à des parties ne constituant pas le terrain d'assiette du bâtiment, doivent être regardés comme n'ayant pas été acquis comme tels.

6. En second lieu, d'une part, il résulte de l'instruction, notamment des mentions du jugement d'adjudication du 23 janvier 2014 et du procès-verbal de description des lieux dressé par huissier de justice le 13 octobre 2010, que l'ensemble immobilier, situé aux Angles, acquis par la société Semsa comprenait une construction à usage d'habitation, implantée sur les parcelles cadastrées section AN n° 229 et n° 230, et un local commercial, correspondant à un ancien restaurant, également situé sur la parcelle n° 229. Cette dernière a ensuite été divisée en trois parcelles, cadastrées section AN n° 295, n° 296 et n° 297, et la parcelle n° 230 a été divisée en deux parcelles, cadastrées section AN n° 298 et n° 299. La maison d'habitation, correspondant aux parcelles n° 296, n° 298 et n° 299, a été vendue le 27 septembre 2014 à la société civile immobilière Savère. La cession du 28 juillet 2017, réalisée par les sociétés Semsa et Savère, a porté sur les parcelles n° 295 et n° 297, ainsi que la parcelle n° 314, issue de la parcelle n° 296. Elle concernait donc une partie seulement de la parcelle initialement référencée n° 229, laquelle comprenait également une partie de l'emprise de la maison d'habitation, et de l'ensemble immobilier acquis en un seul lot en 2014. Dans ces conditions, alors même que le local commercial aurait été dans un état de ruine lors de cette acquisition, le rendant impropre à sa destination, et qu'il a fait l'objet d'une démolition en 2015, les biens cédés comme terrains à bâtir le 28 juillet 2017, en dépit d'ailleurs de la désignation " parcelle de terre avec bâtiment et piscine ", doivent être également regardés comme n'ayant pas été acquis comme tels. Est, à ce titre, sans incidence la circonstance que, dans l'hypothèse où la société Semsa aurait revendu le local commercial à la suite immédiate de son acquisition en 2014, la livraison, qui aurait concerné un immeuble achevé depuis plus de cinq ans, aurait alors été exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée.

7. D'autre part, la société Semsa n'est pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, de la doctrine référencée BOI-TVA-IMM-10-10-10-20 du 29 septembre 2014, qui se borne à préciser, en son paragraphe n° 120, qu'un immeuble dont l'état le rend impropre à un quelconque usage doit être assimilé à un terrain à bâtir dès lors qu'il est situé dans une zone où les constructions peuvent être autorisées et qui ne comporte aucune interprétation différente de celle qui résulte de la loi fiscale dont il a été fait application. Il en est de même du paragraphe n° 300 de cette même doctrine, qui concerne la notion de livraison d'immeuble neuf.

8. Il résulte de tout ce qui précède que c'est donc à bon droit que l'administration a remis en cause l'application, aux opérations en cause, du régime, prévu à l'article 268 du code général des impôts, de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge. La société Semsa n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Semsa est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée unipersonnelle Semsa et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2025.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL00390 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00390
Date de la décision : 23/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02-01-01 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée. - Personnes et opérations taxables. - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : MARTINEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-23;23tl00390 ?
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